Mais où s'en va l'OPEP?

Publié le 05/12/2014 à 16:16

Mais où s'en va l'OPEP?

Publié le 05/12/2014 à 16:16

La semaine dernière, lors de sa 166e réunion, l'OPEP a décidé de ne pas couper sa production de pétrole malgré le déséquilibre entre l'offre et la demande. Cette décision, qui ne faisait pas l'unanimité parmi les pays formant le cartel et allait à l'encontre du rôle joué historiquement par l'organisation, pourrait modifier en profondeur la dynamique du marché du pétrole et les hypothèses utilisées pour en anticiper la direction.

Selon le dictionnaire Reverso.net, un cartel est un regroupement de plusieurs entreprises distinctes d'une même branche d'activité afin de limiter la concurrence par un accord mutuel. Dans le contexte de l'OPEP, l'objectif du regroupement des pays exportateurs de pétrole avait pour rôle d'assurer une fourchette de prix qui maximiserait les revenus des participants sans attirer trop de concurrence. Si les prix descendaient trop, les revenus ne seraient pas maximisés; si les prix montaient trop, de nouveaux concurrents pourraient trouver l'occasion alléchante.

Au cours des dernières années, c'est cette deuxième réalité qui semble s'être matérialisée alors que le marché du pétrole de schiste aux États-Unis a pris son envol grâce aux prix du pétrole qui restaient stable et élevés. Plutôt que de corriger le tir comme à son habitude et de réduire sa production afin de limiter la baisse des prix, l'OPEP, sous la forte influence de l'Arabie Saoudite, a décidé de laisser les forces du marché se régulariser d'elles-mêmes. La position s'explique principalement par le refus de l'OPEP de perdre des parts de marché au profit du pétrole américain qui est à la source du déséquilibre. Sa gageure est que les producteurs de pétrole de schiste américains souffriront davantage que les pays de l'OPEP dans un environnement de prix sensiblement plus faibles.

Ironiquement, un prix plus bas est donc le remède qu'on a décidé de prescrire pour le prix bas. La stratégie pourrait faire du sens, mais l'hétérogénéité des pays membres de l'organisation quant à leurs objectifs et leur capacité à absorber des revenus en baisse pourrait mener l'OPEP à sa perte si la dissension venait à s'accentuer. La découverte de nouvelles sources de pétrole et les avancements technologiques permettant de les extraire ou de réduire les coûts d'exploitation feront toujours partie de l'équation sur le marché du pétrole. À court terme, il aurait été plus conservateur et moins bouleversant pour les marchés que l'OPEP ajuste sa fourchette cible en conséquence et continue de jouer son rôle de cartel comme par le passé.

Pour l'instant, considérant que la demande pour le pétrole est fortement inélastique et prend du temps à s'ajuster à un nouvel équilibre des prix, il est fort probable qu'une éventuelle stabilisation et normalisation de ces derniers devra prendre origine au niveau de l'offre. Les risques géopolitiques pourraient restreindre la production en provenance de certains pays, le déclin des vieux puits de pétrole américains pourrait être plus rapide que prévu ou les nouveaux investissements pourraient se trouver amputés dans un contexte de prix sensiblement plus faibles. Il n'en demeure pas moins que toutes ces alternatives risquent de se produire dans un contexte bien plus désordonné que ne l'aurait été une simple réduction de la production de la part de l'OPEP. À long terme, seul le temps dira si la décision audacieuse dont on est témoin aura été salutaire ou désastreuse pour l'OPEP et sa mainmise sur le marché de l'or noir.

Dans le billet de la semaine prochaine, comment profiter de cette nouvelle réalité.

L'investisseur avisé

L'investisseur avisé réalisera que le marché du pétrole et les entreprises y opérant devront faire face à une volatilité accrue d'ici à ce que les prix se stabilisent et se normalisent à un niveau qui reflètera le nouveau comportement de l'OPEP. L'investisseur canadien ayant naturellement une surpondération importante dans le secteur énergétique (21.6% de l'indice S&P/TSX contre 7.9% pour l'indice MSCI Monde au 28 novembre), il voudra être particulièrement sélectif dans son choix de titres afin d'éviter les entreprises dont le bilan est plus fragile. Pour les audacieux qui voudraient se risquer à investir dans la matière première directement, il sera capital de bien comprendre la dynamique du véhicule de placement et de ne pas prendre pour acquis qu'une matière première doit revenir à un certain prix simplement parce qu'elle y a déjà été.

Questions à poser

Avant de prendre une décision, renseignez-vous auprès d'un professionnel qualifié:

- Quelle est la pondération de mon portefeuille attribuée au secteur énergétique, est-elle active ou passive?

- Ai-je une exposition directe au pétrole, quels sont les risques du véhicule de placement que j'utilise à cette fin?

- Quelle est la viabilité des entreprises que je possède dans un contexte de prix du pétrole plus faibles à moyen et long terme?

À propos de ce blogue

Au fil des ans, Pierre a conseillé un large éventail d'investisseurs privés et institutionnels, y compris des familles fortunées, des fondations et des fonds de pension sur la saine gestion de leurs actifs. Au-delà de sa connaissance approfondie des marchés financiers, des stratégies d'investissement et de la construction de portefeuille, il a développé une expertise plus particulière en matière de conseil aux investisseurs sur l'utilisation de stratégies de placement non traditionnelles et d'investissements internationaux. Le mandat de ce blogue est donc d'aiguiller les lecteurs dans l'exploration de pistes paraissant inhospitalières à première vue, mais pouvant mener à des expériences très gratifiantes lorsqu'on sait s'y orienter. Pierre est titulaire d'un MBA, porte les titres de Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA), et est également Fellow de l'Institut canadien des valeurs mobilières et de l'Institut des banquiers canadiens. Il travaille pour UBS (Canada) à titre de gestionnaire privé senior.

Pierre Czyzowicz