Apprendre des erreurs des autres

Publié le 07/09/2018 à 16:30

Apprendre des erreurs des autres

Publié le 07/09/2018 à 16:30

(Photo: 123rf.com)

BLOGUE INVITÉ. L’été est pour moi une période propice à la lecture et je dois avouer que je me suis fait plaisir au cours des derniers mois. Un des livres que j’ai le plus apprécié est Big Mistakes: The Best Investors and Their Worst Investments, par Michael Batnick. Dans ce livre, Batnick retrace l’historique de 15 investisseurs connus des quelque 100 dernières années et qui ont, pour la plupart, obtenu beaucoup de succès. Mais ce qui est plus intéressant est qu’il décortique la plus grande erreur commise par chacun au cours de sa carrière d’investisseur.

La façon classique d’apprendre et de s’améliorer comme investisseur est de commettre ses propres erreurs. Charlie Munger, le partenaire de longue date de Warren Buffett chez Berkshire Hathaway et lui-même un grand investisseur, a souvent répété qu’il était encore mieux d’apprendre des erreurs des autres – c’est moins douloureux et ça coûte bien moins cher! Le livre Big Mistakes nous offre une occasion unique d’appliquer le conseil de M. Munger. Voici donc ces 15 investisseurs et les leçons à tirer de leurs plus grosses erreurs:

1- Benjamin Graham: L’investissement «valeur» n’est pas une panacée. Comme l’écrit Batnick, «… les titres peu chers peuvent devenir encore moins chers. Les titres chers peuvent devenir encore plus chers. La marge de sécurité peut être mal calculée, et la valeur peut ne jamais se matérialiser». On a beau faire ses calculs et ses devoirs pour estimer la valeur d’un titre, on peut se tromper sur cette valeur. Ou, même si notre estimation de la valeur est adéquate, le cours du titre peut prendre beaucoup de temps à atteindre cette valeur. «… Les cours fluctuent davantage que la valeur puisque ce sont les humains qui établissent les prix alors que ce sont les activités d’une entreprise qui en établissent la valeur.»

2- Jesse Livermore: Les règles d’or («rules of thumb») de l’investissement ne tiennent pas toujours compte de la complexité du marché boursier. Des dictons tels qu'«acheter bas, vendre haut», «personne n’a jamais fait faillite en prenant des profits» ou «acheter au son du canon» sont des phrases qu’on entend souvent, mais elles peuvent être dangereuses pour l’investisseur qui se les approprie aveuglément. Selon l’auteur, «Si vous vous concentrez à éviter les erreurs non forcées, vous n’aurez pas à vous rabattre sur des dictons qui semblent de prime abord très sensés, mais qui procurent en fait un faux sentiment de sécurité».

3- Mark Twain: L’incapacité d’avouer avoir fait une erreur. Nous avons tous tendance à nous dire que nous vendrons ce titre que nous n’aurions pas dû acheter lorsque son cours se rapprochera du prix que nous avons payé au départ. Apparemment, Twain n’a jamais appris la «Loi des trous» (ou du moins l’a-t-il rarement appliquée). Cette loi, attribuée à Will Rogers, dit: «Lorsque vous vous trouvez dans un trou, la première chose à faire est d’arrêter de creuser.»

4- John Meriwether: Le succès en Bourse n’est pas une affaire de QI. Les meilleurs modèles mathématiques fonctionnent rarement en investissement car il est très difficile de modeler le comportement des humains lorsqu’ils sont confrontés à la peur et à la cupidité.

5- Jack Bogle: L’importance de trouver sa propre méthode d’investissement. Avant de lancer les fonds indiciels qui ont fait son renom, M. Bogle a essayé plusieurs méthodes d’investissement dont plusieurs se sont avérées des échecs.

