Pourquoi le marché canadien tire-t-il tant de la patte?

Publié le 03/02/2018 à 09:12, mis à jour le 03/02/2018 à 09:15

Pourquoi le marché canadien tire-t-il tant de la patte?

Publié le 03/02/2018 à 09:12, mis à jour le 03/02/2018 à 09:15

Photo:123rf

BLOGUE INVITÉ. Saviez-vous que le marché canadien (S&P/TSX) avait enregistré un rendement de 6,0% en 2017 alors que le S&P 500 américain a grimpé de 19,4%? Depuis le début de 2018, l’écart de performance est encore plus impressionnant: le S&P 500 est en hausse de 5,5% alors que le S&P/TSX canadien accuse une baisse de 2,2%. Ainsi, du début 2017 à aujourd’hui, l’écart de rendement entre les deux marchés est de 22,3%.

Comment expliquer un tel écart de performance dans des marchés qui sont généralement plutôt bien corrélés et dont les économies sont plutôt semblables?

Il est difficile de comprendre exactement pourquoi, mais je me permets ici quelques suppositions.

1- La composition du marché canadien peut aussi expliquer pourquoi il performe moins bien. En effet, les secteurs des ressources naturelles accaparent plus de 30% de l'indice canadien, alors qu'ils ne représentent que 6,0% du S&P 500. En particulier, le secteur de l'énergie a perdu 10% de sa valeur au Canada en 2017. Par ailleurs, le secteur des technologies de l'information est un de ceux qui a le mieux fait aux États-Unis en 2017 avec un rendement de 36,9%. Or, ce secteur représente 3,5% de l'indice canadien comparativement à 24% aux États-Unis.

2- Le dollar américain a perdu 6,7% de sa valeur face au dollar canadien en 2017. Pour de nombreuses sociétés canadiennes qui obtiennent une partie importante de leurs revenus aux États-Unis, la baisse du dollar américain se traduit par une réduction de leurs profits une fois convertis en dollars canadiens. Aux États-Unis, la baisse du dollar américain face à la plupart des devises étrangères a eu l'effet contraire et a augmenté leurs profits provenant de l'étranger.

3- La réforme fiscale de l'administration Trump signée à la fin de 2017 accroîtra sensiblement la rentabilité de nombreuses sociétés américaines. L'impact sur les sociétés canadiennes sera beaucoup moins important.

4- Il existe en Bourse un phénomène qu'on appelle «momentum». Essentiellement, nombre d'investisseurs ont l'habitude d'investir là où les rendements ont récemment été les meilleurs. C'est un phénomène qui s’amplifie de lui-même: plus un marché s'apprécie, plus on y investit et plus ça le fait continuer de s'apprécier. Jusqu'au jour où ce n'est plus le cas... J'ai lu notamment que l'indice MSCI USA Momentum qui, comme son nom l'indique, met l'emphase sur les titres américains jouissant d'un fort «momentum», a enregistré un rendement de 37,8% en 2017 comparativement à 21,9% pour l'indice standard MSCI USA.

Parmi le type de sociétés qui nous intéressent, c'est-à-dire celles qui n'évoluent pas dans les secteurs des ressources naturelles, nous sommes à mon avis passés depuis quelques années d’une situation où les titres canadiens se vendaient à prime face à leurs comparables américains à une situation où plusieurs se vendent maintenant à escompte.

Il est vrai que la performance du marché américain est sensiblement plus attrayante que celle du marché canadien à long terme. Voici les rendements (avant dividendes) sur 15 ans et 30 ans des deux indices:

Source: Cote 100

Pour ma part, je crois que cette démarcation de performance entre les deux marchés provient en grande partie du fait que le marché canadien est largement composé de sociétés de ressources naturelles. Elle dénote probablement aussi la carence de sociétés dans le secteur technologique au Canada.

Il reste que la dernière année démontre bien qu'il peut parfois y avoir une démarcation significative de rendements entre les marchés canadien et américain sur de relativement courtes périodes.

De fait, je me souviens très bien qu’il y a quelques années, on nous reprochait d’investir autant aux États-Unis alors que nos titres canadiens faisaient beaucoup mieux. Aujourd’hui, la situation est inversée. Le cas contraire pourrait très bien survenir au cours des prochaines années alors que le marché canadien pourrait surperformer le marché américain.

Marché américain ou marché canadien? Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de tenter de prévoir lequel des deux fera le mieux dans la prochaine année. La meilleure chose à faire selon moi est de se concentrer sur les titres. Lorsque vous trouvez un titre canadien ou américain que vous trouvez intéressant, comparez-le aux titres de sociétés similaires de l’autre pays pour voir lequel est le plus intéressant. Je soupçonne que cette habitude vous fera acheter davantage de titres canadiens par les temps qui courent.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

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