Quoi regarder dans les résultats trimestriels

Publié le 08/06/2018 à 15:46

Quoi regarder dans les résultats trimestriels

Publié le 08/06/2018 à 15:46

(Photo: 123rf.com)

Trop souvent, la première question que les investisseurs posent lorsqu'une entreprise publie ses résultats est: est-ce que ses bénéfices par action ont surpassé les attentes des analystes?

Ce réflexe est un peu normal, car la réponse dictera souvent si le titre de la société affichera une hausse ou une baisse lorsqu'il se négociera à nouveau en Bourse. Vous avez certainement déjà vécu cette situation où une de vos sociétés en portefeuille publie ses résultats et que ses bénéfices par action sont légèrement inférieurs aux attentes des analystes. La société publie par exemple un bénéfice par action de 1,05$ alors que les analystes prévoyaient en moyenne un bénéfice par action de 1,06$. Le titre perd 10% de sa valeur dès l’ouverture des marchés, avant même que la majorité des investisseurs et des analystes aient eu le temps d’analyser ces résultats.

Le contraire est tout aussi vrai: les bénéfices par action d’une société surpassent les attentes des analystes de 0,01$ et le titre gagne 10% dès l’ouverture.

Les titres réagissent souvent tout aussi violemment lorsque la direction effectue des ajustements de ses prévisions de bénéfices par action du prochain trimestre ou du reste de l’exercice financier.

Ce réflexe de réagir rapidement à la publication des résultats est-il le bon? Est-il rationnel pour l'investisseur à long terme? J’ai souvent l’impression que de nombreux investisseurs ont adopté l’adage: «Vends maintenant, pose des questions plus tard».

Pour ma part, j’ai adopté la discipline de prendre le temps d’analyser les résultats en détail avant de prendre toute décision. Cette habitude m’a peut-être coûté un peu de rendements, mais au final, je crois qu’elle me sert très bien et qu’elle est la bonne pour un investisseur à long terme.

Car, faut-il le dire, les résultats trimestriels d’une entreprise ne se résument pas à ses bénéfices par action. Il y a bien d’autres éléments possiblement beaucoup plus importants à considérer et qui sont souvent ignorés de plusieurs investisseurs.

Voici quelques-uns des éléments que j'examine dans les résultats trimestriels d'une entreprise:

La croissance interne des revenus. Oui, la croissance des revenus est importante, mais il faut considérer la croissance interne des revenus. Par croissance interne, on entend celle qui provient des activités existantes de la société, sa croissance naturelle. En effet, des acquisitions (ou des ventes de divisions) peuvent avoir une incidence sur la croissance des revenus. Pour les sociétés dont une partie importante des revenus provient de l’international, sa croissance peut aussi être affectée par les mouvements des devises.

L'évolution des marges. On veut bien sûr observer une croissance des bénéfices, mais je considère aussi l’évolution des marges de la société par rapport aux trimestres précédents. J’évalue l’évolution des marges brutes, des marges d’exploitation (BAIIA ou avant amortissement, intérêts et impôts) ainsi que les marges bénéficiaires avant et après impôt.

Le taux d'imposition. Ce point est particulièrement valide présentement alors que le taux d’imposition américain a été sensiblement réduit depuis le 1er janvier 2018. Idéalement, on veut observer une croissance des bénéfices avant impôts.

Les éléments non récurrents. Rares sont les sociétés qui publient des résultats trimestriels exempts de tout élément non récurrent. J’avoue que la plupart des dirigeants de sociétés se font un devoir de mettre ces éléments non récurrents en évidence lorsque ces derniers affectent la comparaison des bénéfices de la société qu’ils dirigent. Le contraire est moins vrai: ils vont souvent mettre moins l’accent sur les facteurs qui les ont gonflés. Je fais aussi particulièrement attention d’exclure seulement les éléments que je juge réellement extraordinaires. Les dirigeants ont tendance à vouloir exclure bien des éléments qui ne devraient pas nécessairement l’être (dépenses liées à l’octroi d’options, amortissement d’actifs intangibles, frais de restructuration qui se répètent pratiquement tous les trimestres, etc.).

Des circonstances anormales. C’est surtout vrai pour les titres de détaillants, mais parfois le trimestre où l’exercice compte une semaine de moins ou de plus que la période correspondante de l’exercice précédent, ce qui peut avoir une incidence importante sur la comparaison des résultats. Aussi, des facteurs tels que la température peuvent avoir une incidence défavorable sur les résultats d’une entreprise au cours d’un trimestre.

Le bilan. Cet état financier est souvent oublié des investisseurs. J’y porte personnellement une grande importance. Parfois, les résultats financiers d’une société peuvent être ordinaires, mais lorsqu’ils sont accompagnés d’une nette amélioration du bilan, c’est parfois un signe que la société sera bientôt en mesure de réaliser une acquisition importante, de racheter ses propres actions, d’augmenter son dividende ou d’investir dans ses activités pour fouetter sa croissance future.

Les flux de trésorerie et les flux de trésorerie libres. Cet élément est lié au précédent. Je recherche des sociétés qui dégagent des liquidités excédentaires importantes. Même si les bénéfices sont en faible croissance, ces flux peuvent indiquer une rentabilité réelle nettement plus élevée que ce que l’état des résultats peut indiquer.

Les commentaires de la direction. Finalement, les commentaires des dirigeants sont importants, car ils donnent une couleur aux états financiers et nous permettent de mieux comprendre les facteurs qui ont eu une incidence sur les résultats. Les conférences téléphoniques qui suivent la publication des résultats sont à mon avis particulièrement informatives.

La chute d’un titre après la publication de ses résultats peut créer des occasions. Il s’agit alors de prendre le temps d’évaluer les plus récents résultats en considérant les éléments cités plus haut et de réfléchir à deux questions fondamentales: (1) la solidité du modèle d’affaires de la société à long terme est-elle remise en question? et (2) la société rencontre-t-elle vos critères d’investissement (ratios d’évaluation, endettement, croissance anticipée, solidité de l’équipe de direction)?

La saison de la publication des résultats financiers est pour moi une période excitante, car elle est souvent accompagnée d’une plus grande volatilité des titres boursiers. J’aime particulièrement qu’un titre subisse une correction en raison d’un bénéfice légèrement inférieur aux attentes pusique cela crée régulièrement des occasions d’acheter un tel titre à un prix attrayant. Mais encore faut-il avoir pris le temps de bien analyser les résultats.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

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