Le métier de gestionnaire est-il en voie d'extinction?

Publié le 02/12/2016 à 15:35

Le métier de gestionnaire est-il en voie d'extinction?

Publié le 02/12/2016 à 15:35

J’ai lu nombre d’articles et de commentaires au cours des derniers mois qui me font réfléchir sur le métier de gestionnaire de portefeuille.

Commençons par le contexte. D’une part, les fonds indiciels ont pris le haut du pavé depuis quelques années et rien n’indique que cette tendance changera à court ou moyen terme.

D’autre part, dans un contexte de taux d’intérêt bas et de rendements boursiers moins élevés, les frais associés à de nombreux produits financiers sont de plus en plus contestés. Les autorités réglementaires sont en voie de donner un sérieux coup de pouce à cette tendance avec de nouvelles règles qui prendront effet au Canada en 2017. Tout d’un coup, de nombreux investisseurs sauront précisément ce que leur conseiller financier ou leur gestionnaire leur coûte… et, croyez-moi, plusieurs d’entre eux risquent de faire le saut.

La nouvelle tendance vers les conseillers robotiques est également à considérer. A-t-on réellement besoin d’un conseiller financier pour se faire dire que son portefeuille est peut-être constitué de trop d’actions en fonction de ses objectifs financiers? Et pour rééquilibrer ce portefeuille régulièrement en fonction de ces objectifs?

Dans un tel contexte, le métier de gestionnaire de portefeuille est-il en voie d’extinction?

Ma réponse est partagée.

D’une part, je crois que oui, pour une grande proportion des gestionnaires de portefeuille qui ne se démarquent pas. De fait, plusieurs d'entre eux sont ce qu’on appelle des «closet indexers»: ils copient essentiellement les indices auxquels leur performance est comparée. Une telle «gestion» où tout ce qu’un gestionnaire fait est reproduire l’ensemble du marché en prenant quelques paris sur certains titres ou sur quelques secteurs («j’ai pris la décision de surpondérer le titre de Barrick Gold: j’ai investi 2% du portefeuille dans le titre alors que l’indice lui donne un poids de 1,2%») est un non-sens. Pourquoi un investisseur devrait-il dépenser 1% ou 2,5% annuellemement pour faire gérer son portefeuille quand il pourrait se procurer un fonds indiciel dont les frais de gestion ne représentent qu’une fraction de ces frais (moins de 0,1%)?

Mais d’autre part, je crois qu’il y a et qu’il y aura toujours une place pour les gestionnaires qui se démarquent et qui sont prêts à sortir des sentiers battus. Il y aura aussi toujours une place pour les investisseurs qui tentent d’obtenir des rendements supérieurs aux marchés en triant des titres sur le volet, ce qu’on appelle les «stock pickers».

Il est possible d'obtenir une valeur ajoutée en étant très sélectifs et en se démarquant considérablement des indices boursiers. Ainsi, j’entrevois que, d’ici quelques années, seuls les gestionnaires et investisseurs qui font leur propre recherche, qui choisissent des titres qui leur paraissent sous-évalués et qui osent aller à contre-courant réussiront à se démarquer et à produire une valeur ajoutée qui justifie les frais de gestion qu’ils chargent à leurs clients.

J’estime que deux marchés opposés sont en train de se développer et que cette tendance pourrait se raffermir au cours des années à venir: 1- le marché indiciel qui représente ni plus ni moins une commodité dont le coût est très bas. Ce marché est parfait pour la plupart des investisseurs et il devrait à mon avis représenter la majorité des actifs investis du grand public; et 2- le marché de niche des gestionnaires actifs qui se démarquent par une gestion peu orthodoxe.

En somme, le métier de gestionnaire ne disparaîtra pas, mais il deviendra considérablement plus difficile. La compétition accrue des produits indiciels à bas coûts forcera de nombreux gestionnaires qui se disent «actifs» mais qui sont réellement des investisseurs indiciels camouflés à s’adapter. Pour le gestionnaire ou l’investisseur qui voudra demeurer «actif», le travail, le jugement et la capacité d’aller à contre-courant sont autant de qualités qui deviendront primordiales. Ce sont aussi des qualités qu’un robot pourra difficilement reproduire.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue: Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

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