Responsabilité des administrateurs : le voile corporatif n’est pas une police d’assurance

Publié le 26/11/2012 à 17:00, mis à jour le 27/11/2012 à 09:53

Responsabilité des administrateurs : le voile corporatif n’est pas une police d’assurance

Publié le 26/11/2012 à 17:00, mis à jour le 27/11/2012 à 09:53

BLOGUE. Lorsqu’une société (compagnie ou personne morale) fait faillite sans avoir payé le salaire dû à ses employés, ces derniers ont, à certaines conditions, un recours personnel à faire valoir contre les administrateurs.

En effet, l’administrateur d’une société (à ne pas confondre avec ses dirigeants) a l’obligation de prendre les mesures appropriées pour garantir le paiement des salaires. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, lorsqu’une société commence à battre de l’aile, il n’est pas rare de voir les administrateurs démissionner en bloc de leurs fonctions.

Par ailleurs, il arrive que les actionnaires d’une société s’approprient, au moyen d’une convention appelée «convention unanime des actionnaires» (ou «déclaration de l’actionnaire unique» en tenant lieu)», les pouvoirs de gestion conférés aux administrateurs. Dans un tel cas, il est logique que la responsabilité potentielle liée aux salaires impayés soit également transférée à ces actionnaires, comme la loi le prévoit.

Cependant, que se passe-t-il lorsque l’actionnaire, partie à une telle convention et à qui des employés réclament leur salaire, est une société insolvable? Les employés doivent-ils faire leur deuil des sommes dues?

C’est la question que la Cour d’appel avait à trancher dans Allard c. Myhill.*

La réponse apportée est on ne peut plus claire. En effet, les sociétés ne peuvent agir que par l’entremise de personnes physiques. La responsabilité pour le paiement des salaires incombe donc à ces personnes physiques qui exercent le pouvoir décisionnel ultime sur le fonctionnement de la société.

Normalement, il s’agit des administrateurs élus et constituant le conseil d’administration.

À défaut de tels administrateurs, les tribunaux vont chercher à déterminer des administrateurs de facto, c’est-à-dire les personnes physiques qui, dans les faits, ont exercé le pouvoir décisionnel et qui étaient en mesure de prendre les mesures appropriées pour protéger les droits des employés.

En d’autres termes, une personne ne peut exercer le contrôle d’une société et chercher à éluder les responsabilités découlant de ce contrôle en se réfugiant derrière une structure d’entreprise, aussi complexe soit-elle.

À titre d’exemple, dans la cause mentionnée ci-dessus, les personnes qui ont ultimement été reconnues responsables des salaires des employés étaient les actionnaires de l’actionnaire de l’actionnaire de la société ayant fait faillite…

 

* Allard c. Myhill, (C.A., 2012-11-14), 2012 QCCA 2024, SOQUIJ AZ-50912078.

 

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Me Philippe Buist a pratiqué le droit des affaires au sein de différents cabinets privés pendant plusieurs années. Il est conseiller juridique à la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) depuis 2012. Il s’intéresse plus particulièrement aux litiges touchant les personnes morales, que ce soit en matière de responsabilité civile, d’insolvabilité, de droit bancaire, de valeurs mobilières, de droit du travail ou de fiscalité. Il collabore notamment au bulletin électronique L’Express et à SOQUIJ | Le Blogue.

Principal éditeur juridique au Québec, SOQUIJ a pour mission de diffuser, en ligne et dans ses produits imprimés, la jurisprudence et les autres sources d’information juridique québécoise.

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