Un exemple concret de la futilité du «market timing»

Publié le 22/02/2019 à 15:04

Un exemple concret de la futilité du «market timing»

Publié le 22/02/2019 à 15:04

Un ours et un taureau, concept boursier.

(Photo: 123rf.com)

BLOGUE INVITÉ. En décembre, un investisseur que je connais bien a décidé de vendre la majeure partie de son portefeuille d’actions. Il est ainsi passé d’un portefeuille pleinement investi en actions (et un peu en obligations) à un portefeuille composé de près de 65% d’encaisse. Sa décision de vendre a été prise vers le 10 décembre et les titres ont été vendus entre cette date et le 18 décembre.

Initialement, cette décision a pu paraître presciente: le marché boursier a continué sa dégringolade au cours des jours qui ont suivi. Entre le 10 décembre et le creux du marché atteint le 24 décembre, le S&P 500 a poursuivi sa dégringolade en perdant près de 11% de sa valeur. J’imagine que, la journée de Noël, cet investisseur était heureux de sa décision.

Avant de parler de ce qui s’est produit par la suite, examinons les conséquences de cette décision de vendre les deux-tiers de son portefeuille en termes de coûts. La plus substantielle est fiscale. Comme les comptes non enregistrés, et donc taxables, représentaient la vaste majorité du portefeuille de cet investisseur (près de 95%), le gain réalisé découlant de ces ventes a représenté près de 22% de la valeur de son portefeuille avant la décision de vendre.

La facture fiscale de cet investisseur, qui sera payable dès avril, représentera probablement plus de 5,5% de son portefeuille. La facture aurait été encore plus substantielle si cet investisseur avait vendu la totalité de ses actions plutôt que 65%.

Comme vous le savez, le pire dans tout ça, est que le marché boursier, loin de poursuivre sa correction, a fortement rebondi dans les semaines qui ont suivi les ventes de cet investisseur. Du creux atteint le 24 décembre 2018, l’indice américain S&P 500 a rebondi de pas moins de 18,8% au moment d’écrire ces lignes. Ainsi, après avoir connu une baisse de près de 20% entre le sommet du 3 octobre et le creux du 24 décembre (ce qui représente un marché baissier), le S&P 500 a récupéré plus de 70% de ce qu’il avait perdu pendant la baisse. L’indice se retrouve donc aujourd’hui à moins de 6% de son sommet historique.

Or, à mon avis, il est plus que probable que cet investisseur soit encore aujourd’hui assis sur sa pile d’encaisse. En effet, le rebond du marché depuis la fin décembre a été quasi ininterrompu, sans baisses majeures. Croyez-vous réellement qu’il ait eu le temps de changer son fusil d’épaule et de réinvestir massivement en une si courte période?

Que faire dans une telle situation? Attendre une correction importante qui pourrait ne pas survenir avant longtemps? Racheter et payer des prix presqu’aussi élevés qu’avant la correction, parfois plus élevés? Garder une encaisse substantielle qui procure probablement un très faible taux d’intérêt?

Au total, cette décision de vendre aura potentiellement coûté près de 12,5% de la valeur du portefeuille de cet investisseur (5,5% d’impôts en plus d’avoir manqué un rebond de près de 7% depuis, basé sur son prix de vente moyen).

Cet exemple, malheureusement bien réel, illustre clairement le risque et la futilité du «market timing». L’adepte de cette philosophie doit non seulement avoir raison quant au moment propice de vendre, il doit aussi savoir racheter au moment opportun. Les chances qu’on ait raison de façon répétée sont faibles et les coûts associés à une erreur de «timing» de vente et d’achat peuvent être substantiels.

Si, comme je l’estime, cet investisseur a perdu environ 12,5% de la valeur de son portefeuille, on peut dire qu’il a probablement perdu près de deux années de rendements en Bourse…

Comme l’a déjà dit Peter Lynch, le célèbre investisseur et auteur de One Up On Wall Street, «Bien plus d’argent a été perdu par les investisseurs se préparant aux corrections, ou tentant de les anticiper, que dans les corrections elles-mêmes». Nous en avons un autre exemple éloquent.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements, COTE 100

 

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