Faire payer les riches... et devenir plus pauvres


Édition du 07 Juin 2014

Faire payer les riches... et devenir plus pauvres


Édition du 07 Juin 2014

Et c'est reparti. Pour redresser les finances publiques, en piteux état comme vient de le confirmer le premier budget Leitao, il suffit (encore et toujours) de faire payer les riches.

L'appel est venu ces jours derniers de sources habituelles : Françoise David, de Québec solidaire, et Jacques Létourneau, président de la CSN. Inquiets à la pensée d'un régime minceur pour l'État, les deux suggèrent notamment un nouveau palier d'imposition pour les mieux nantis. Le taux marginal combiné (fédéral-provincial) atteint déjà 49,9 %. On franchirait donc la barre des 50 %, sans compter tous les autres prélèvements fiscaux (assurance-emploi, assurance parentale, contribution santé et tutti quanti). Le Québec consoliderait ainsi son triste championnat de société globalement la plus imposée et taxée en Amérique du Nord.

Mais voilà, pas grave, il suffit d'un claquement de doigts pour régler la question du manque de revenus. Attendez qu'on vous pogne, vous qui avez les poches pleines...

Sauf que c'est loin d'être un remède miracle. Croyez-moi, si c'était aussi facile, les ministres des Finances se seraient déjà essayés. Et s'ils sont hésitants à s'engager dans la voie de l'escalade, ce n'est pas parce qu'ils tremblent devant l'idée d'affronter le lobby des «riches» : c'est plutôt parce que les expériences vécues ici comme ailleurs montrent que la taxe trop élevée finit par tuer la taxe.

En voici trois illustrations.

Rappelez-vous les épisodes des hausses draconiennes de taxes sur les cigarettes. Qu'on soit d'accord ou non sur le principe, ne serait-ce que pour une question de santé publique, les gouvernements ont dû limiter les hausses. En effet, passé un certain seuil, leurs revenus baissaient au lieu de croître, tout simplement parce que des taxes trop lourdes faisaient basculer la demande vers les cigarettes de contrebande.

Idem pour l'industrie minière. Lors de la campagne électorale de 2012, le Parti québécois dénonçait les «petits cailloux» que le Québec retirait de son régime fiscal minier. Après bien des allers-retours et des signaux difficiles à déchiffrer, le gouvernement Marois a fini par modifier à la hausse les droits qu'il souhaitait percevoir des mines en activité, avant de changer piteusement son discours, tout comme ses expectatives.

En réalité, on aura retiré moins de revenus en 2013 qu'en 2102, à l'époque des prétendus petits cailloux. En décembre 2013, le bureau de l'ancien ministre des Finances, Nicolas Marceau, révisait sombrement et radicalement à la baisse ce qu'il espérait percevoir de l'industrie au cours des quatre prochaines années. La différence n'est pas mince : on parle de 690 millions de dollars de moins que ce qui était espéré.

La faiblesse du cours des métaux n'a pas aidé, mais les grandes minières internationales sont alors devenues plus attentistes et les petites minières québécoises se sont heurtées à un mur quand est venu le moment de solliciter les investisseurs. En voulant avancer plus vite, on n'a fait que reculer. Et les dommages collatéraux risquent de se faire sentir pour des années à venir.

En troisième lieu, pas nécessaire d'insister longtemps sur la désastreuse stratégie du gouvernement Hollande, en France, qui évoquait un seuil d'imposition de 75 % sur les hauts revenus, qu'il présentait comme temporaire. Non seulement le Conseil constitutionnel français a-t-il censuré la mesure, mais on a eu droit à des réactions à la Gérard Depardieu. Au-delà de ses réactions quasi caricaturales, il est probable que bien d'autres seraient partis en faisant moins de bruit.

Des capitaux mobiles

C'est le problème avec ce genre de mesures : tout comme le capital, les riches sont mobiles. Une fois excédés, ils partent. Dans certains milieux, on prétend, avec un fond de vraisemblance, que les Québécois sont plus attachés à leur coin de pays. C'est peut-être vrai, surtout pour les francophones. Mais le tiers de la population québécoise est anglophone et allophone. Déménager lui fait moins mal au coeur, comme on l'a vu lors de crises politiques antérieures.

D'ailleurs, les indications préliminaires montrent qu'en matière de migration interprovinciale, le Québec aura vécu en 2013 sa pire année déficitaire depuis 1998. On parle d'un écart négatif de quelque 15 000 personnes.

Les chiffres définitifs seront connus plus tard, mais si la tendance se confirme, on lui attribuera certainement deux causes : le fait que l'économie québécoise vacillante a incité de plus jeunes ménages à tenter leur chance ailleurs, particulièrement dans l'Ouest ; mais aussi, que des contribuables plus fortunés ont décidé de se reloger là où la fiscalité est moins lourde. Et si j'en crois les courriels que je reçois à cet effet, ils sont plus qu'une poignée.

Est-ce légitime ? Moral ? Socialement acceptable ? Désolé, mais là n'est pas la question. Le fait existe. L'amplifier reviendrait à jouer au serpent qui se mord la queue. Autrement dit, à finir par récolter moins de revenus fiscaux en alourdissant le régime.

Une autre suggestion des gens de gauche, au potentiel nettement plus intéressant, touche aux actions que pourraient entreprendre les différents gouvernements canadiens pour contrer les transferts de fonds dans les paradis fiscaux. J'y reviendrai une prochaine fois.

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