La nouvelle manne corporative : réduire ses impôts

Publié le 06/06/2014 à 15:34

La nouvelle manne corporative : réduire ses impôts

Publié le 06/06/2014 à 15:34

Pfizer a récemment tenté d'acheter AstraZeneca dans le cadre d'une transaction de 120 G$ dont une des motivations était de réduire le taux d’imposition de Pfizer. Photo: Bloomberg

De tout temps, les entreprises ont cherché des façons de réduire le plus possible leurs impôts, ce qui est tout à fait normal et légitime, quoi qu’en disent les détracteurs. Il me semble toutefois que les stratagèmes pour y arriver gagnent en ampleur et en popularité chez de nombreuses sociétés, et dans bien des cas de très grandes sociétés.

Ainsi, Pfizer a récemment tenté d'acheter AstraZeneca dans le cadre d'une transaction de 120 G$ dont une des motivations était de réduire le taux d’imposition de Pfizer. Après avoir fait l'acquisition d'AstraZeneca, Pfizer aurait probablement déménagé sa résidence fiscale des États-Unis au Royaume-Uni et ainsi économisé passablement d’impôts en évitant d’être imposé aux États-Unis sur les profits générés à l’international (le taux d’imposition de Pfizer en 2013 était de 27,4 % comparativement à 21,3 % pour AstraZeneca).

Des économies fiscales sont également citées pour justifier l’acquisition projetée d’Allergan par Valeant, transaction potentielle de plus de 53 G$ US. Lorsque Biovail a acquis Valeant en 2010, cette dernière s’est relocalisée au Canada dans le but de réduire sensiblement son taux d’imposition. L’acquisition projetée d’Allergan permettrait d'en réduire sensiblement le taux d’imposition, qui s’est élevé à 26,5 % en 2013 (ce qui représente un montant de 458,3 M$).

Récemment, les médias ont indiqué qu'il était possible que Walgreen transfère son siège social des États-Unis à la Suisse une fois qu’elle aura complété l'acquisition d’Alliance-Boots en 2015. Le taux d’imposition prévu d’Alliance-Boots est de 22 % comparativement à celui de 37,1 % enregistré en 2013 par Walgreen.

Dernier exemple, je lisais récemment dans le Globe & Mail que la société canadienne Cameco avait réussi depuis 1999 à réduire sensiblement ses impôts en vendant une partie de sa production à un prix relativement bas à sa filiale suisse. Ce stratagème lui aurait permis de réduire de beaucoup ses profits au Canada, lesquels sont pleinement imposés, et de transférer ces derniers à sa filiale suisse beaucoup moins imposée.

Le problème de ces stratégies fiscales est que la ligne est souvent mince entre la légalité et l’évitement fiscal. Par exemple, Cameco se défend contre Revenu Canada et pourrait éventuellement être tenue de lui verser jusqu’à 1,3 G$ d’impôts évités de 1999 à 2013, en plus de pénalités.

Compte tenu des difficultés que connaissent les gouvernements à éliminer leurs déficits et à réduire leur dette, je suis d’avis que les beaux jours de ces échappatoires fiscales pourraient tirer à leur fin. Déjà, il est question que le gouvernement américain resserre sensiblement les critères pour permettre à une entreprise de transférer son siège social vers un régime fiscal moins onéreux après avoir complété une transaction. Dans les années à venir, les dirigeants d’entreprises devront peut-être revenir aux manières plus classiques (et moins risquées) d’augmenter les profits des sociétés qu’ils dirigent.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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