Le prix payé est un élément critique de l'investissement

Publié le 01/04/2016 à 09:07

Le prix payé est un élément critique de l'investissement

Publié le 01/04/2016 à 09:07

(Photo: Bloomberg)

BLOGUE. Je m'en souviens très bien. C'était il y a deux ans. Alors que nous étions actionnaires de McDonald's depuis un certain temps, un de nos clients m'a posé cette question: «Pourquoi investissez-vous dans McDonald's? Le titre de Chipotle ne serait-il pas plus attrayant à long terme?»

La question était très valable. La chaîne Chipotle Mexican Grill connaissait un succès fou aux États-Unis depuis son entrée en Bourse et son essaimage de... McDonald's, en 2006. Or, comme Starbucks l'a démontré, une chaîne de restaurants qui obtient du succès à ses débuts et qui réussit à se bâtir une bonne réputation auprès du public offre un potentiel de croissance énorme dans un marché aussi gigantesque que les États-Unis. Quand on pense que le seul état de la Californie est à elle seule plus populeuse que le Canada, on se rend compte de ce potentiel: des années et des années à ouvrir de nouveaux restaurants d’un bout à l’autre du pays.

Qui plus est, encore aujourd'hui, il semble clair que les consommateurs, quoique toujours aussi pressés, recherchent de plus en plus des aliments santé alors que le fast-food traditionnel à la McDonald's est en déclin. Chipotle, avec ses aliments frais, viandes, légumes et tortillas, semblait donc répondre à une demande croissante au sein de la population américaine. Et c'est sans compter le potentiel à l'international. J'avais d'ailleurs moi-même visité un restaurant Chipotle avec ma famille en Floride et en avais été fort impressionné.

J'ai donc examiné la situation de Chipotle de plus près. C'était il y a deux ans, au début de 2014. Le titre s'échangeait à près de 550$. Les profits par action s'étaient élevés à 10,36 $ par action en 2013 et ils se dirigeaient allégrement vers les 14$ en 2014. Le titre était donc évalué à environ 39 fois les profits prévus.

Une bonne manière de mesurer un tel niveau d'évaluation était de le comparer à un titre que je connaissais bien puisque nous en avions en portefeuille: McDonald's. Or, à la même époque, le titre de McDonald's valait environ 95$. De fait, le titre s’échangeait entre 90$ et 100$ depuis 2012. À ce prix, il se négociait à 17 fois ses profits de 2013 et à moins de 20,0 fois les profits de 4,82$ par action que la chaîne allait réaliser en 2014. Il faut dire que tout n'allait pas bien pour McDonald's à cette époque. Ses ventes par magasins comparables étaient en décroissance, elle connaissait des difficultés en Europe en raison de la crise économique qui y sévissait (saviez-vous que McDonald's tire plus de revenus d'Europe que de l'Amérique du Nord?) et ses résultats étaient fortement affectés par la force du dollar américain.

Deux ans plus tard, lequel des deux titres a mieux fait en Bourse?

McDonald's, et de loin. Ce dernier a obtenu un rendement de plus de 32%. Avec les dividendes, le rendement total s’approche de 40%. Quant à Chipotle, le titre s’échange aujourd’hui à environ 467$, 15% de moins qu’il y a deux ans (et la société ne verse pas de dividende).

La qualité d'une entreprise et son potentiel de croissance ne sont pas les seuls éléments à évaluer dans l'analyse d'un titre boursier. Le prix que l'on doit payer pour ces éléments est encore plus important. Il y a deux ans, tout le monde pouvait se faire une bonne idée du potentiel de Chipotle. Mais le ratio cours-bénéfices auquel se négociait le titre était très élevé: son évaluation reflétait en grande partie son fort potentiel de croissance. En revanche, l'évaluation du titre de McDonald's semblait nettement plus raisonnable et, de toute évidence, les attentes des investisseurs quant à ses possibilités de croissance étaient beaucoup plus basses.

La Bourse est en quelque sorte un système de pari mutuel, comme aux courses de chevaux. À moins d’être néophytes, la plupart des parieurs sur les courses de chevaux connaissent les chevaux qui courent, leur pedigree. Si vous misez sur le cheval qui part largement favori, vos gains seront relativement minimes s’il gagne. Par contre, si vous misez sur un cheval inconnu ou dont les chances de gagner sont faibles et qu’il gagne, vos gains seront substantiels. Il y a deux ans, tout le monde voyait Chipotle comme un pur-sang gagnant alors que le titre de McDonald’s était perçu comme un cheval en fin de carrière.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuilles. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

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