Un PDG devrait-il acheter des actions sur marge?

Publié le 23/09/2016 à 16:16, mis à jour le 24/09/2016 à 09:16

Un PDG devrait-il acheter des actions sur marge?

Publié le 23/09/2016 à 16:16, mis à jour le 24/09/2016 à 09:16

Photo: Shutterstock

BLOGUE. Je constate que la valeur du titre de Concordia International(Tor., CXR) (anciennement Concordia Healthcare) est récemment descendu sous les 7$. Il y a près d’un an, le même titre valait plus de 110$... De fait, Concordia, affectueusement baptisé «bébé Valeant» par plusieurs, a tellement bien réussi à copier la stratégie adoptée par Valeant qu’elle l’a suivi jusque dans sa chute boursière.

Mais ce qu’il y a d’intéressant dans l’histoire de Concordia est que son président, Mark Thompson, a été forcé de vendre une grande partie de ses actions de la société à la suite d’un appel de marge. Le phénomène qui consiste à consentir à des hauts dirigeants des prêts garantis par les actions de la société qu’ils dirigent est plus répandu que je ne le croyais.

Il est aussi dans certains cas très médiatisé, car il semble accélérer la chute de hauts dirigeants et des entreprises qu’ils dirigent. Selon la firme Institutional Shareholders Services, en 2015, les dirigeants de 15% des sociétés du S&P 500 avaient recours à de tels nantissements.

Voyons trois exemples de plus près:

En novembre 2015, Michael Pearson, président de Valeant Pharmaceuticals(Tor., VRX), a été forcé par la banque Goldman Sachs de vendre 1,3 million de ses actions pour couvrir un prêt de 100M$ que cette dernière lui avait consenti. Ces actions avaient été mises en garantie par M. Pearson afin de lui permettre entre autres de faire un don de 30M$ à l’Université Duke, son alma mater. Au cours des mois précédents, le titre de Valeant avait perdu passablement de plumes en Bourse en raison d’une controverse entourant sa stratégie d’augmenter sensiblement le prix de ses médicaments.

En 2008, M. Aubrey McClendon, alors président de la société pétrolière américaine Chesapeake Energy, s’est vu forcé de vendre la totalité de ses 33,5 millions d’actions de la société en raison d’un appel de marge de son banquier. Ces actions représentaient 5% des actions en circulation de la société et leur vente avait contribué à accélérer la baisse du titre.

Tout récemment, le président de Concordia International, Mark Thompson, a été forcé de vendre 505 000 de ses actions de la société en raison d’un appel de marge sur un prêt garanti par la valeur de ses actions. Il lui en resterait 1,6 million.

J’ai toujours cru qu’un investisseur ne devrait pas emprunter pour investir.

En investissant sur marge, il augmente sensiblement ses chances d’être indûment influencé par le stress dans les inévitables périodes de bouleversements boursiers. C’est encore plus vrai pour un président d’entreprise.

Ce dernier doit prendre régulièrement des décisions stratégiques susceptibles d’avoir une incidence sur le succès à long terme de son entreprise. Or, de telles décisions surviennent souvent en périodes de grande incertitude, dans la controverse et alors que le titre de l’entreprise qu’il dirige a fait l’objet d’une correction en Bourse. Est-ce le moment idéal pour recevoir un appel de marge de son banquier?

Le dirigeant devrait aussi prendre les décisions qui favoriseront le développement à long terme de son entreprise. Or, ne croyez-vous pas que celui qui s’est lourdement endetté pour acheter des actions de la société qu’il dirige pourrait être influencé par les émotions et par son désir de voir la valeur de ces actions s’apprécier rapidement en Bourse? Comment agira-t-il s’il reçoit un appel de marge de son courtier? Ses décisions seront-elles alors rationnelles et alignées avec les objectifs de tous les actionnaires de la société? La tentation ne sera-t-elle pas très forte de prendre des décisions qui pourraient faire bondir le titre à court terme, mais au détriment de ses perspectives à long terme?

À mon avis, le conseil d’administration d’une entreprise inscrite en Bourse devrait interdire à leurs dirigeants de s'endetter pour investir ou qu’ils nantissent leurs actions pour obtenir un prêt. Bien que hautement favorable à la participation des hauts dirigeants à l’actionnariat de la société qu’ils dirigent, j’estime qu’il faut éviter que cette participation se fasse par le biais de l’endettement.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

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