RÉA: trop peu trop tard?

Publié le 17/06/2016 à 11:43

RÉA: trop peu trop tard?

Publié le 17/06/2016 à 11:43

Il y a de ces décisions qui, tout en semblant logiques à court terme, n’ont pas toujours beaucoup de sens à plus long terme. Aussi, ai-je été un peu perplexe en apprenant récemment dans les médias qu’un groupe d’experts financiers proposait la relance d’un programme de type Régime épargne-actions (RÉA). La décision du gouvernement d’abolir le RÉA était-elle réfléchie et la meilleure pour le développement de nos entreprises québécoises à long terme?

D’entrée de jeu, je souligne que depuis 1994, COTE 100 gère un fonds spécialisé dans les titres RÉA, le Fonds COTE 100 RÉA II. Ce fonds a connu sa part de succès et d’insuccès au fil des ans. Il a surtout dû composer avec les nombreux bouleversements dont a fait l’objet le régime au cours des années 2000, allant d’un moratoire de deux ans de 2003 à 2005 à son remplacement en 2005 par le programme Actions-croissance PME, puis au retour d’une nouvelle mouture du RÉA, le RÉA II, en 2010, jusqu’à ce que le gouvernement libéral choisisse de ne pas reconduire le RÉA à la fin de 2014. Nous avons donc pris la décision de fermer notre fonds au début de 2017, une fois que la période requise de détention de deux ans des titres RÉA aura été complétée.

Je continue de croire que le programme RÉA a été un excellent programme pour le développement de nombreuses entreprises québécoises. Je pense notamment à Couche-Tard, Quincaillerie Richelieu, Lassonde, Van Houtte et à d’autres sociétés qui s’en sont prévalues avec beaucoup de succès. Pour avoir été très près des sociétés RÉA au fil des ans, je crois aussi que ce programme était souvent le petit coup de pouce nécessaire pour que de petites sociétés québécoises fassent le saut en bourse.

Que faudrait-il pour relancer le RÉA?

Malheureusement, les tergiversations du gouvernement ont détruit le programme. Au cours des dernières années, peu de courtiers offraient des actions RÉA à leurs clients et de moins en moins d’investisseurs savaient que le régime existait encore. Les fonds spécialisés dans les RÉA ont pratiquement disparu et il me semble improbable que d’autres fonds refassent surface si jamais le régime ressuscitait à nouveau.

Cela dit, si le programme devait refaire surface, je crois que le gouvernement devrait en premier lieu en faire un programme s’étalant sur au moins 10 ans. Sans l’assurance que le programme ne pourrait être aboli sans avertissement, personne ne s’engagera à investir dans un nouveau fonds ou dans l’infrastructure nécessaire pour le distribuer.

La taille des entreprises admissibles devrait augmenter sensiblement. J’estime que que le principal problème du RÉA au cours des quelque 15 dernières années a tenu au fait que les sociétés admissibles étaient nettement trop petites. Je crois que le cadre réglementaire et les coûts associés à une venue en bourse exigent une capitalisation d’au moins 50 M$. En ce sens, la limite maximale de capitalisation d’un nouveau RÉA devrait être de 500 M$.

Pour rendre le programme attrayant pour les investisseurs, dont plusieurs ont été échaudés, il faudrait aussi augmenter le taux de déduction fiscale pour le porter à plus de 100 %. En outre, la période de détention devrait être réduite à une année complète au lieu de deux.

Convaincu que le RÉA a joué un rôle important dans la création de plusieurs de nos plus belles sociétés québécoises, je crois que le gouvernement devrait adopter une vue à long terme et remettre le programme sur ses rails. Je ne peux toutefois m’empêcher de craindre que le gouvernement ait fait trop de dommage au RÉA au cours des 13 dernières années pour pouvoir le relancer avec succès.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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