Un truc fantastique pour motiver vos employés endormis

Publié le 12/04/2016 à 06:12

Un truc fantastique pour motiver vos employés endormis

Publié le 12/04/2016 à 06:12

Des personnes loin d'être insensibles aux carottes... Photo: DR

Aujourd'hui, je vous invite à faire un petit exercice. Il s'agit de vous isoler à votre bureau, de fermer les yeux, puis de songer à chacun des membres de votre équipe. Objectif : identifier mentalement les «endormis», à savoir ceux qui - pour une raison qui vous paraît fort mystérieuse - n'ont jamais donné guère plus de leur 75%. Oui, tous ceux qui pourraient donner au moins un coup de collier de temps à autres, mais qui ne le font jamais, sans qu'on sache trop pourquoi. Bref, ceux qui n'ont sans cesse qu'une expression à la bouche : «Bah, ça f'ra la job».

Ça y est? Vous les avez trouvés? J'imagine que vous êtes passablement surpris du nombre de personnes concernées, n'est-ce pas? Il se peut même que ce soit la majorité de votre équipe...

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Bon. Vous ai-je fait paniqué, là? J'espère que non, car j'ai, en vérité, une bonne nouvelle pour vous : j'ai mis la main sur une étude passionnante sur ce type de personnes, une étude qui a mis au jour un moyen fantastique pour gonfler à bloc la motivation des endormis, où qu'ils soient (au travail, à l'école, etc.).

Son titre : The effect of performance-based incentives on educational achievement: Evidence from a randomized experiment. Ses auteurs : Steven Levitt, professeur d'économie à l'Université de Chicago (États-Unis) et coauteur des livres Freakonomics; John List, lui aussi professeur d'économie à l'Université de Chicago; et Sally Sadoff, professeure d'économie et de stratégie à l'École de management Rady à San Diego (États-Unis). Regardons ensemble de quoi il retourne...

Les trois chercheurs américains se sont intéressé à une école secondaire de Chicago implantée dans un quartier défavorisé, dont seulement la moitié des élèves parviennent à en ressortir avec un diplôme en poche. Leur hypothèse était qu'il y avait sûrement là des élèves au potentiel élevé, mais endormi pour une raison x ou y. Et qu'il y avait peut-être moyen de raviver la flamme de ceux-ci.

Ils ont invité les élèves à participer à une petite expérience; en tout, 25 ont répondu à l'appel. Il leur a été proposé une prime mensuelle de 50 dollars conditionnelle à leur performance à l'école :

- Pas plus d'une absence non justifiée dans le mois écoulé;

- Aucun renvoi temporaire de l'école à la suite d'un mauvais comportement durant la même période de temps;

- Aucune note en-dessous de C lorsqu'il y a un examen.

Les participants ont, de surcroît, été répartis dans différentes catégories en fonction de deux critères :

> Bénéficiaire. Pour les uns, la prime était remise directement à l'élève; pour les autres, à leurs parents.

> Type de versement. Pour 10 participants déterminés au hasard chaque mois, il n'y avait qu'un seul d'entre eux qui touchait une prime, en l'occurrence la totalité de leurs primes (10x50$=500$), à la suite d'un tirage au sort.

Puis, les trois chercheurs américains ont regardé si ce programme de récompenses changeait quoi que ce soit à leurs résultats scolaires, tout au long de l'année. Et mieux, ils ont surveillé leur cheminement à l'école durant les cinq années qui suivirent, histoire de voir si les éventuels effets du programme avaient été durables, ou pas.

Intéressant, n'est-ce pas? Voici ce que tout cela a donné :

> Des résultats globalement modestes. Offrir une prime en contrepartie d'une performance ne motive que peu l'ensemble des personnes concernées. En ce sens, l'utilité d'instaurer une prime à la performance peut sembler laisser à désirer.

> Des résultats spectaculaires auprès des endormis. Il y a une catégorie de personnes pour qui l'instauration d'une prime liée à la performance a eu un effet considérable sur leurs résultats scolaires. À savoir auprès des endormis, qui correspondent, je le répète, aux élèves à fort potentiel qui pourtant ne font en général que tutoyer la moyenne. Ceux-là ont en effet vu leurs notes progresser d'en moyenne de 15 à 22%

> Des résultats durables, mais fragiles. Les notes des élèves qui étaient endormis avant d'avoir participé à l'expérience ont progressé d'en moyenne de 14 à 15% l'année suivante, alors même que le programme de primes n'était plus en vigueur. Et l'année d'après, ils ont progressé d'en moyenne de 11 à 12%. Quant aux années qui suivirent, ils sont revenus à la normale comparativement aux résultats de ceux qui n'avaient pas participé à l'expérience.

> Peu importent le bénéficiaire et le type de versement. Que ce soit les élèves ou leurs parents qui reçoivent la prime, cela ne change rien aux résultats scolaires des participants à l'expérience. Idem, concernant le type de versement (paiement d'un fixe de 50 dollars à chacun des participants ou au seul gagnant d'une mise globale de 500 dollars).

Autrement dit, il ne sert à rien d'instaurer un système de primes à la performance, cela ne motivera pas l'ensemble des personnes ainsi visées. En revanche, un simple système de prime fixe peut faire toute une différence pour les personnes sur le point d'être décrochées, qui sentent qu'elles sont entrées dans une zone dangereuse pour elles mais qui, néanmoins, ne réagissent pas comme elles le devraient.

Mieux, ces personnes-là vont de la sorte gagner en «capital humain», c'est-à-dire en retirer un bénéfice personnel potentiellement durable, comme l'acquisition d'un saines habitudes de travail (ne plus rater l'école parce qu'on a fait la fête la veille, prendre l'habitude de faire ses devoirs le soir, etc.). «Toutefois, notre étude montre que ces acquisitions-là ne sont pas permanentes, qu'il convient de trouver le moyen de les raviver sur une base régulière afin de s'assurer qu'elles ne disparaissent pas complètement», soulignent les trois chercheurs américains.

Que retenir de tout cela pour qui se pique de management? Ceci, à mon avis :

> Qui entend motiver comme jamais ses employés endormis se doit de leurs offrir des carottes. C'est-à-dire un système de primes liées à la performance. Ce système-là devra concerner les progrès de chacun dans des domaines très précis, mois après mois ou trimestre après trimestre, et non pas l'atteinte de résultats fixés par l'entreprise (ex.: le but ne sera pas ici de récompenser le fait que l'employé ait réussi à décrocher trois gros clients en moins d'un trimestre, comme le veut l'entreprise, mais le fait qu'il en ait décroché un de plus qu'à son habitude). Car cela lui permettra, ce faisant, de développer son capital humain. Point important à souligner : il ne faut pas s'attendre à ce qu'un tel système de primes change quoi que soit concernant le comportement des employés les plus et les moins performants.

En passant, Napoléon Bonaparte aimait à dire, en fin stratège : «J'ai fait mes plans avec les rêves de mes soldats endormis».

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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