Le problème est qu'on est tous trop pressés

Publié le 31/05/2014 à 10:06

Le problème est qu'on est tous trop pressés

Publié le 31/05/2014 à 10:06

Selon Larry Fink, les chefs d'entreprise sont obnubilés par le court terme. Photo: Bloomberg.

Je lisais récemment un article dans le Globe & Mail concernant M. Larry Fink. Si vous ne le connaissez pas, il est le plus important gestionnaire de portefeuille au monde. La firme qu’il dirige, BlackRock, gère plus de 4 billions $ US d’actifs (4 000 milliards $!) dont la majeure partie dans des fonds indiciels. Lorsqu’il parle, M. Fink est donc très écouté, tant par les présidents d’entreprises que par les investisseurs. Or, de l’avis de M. Fink, les entreprises ont un grave problème : leurs dirigeants sont obnubilés par le court terme et oublient trop souvent d’investir pour le long terme. Récemment, il a écrit une lettre à quelques centaines de présidents de très grandes sociétés aux États-Unis et en Europe, les enjoignant à penser davantage à long terme.

Personnellement, je crois que cette fixation sur le court terme est un symptôme qui affecte non seulement les dirigeants d’entreprises, mais aussi les investisseurs, les gouvernements et l’économie dans son ensemble.

 

Les entreprises

Les grands succès commerciaux ne se bâtissent pas en cinq ans. Prenez les entreprises qui ont connu de grands succès au cours des 15 ou 20 dernières et vous constaterez que la majorité d’entre elles se sont bâties en plusieurs décennies, à force de persévérance et de travail. Il y a bien eu des succès très rapides dans les secteurs technologiques, notamment les entreprises d’Internet et de réseaux sociaux, les Twitter ou Facebook de ce monde. Toutefois, les Couche-Tard, Power Corporation, Groupe CGI, Industries Lassonde, Quincaillerie Richelieu, Metro et Stella-Jones sont autant d’exemples de grands succès québécois qui ont nécessité de nombreuses années pour se développer. Pour ce faire, leurs dirigeants, souvent eux-mêmes d’importants actionnaires, ont travaillé de manière acharnée et ont su investir dans des projets qui offraient un potentiel de rentabilité important à long terme et souvent au détriment des résultats à court terme.

À mon avis, trop de dirigeants d’entreprises sont surtout intéressés par leur bonus annuel et par l’exercice de leurs options d’achats d’actions et trop peu par la valeur qu’aura l’entreprise qu’ils dirigent dans 10, 15 ou 20 ans. N’est-ce pas cette vision à long terme de Warren Buffett qui a mené au succès phénoménal de Berkshire Hathaway au cours des 50 quelque dernières années?

 

Les investisseurs

Si tant de dirigeants ne voient pas plus loin que les résultats du prochain trimestre, c’est peut-être parce que leurs actionnaires ont la même vision. Sans rien dire des « day traders », trop d’investisseurs transigent leurs actions comme si ce n’était que des bouts de papier. Les investisseurs qui achètent des sociétés de qualité pour les conserver pendant de nombreuses années sont trop rares. Pourtant, j’estime que c’est la façon la plus simple et la plus sécuritaire de réussir en bourse. Si davantage d’investisseurs avaient une réelle vision à long terme, les dirigeants d’entreprises pourraient probablement se concentrer davantage sur la création de richesse à long terme.

Cette vision court terme de l’investissement et du marché incite probablement de nombreux investisseurs à prendre des décisions de placement en fonction des perspectives à court terme plutôt qu’en fonction de leur horizon de placement. Autrement, comment expliquer que tant de jeunes investisseurs ont présentement un niveau de liquidités élevé dans leur portefeuille et investissent si peu dans les actions? C’est sûrement qu’ils appréhendent une correction du marché alors qu’ils savent probablement très bien que le marché boursier offre les meilleures perspectives de rendement pour les 40 prochaines années.

 

Nos décideurs

Enfin, nos décideurs gouvernementaux ont cette même vision à court terme. De fait ils ne voient généralement pas beaucoup plus loin que la prochaine élection. En ce sens, la plupart des décisions qu’ils prendront viseront un résultat concret (des votes) à court terme plutôt que des retombées à très long terme, longtemps après que leurs mandats ne soient terminés.

Quand on y réfléchit, si tout le monde se mettait à penser davantage à long terme, tout le monde réussirait mieux : les entreprises, les investisseurs, les gouvernements et l’économie dans son ensemble.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. COTE 100 détient des actions de Couche-Tard dans divers comptes sous sa gestion.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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