Volatilité: profiter ou rester sur les lignes de côté?

Publié le 12/09/2015 à 06:38

Volatilité: profiter ou rester sur les lignes de côté?

Publié le 12/09/2015 à 06:38

Au risque de vous décevoir, ce billet ne se terminera pas par une réponse claire à la question. Rares sont les investisseurs, experts ou amateurs, qui peuvent se targuer de pratiquer le «timing» du marché avec plus de succès que ce que suggèrent les règles statistiques.

Quelques réussites par-ci, quelques échecs par-là, et somme toute, pour la plupart des participants, les émotions finissent par prendre le dessus sur la raison et infliger des pertes douloureuses. Par contre, une analyse faite à tête froide, avec une perspective factuelle et basée sur les facteurs fondamentaux qui dictent la direction du marché à long terme peut fournir un éclairage plus posé sur une toile de fond aux allures débridées.

Regardons d'abord les éléments qui sont à la source de la récente volatilité. De façon assez inhabituelle, le marché s'est emballé au début de la présente séquence sans qu'une nouvelle spécifique puisse être identifiée comme ayant mis le feu aux poudres. C'est plutôt trois grands pans d'incertitude qui semblent avoir eu le dessus sur le calme relatif des investisseurs observé durant l'été:

- Incertitude au sujet de la croissance économique chinoise, de son marché boursier et des interventions de ses autorités;

- Incertitude et absence de référence historique au sujet de la hausse imminente du taux directeur aux États-Unis et de son impact;

- Incertitude quant aux actions de l'OPEP et à l'évolution des prix du pétrole avec les ramifications économiques et géopolitiques qui en découlent.

Il est intéressant de noter que dans les trois cas, plusieurs facteurs rendent particulièrement difficile la modélisation des avenues possibles et de leur probabilités respectives. Dans un contexte où les données économiques sont pour la plupart satisfaisantes (consensus Bloomberg de croissance du PIB mondial réel de 3.0% pour 2015 et 3.5% pour 2016), où les profits des entreprises continuent de croître à quelques exceptions sectorielles près (consensus Bloomberg de croissance du bénéfice par action sur les 12 prochains mois de 8.2% pour le S&P500 et de 12.1% pour le MSCI Monde), et où les évaluations en terme de ratio cours/bénéfice sont loin d'être exagérées à défaut d'être abordables (toujours selon le consensus Bloomberg sur les 12 prochains mois, 16.0x pour le S&P500, 15.3x pour le MSCI Monde et 13.3x pour l'Euro Stoxx 50), il est permis de croire que la correction en cours ne justifie pas un marché baissier en bonne et due forme (bear market, soit une baisse de 20% depuis le dernier sommet) sur les grandes places boursières du monde.

Dans ce contexte, UBS a publié au cours de la dernière semaine une revue des 11 périodes boursières haussières survenues depuis 1940 aux États-Unis avec pour objectif d'analyser les corrections qui s'y sont produites et la manière dont le marché s'est replacé. La période haussière en cours actuellement en est à sa septième année et se qualifie comme la troisième plus longue depuis 1940. Jusqu'à présent, elle a connu trois corrections (baisses de plus de 10%, mais moins de 20%), soit à l'été 2010, à l'été 2011 et l'été 2015. Voici donc quelques statistiques en vrac qui, bien qu'elles ne garantissent rien, permettent de mieux comprendre les façons dont le marché s'est comporté lors des 22 occasions similaires observées par le passé sur le S&P 500:

- Baisse moyenne du sommet au creux: 13.9% (actuellement -12.4% au creux du 25 août)

- Durée moyenne de la baisse: 3.7 mois (actuellement 3.1 mois, du 21 mai au 25 août)

- Rendements moyens après le premier franchissement de la barre des 10% de baisse (24 août dans le cas présent): +8% sur 3 mois, +14% sur 6 mois, +19% sur 12 mois.

Alors que ces statistiques pourraient laisser penser qu'il vaut mieux ne pas trop attendre pour profiter de la baisse, il demeure que selon l'avis de plusieurs, les marchés se comportent de façon erratique depuis quelques semaines sans qu'on puisse complètement justifier autant de volatilité. Ainsi, à l'exception de la profonde crise financière de 2008/2009, le 24 août dernier a été la seule journée au cours des 25 dernières années où l'indice VIX a dépassé le niveau de 50, et ce malgré l'absence d'un choc quelconque. Bien que ce type de correction ait donné lieu à des points d'entrée intéressants dans le passé pour les investisseurs ayant une perspective à long terme, il pourrait être prudent de faire preuve d'un peu plus de patience dans le cas présent. Jusqu'à ce que le brouillard se dissipe un peu sur les causes de vagues aussi importantes et que la houle revienne à des niveaux plus près de ce que les conditions expliquent, le mal de mer pourrait bien affliger les cœurs sensibles qui prennent le large pensant avoir le pied marin.

 

 

À propos de ce blogue

Au fil des ans, Pierre a conseillé un large éventail d'investisseurs privés et institutionnels, y compris des familles fortunées, des fondations et des fonds de pension sur la saine gestion de leurs actifs. Au-delà de sa connaissance approfondie des marchés financiers, des stratégies d'investissement et de la construction de portefeuille, il a développé une expertise plus particulière en matière de conseil aux investisseurs sur l'utilisation de stratégies de placement non traditionnelles et d'investissements internationaux. Le mandat de ce blogue est donc d'aiguiller les lecteurs dans l'exploration de pistes paraissant inhospitalières à première vue, mais pouvant mener à des expériences très gratifiantes lorsqu'on sait s'y orienter. Pierre est titulaire d'un MBA, porte les titres de Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA), et est également Fellow de l'Institut canadien des valeurs mobilières et de l'Institut des banquiers canadiens. Il travaille pour UBS (Canada) à titre de gestionnaire privé senior.

Pierre Czyzowicz