Ce verre est à moitié vide

Publié le 17/07/2015 à 13:45

Ce verre est à moitié vide

Publié le 17/07/2015 à 13:45

(Photo: Shutterstock)

BLOGUE. Au cours des derniers jours, j'ai pu assister à la réapparition d’un phénomène que j'ai souvent observé au cours de ma carrière dans le monde du placement : les investisseurs concentrent leur attention sur les aspects négatifs de leur portefeuille et en oublient trop facilement les aspects positifs.

 Home Capital Group et TIO Networks, deux sociétés dont nous détenons les titres dans le portefeuille de la Lettre financière COTE 100 et dans certains de nos portefeuilles sous gestion depuis plusieurs années, ont publié au cours des derniers jours une nouvelle qui a eu un effet diamétralement opposé sur le cours de leur action en bourse.

Dans un premier temps, à la fin de la semaine dernière, Home Capital Group a averti les investisseurs que les volumes de prêts hypothécaires qu'elle a réalisés au cours de son deuxième trimestre clos le 30 juin étaient sensiblement moins élevés que ceux de l'an dernier. Le titre a promptement perdu près de 20% de sa valeur.

Puis, mardi matin, la société TIO Networks, petite entreprise de Colombie-Britannique qui offre diverses solutions de paiement principalement pour les gens qui ne possèdent pas de compte bancaire, a annoncé une importante acquisition qui lui permettra d’accroître ses revenus de près de 50 % et d’augmenter ses profits de façon significative. Le titre a promptement enregistré un gain de près de 20%.

Deux nouvelles, deux titres qui réagissent de manière diamétralement opposée: - 20% et + 20%.

Or, au cours des heures qui ont suivi la débandade du titre de Home Capital, nous avons reçu par courriel des dizaines de questions concernant la baisse du titre. En revanche, nous n'avons eu aucune question concernant la hausse du titre de TIO!

Comment l'expliquer?

Je crois que la nature humaine fait que l'on a tendance à fixer notre attention sur les mauvaises nouvelles, sur les points négatifs, et à ne pas nous préoccuper de ce qui va bien, des titres qui s'apprécient. C'est exactement le même phénomène qui s'est produit à maintes reprises au cours des dernières années lorsque nous discutions avec nos clients-investisseurs. Même si la performance de leur portefeuille était très satisfaisante, plusieurs nous demandaient: «Que se passe-t-il avec le titre d'Apollo Education?» Dans bien des cas, c’était le seul titre de leur portefeuille qui accusait une baisse importante. Pas de questions sur les titres qui avaient connu une excellente performance; un peu comme s'il était normal que ces titres aient si bien fait.

La compartimentation

Une autre erreur que je vois souvent consiste pour les investisseurs à séparer mentalement leurs divers comptes d'investissement. J'entends souvent des commentaires du genre: «Je suis très satisfait du rendement global de mon portefeuille, mais comment expliquez-vous que mon CELI ait connu un rendement beaucoup moins élevé que celui de mes autres comptes?»

À mon avis, un investisseur devrait avant tout évaluer le rendement global de son portefeuille plutôt que de se concentrer sur celui des quelques titres qui ont moins bien performé. De même, il ne devrait pas évaluer le rendement de ses divers comptes individuellement, mais plutôt celui de son portefeuille dans son ensemble.

Les années m'ont appris que même si l'on fait un travail exhaustif et professionnel dans l'évaluation d'un titre, on ne pourra jamais avoir raison à tout coup et réaliser de forts rendements avec chacun des titres dans lesquels on investit. Le monde des affaires est trop complexe pour qu'un investisseur puisse obtenir une moyenne de 1000 au bâton. Comme le disait Peter Lynch, célèbre gestionnaire des années 1980 chez Fidelity: «dans cette business, si vous êtes bon, vous avez raison 6 fois sur 10. Vous n’aurez jamais raison 9 fois sur 10.»

C'est pour cette raison que nous diversifions nos portefeuilles en les répartissant sur près de 25 titres. De cette manière, les contre-performances incontournables de quelques titres sont à long terme plus que compensées par la bonne performance des autres titres en portefeuille.

Je considère que mon rôle en tant qu'investisseur est de tenter de minimiser le plus possible les erreurs, les titres comme celui d’Apollo Education qui connaîtront des baisses importantes de valeur. Avec ce titre, nous avons appris une leçon importante qui, je crois, ne se répètera pas. Mais il est tout aussi primordial de s'attendre à connaître des revers à l'occasion, de voir un de ses titres perdre rapidement 20 % de sa valeur, comme c'est le cas de Home Capital cette semaine. La clé est à mon avis d’éviter de trop centrer ses émotions et son énergie sur ces revers de fortune. Trop d'investisseurs voient le verre à moitié vide. Ils ne voient que le nuage qui obscurcit le ciel.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

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