6- Michael Steinhardt: Le succès qu’on a dans un secteur qu’on connaît intimement ne se transpose pas nécessairement à d’autres secteurs. «Une des clés pour gérer son argent avec succès est d’accepter, comme l’a fait Buffett, qu’il y aura des périodes où votre style d’investissement sera en défaveur ou que votre portefeuille connaîtra de moins bons rendements. C’est lorsque vous commencerez à sortir de votre cercle de compétence pour tenter de trouver des occasions que vous pourrez faire le plus de tort à votre bien-être financier.»

7- Jerry Tsai: Vous n’êtes pas aussi intelligent que vous le croyez. «Le biais d’attribution réfère à la tendance qu’ont les gens à attribuer leurs succès à leurs aptitudes et leurs échecs à de malencontreuses forces externes».

8- Warren Buffett: L’importance d’investir dans des sociétés protégées par des barrières à l’entrée élevées. En 1993, Berkshire a acquis le fabricant de souliers Dexter Shoes pour la somme de 443 M$. Quelques années plus tard, l’entreprise ne vaudrait plus rien, mais le pire est que cette société avait été acquise avec des actions de Berkshire Hathaway – les 25 200 actions versées pour Dexter valent aujourd’hui plus de 7,5 G$. Il semble que Buffett était trop concentré sur le prix –apparemment attrayant – payé pour Dexter, négligeant d’évaluer les risques que des fabricants étrangers puissent détruire le modèle d’affaires de Dexter.

9- Bill Ackman: Il vaut mieux ne pas partager ses investissements avec le grand public. Mieux vaut garder privés les titres et les motifs de nos investissements, car il devient beaucoup plus difficile de changer d’idée lorsqu’on les a partagés publiquement.

10- Stanley Druckenmiller: Ne pas courir après les rendements. À la fin des années 1990, Druckenmiller a été attiré par les titres techno car son portefeuille sous-performait. Ce fut une erreur coûteuse. « Un investisseur (Druckenmiller) qui a connu du succès pendant 20 ans en mesurant la liquidité et en flairant les vents économiques n’avait pas d’affaire à investir dans des titres technologiques qu’il ne comprenait pas. »

11- Sequoia: Attention aux investissements trop concentrés. J’ai écrit un blogue dans le passé sur ce sujet précis («D’autres leçons que je tire de la chute de Valeant»). En 2015, près de 30% de la valeur du célèbre fonds Sequoia était investi dans le titre de Valeant.

12- John Maynard Keynes: Même les plus brillants économistes ne peuvent pas prévoir les mouvements des marchés à court terme. Avant de connaître beaucoup de succès en adoptant un style «valeur» pour investir dans des sociétés en Bourse, Keynes a connu plusieurs échecs en investissant dans les devises et les commodités.

13- John Paulson: On a juste besoin de devenir riche une fois. «Si vous avez travaillé fort ou juste été chanceux de vous retrouver dans le 1% des gens les plus riches, arrêtez d’essayer de frapper des coups de circuit; vous avez déjà gagné.»

14- Charlie Munger: Il n’y a pas de bons moments sans qu’il n’y ait de moments difficiles. «La meilleure leçon que les investisseurs puissent tirer d’un des meilleurs investisseurs est qu’il n’y a pas de bons moments sans qu’il n’y aient de périodes difficiles. Des pertes importantes se retrouvent dans la trame du tissu de l’investissement à long terme. Si vous n’êtes pas prêt à les accepter, vous ne récolterez pas les rendements à long terme que les marchés ont à vous offrir.»

15- Chris Sacca: L’investisseur doit apprendre à vivre avec les regrets. «Vous ne pouvez éviter les regrets dans ce jeu. Vous achèterez des choses que vous regretterez d’avoir achetées et vous vendrez des choses que vous auriez voulu avoir conservées.»

Big Mistakes comporte de nombreuses leçons pour l’investisseur et présente de nombreuses anecdotes et histoires vécues intéressantes pour les mettre en contexte. C’est une lecture que je recommande chaudement à tous les investisseurs désirant apprendre des erreurs des autres.

Philippe Le Blanc, MBA, CFA

 

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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