[Photo : Bloomberg]
Le nouveau cours d'économie qui deviendra obligatoire au secondaire en septembre prochain n'est même pas en place qu'il suscite déjà de la controverse au Québec.
Des syndicats d'enseignants, à commencer par la Fédération autonome de l'enseignement (34 000 membres) le voient comme une version «édulcorée et utilitariste» de l'ancien cours (qui a disparu il y a plusieurs années), et aussi, comme une réponse aux demandes des institutions financières et des banquiers, rien de moins ! Comme si le fait de parler d'épargne et d'endettement servait les intérêts du grand capital occulte...
Ah oui, on oppose aussi les notions de consommateur et de citoyen : plus précisément, l'écart entre « être, devenir et rester de bons consommateurs, plutôt que des citoyens éclairés», selon un communiqué publié le 16 décembre. Comme si le fait de former les jeunes pour qu'ils deviennent responsables dans leurs habitudes de consommation entrait en contradiction avec l'objectif d'en faire des citoyens avisés... Misère.
Ceux des enseignants qui souscrivent à ce genre d'arguments ne participeront sûrement pas à la 30e édition du concours de simulation boursière Bourstad, lancé à la mi-janvier, et qui commence officiellement le 13 février.
Et pourtant, le but du concours n'est surtout pas de former les futurs loups de Wall Street, sans vergogne et sans valeurs. Les Affaires, précisons-le, en est un partenaire.
Paul Bourget a été un des fondateurs de Bourstad il y a 30 ans, à l'époque où il était professeur au Collège de Rosemont, qui a hébergé le concours pendant 28 ans avant que le CIRANO n'en devienne le maître d'oeuvre. Il en demeure cependant le capitaine.
«Il s'agit d'abord et avant tout d'un prétexte pour bien comprendre le phénomène, dit-il. Les marchés financiers sont omniprésents dans notre économie.» Par exemple, le Fonds de solidarité FTQ, le plus important fonds de travailleurs au Canada, a près de 33 % de son actif investi dans des titres boursiers. C'est un passage obligé pour diversifier les investissements et espérer bonifier le rendement des sommes confiées par les déposants, dont c'est souvent une part importante du capital de retraite.
La compréhension de ces marchés s'inscrit dans cette grande question de la maîtrise de la littératie financière et des notions de base en économie. À cet égard, le tiers des Québécois reconnaissent être peu ou pas du tout à l'aise de parler d'argent et de finances personnelles, selon un sondage réalisé en 2015 par la firme Léger pour l'Autorité des marchés financiers (AMF). Et comme il est toujours embarrassant d'admettre ouvertement ses carences, gageons qu'en réalité, la proportion est plus élevée.
En même temps, ce sondage révélait qu'une vaste majorité de Québécois (80 %) reconnaissaient que le fait d'accroître leurs connaissances en finances personnelles pourrait leur permettre d'améliorer leur propre situation. Aide-toi et le ciel t'aidera...
À cet égard, Paul Bourget s'encourage en pensant qu'en général, le bagage de connaissances et de compétences de la population a progressé avec le temps. Nous en savons collectivement plus qu'avant. C'est bien. Sauf que...
«En même temps, dit-il, tout est devenu plus compliqué, les produits sont toujours plus complexes, pensez simplement aux cartes de crédit plus nombreuses que jamais, comme les clauses qui accompagnent leur utilisation, ou les instruments financiers parfois sophistiqués qu'on nous propose... Relativement parlant, sommes-nous davantage en mesure de faire les bons choix ?»
Bourstad ne prétend pas répondre à toutes ces questions, mais au moins, il rend plus compréhensible et plus intéressant ce qui a trait aux marchés boursiers en leur donnant un côté ludique grâce à cet exercice de simulation.
Rappel : il s'agit d'un concours. Il faut donc bien performer.
Qu'il me soit permis de préciser que les inscrits partent avec un portefeuille virtuel de 200 000 $ qu'ils devront faire fructifier entre le 13 février et le 13 avril. À la fin, plusieurs prix seront attribués, selon les niveaux scolaires, mais aussi selon les réussites : le rendement, la gestion de portefeuille et l'investissement responsable.
Et c'est sur ce dernier volet que je voudrais revenir. Oui, il est possible de s'intéresser aux marchés boursiers tout en demeurant attentif aux contingences sociales, environnementales et autres, ne serait-ce que parce qu'elles sont aujourd'hui incontournables. Ceux ou celles qui auront bien su les intégrer dans la gestion de leur portefeuille se verront récompensés.
Paul Bourget a supposément pris sa retraite il y a quelques années, mais que voulez-vous, quand on est convaincu de l'importance de l'enseignement... Il continue donc à prodiguer son savoir à titre contractuel au Collège de Rosemont, dans le cadre d'un projet qu'il a mis au point avec l'AMF en formation continue. Comme il se doit, il y est question de gestion de finances personnelles.
En passant, les individus peuvent s'inscrire eux-mêmes à Bourstad, pour une somme minime (10 $), mais les institutions scolaires peuvent, elles aussi, décider de jouer le jeu. Par exemple, en date du 10 janvier, lorsque cette 30e édition a été lancée, une vingtaine d'écoles secondaires, tant privées que publiques, avaient embarqué. D'autres suivront d'ici le 13 février. Des professeurs dévoués seront de la partie. Il convient de les en féliciter.
Comprendre les marchés financiers s'inscrit dans cette grande question de la maîtrise de la littératie financière et des notions de base en économie.
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