Les déboires de la chaîne d'épiceries Empire, une malchance?

Publié le 30/09/2016 à 16:52

Les déboires de la chaîne d'épiceries Empire, une malchance?

Publié le 30/09/2016 à 16:52

Je me suis récemment arrêté sur la situation de la société Empire, dont le titre s’échange à son bas des 52 dernières semaines. La chaîne d’épiceries nationale mieux connue sous la bannière IGA au Québec, avait fait les manchettes en 2013 en acquérant Safeway, importante chaîne d’épiceries de l’Ouest canadien, pour la somme de 5,8 G$.

Plus de trois ans après cette acquisition, le titre d’Empire a perdu près de 20% de sa valeur et la société a récemment été forcée de radier près de 3,0 G$ de cet investissement. Il semble qu’en plus d’avoir payé le plein prix pour Safeway (à l’époque Metro était également pressentie pour cette acquisition, mais semblait y avoir renoncé en raison de son prix élevé), la société a aussi été frappée de plein fouet par un événement que son équipe de direction n’avait pas prévu: le baril de brut (WTI), dont le prix avoisinait les 100$ au moment de l'acquisition, se transige à moins de 50$ présentement...

Lire la chronique de Yannick Clérouin: Metro: la meilleure transaction est souvent celle qu'on ne fait pas

Or, je viens de terminer la lecture du livre The Black Swan de Nassim Nicholas Taleb, lecture que j’ai beaucoup appréciée. Selon Taleb, un Black Swan (ou événement cygne noir) est un événement qui possède trois attributs: 1- c’est une aberration («outlier») que rien dans le passé ne pouvait permettre de prévoir, 2- dont l'impact est extrême et 3- que la nature humaine nous incite à rationaliser après coup, pour nous donner l'illusion qu’il était explicable et prévisible. 

Le message que je retiens du livre est qu’il faut arrêter de se leurrer: les marchés boursiers et l’économie mondiale sont imprévisibles et ne sont jamais à l’abri d’événements complètement inattendus pouvant avoir des répercussions majeures sur la valeur de nos investissements. Il est illusoire de faire des prévisions ou de se fier aux prévisions des experts. L’humilité est une qualité essentielle pour réussir en Bourse.

Ainsi, je crois que l’on peut qualifier la chute du prix du pétrole au cours des dernières années d'événement «cygne noir»: 1- il était impossible de prévoir qu'on assisterait à une hausse marquée de la production de pétrole de schiste en Amérique du Nord, hausse qui amènerait les pays l’OPEP à augmenter leur production afin d'accroître leur part du marché mondial, 2- l'impact de cet événement a été extrême, non seulement pour le cours du brut, mais aussi pour l’effet indirect qu’il a eu sur de nombreux pays producteurs et 3- après coup, bien des experts ont affirmé que cette chute était prévisible…

Un autre élément que je retiens de ma lecture est qu’il faut s’attendre à ce que le nombre d'événement cygne noir augmente dans le futur. La mondialisation des marchés, l’interconnexion des économies mondiales et de leurs institutions financières et la vitesse avec laquelle les informations circulent dans notre monde branché sont autant de facteurs qui pourraient rendre les événements cygne noir plus communs. Un événement fortuit quelque part peut très bien avoir des répercussions majeures sur l’économie mondiale.

Je retiens deux leçons de ces constats.

Bien que les événements cygne noir soient par définition imprévisibles et inévitables, il est possible de se positionner de manière à, dune part, en atténuer les impacts négatifs et, de l'autre, à être en mesure de profiter des événements susceptibles d’avoir un impact positif majeur sur la valeur de vos titres en portefeuille.

Comment faire?

1- Éviter les sociétés trop endettées. Si la crise de 2008-2009 était un événement cygne noir, ce sont surtout les sociétés très endettées ou sous-capitalisées comme Lehman Brothers qui ne s’en sont pas relevées. Autre exemple, la faillite de Long Term Capital Management en 1998 a découlé d’un levier financier extrême sans considérer la possibilité des événements cygne noir.

2- Se méfier des acquisitions majeures, qui sont souvent beaucoup plus risquées que les dirigeants le laissent entendre. L’acquisition de Safeway par Empire en est un exemple éloquent.

3- Ne pas payer trop cher pour ses titres. Si le futur est imprévisible, la meilleure façon de s’en protéger est de n’acheter que des titres dont l’évaluation est relativement faible. En effet, une faible évaluation signifie que les attentes des investisseurs sont peu élevées. Advenant un événement cygne noir, son impact sur ce titre sera probablement bien moindre que sur les titres dont l’évaluation élevée était fondée sur un scénario très favorable.

4- Être opportuniste. Il y a toujours des aubaines, même lorsque les marchés boursiers semblent pleinement évalués.

5- Investir pour le long terme. C’est bien connu, une grande proportion des rendements historiques des marchés boursiers a été réalisée pendant de courtes périodes.

Vous sentez-vous prêt à affronter le prochain événement cygne noir?

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988. COTE 100 possède des actions de Metro dans certains portefeuilles sous sa gestion.

 

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