Tenez-vous tant que ça au 9@5 au bureau?

Publié le 16/01/2017 à 06:15

Tenez-vous tant que ça au 9@5 au bureau?

Publié le 16/01/2017 à 06:15

La mode va notamment au télétravail. À raison ou à tort? Photo: DR

Télétravail, coworking, travail à mi-temps, horaires flexibles... Il y a aujourd'hui mille et une façons de travailler, à tel point que certains employeurs commencent même à douter de la pertinence de se doter de bureaux, du moins sous la forme qu'on leur connaît depuis le XXe siècle.

Quelle est, donc, la meilleure façon de travailler, de nos jours? Ou plutôt, quelle est la façon dont vous préféreriez travailler, si on vous en donnait vraiment le choix? Eh bien, je pense que cette interrogation mérite vraiment que vous vous y attardiez, là, maintenant, car de votre réponse pourrait bel et bien dépendre votre performance au travail : imaginez que votre rêve soit de travailler en semaine au bureau, sauf une journée, que vous passseriez à travailler depuis chez vous; si vous obteniez cela, votre satisfaction au travail n'en serait-elle pas décupler? et par suite, votre productivité? Vous voyez bien...

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Alors? Quelle est votre réponse? Quel est votre façon rêvée de travailler? Dès que vous aurez une réponse, je vous invite à lire la suite de ce billet. Pas avant ça.

Parfait! Il se trouve que j'ai mis la main sur une étude portant justement sur ce sujet. Intitulée Valuing alternative work arrangements, elle est signée par deux professeurs d'économie établis aux États-Unis : Alexandre Mas, de Princeton, et Amanda Pallais, de Harvard. Et elle réserve quelques surprises de taille, comme nous allons le voir ensemble...

Les deux chercheurs ont profité du fait qu'un centre d'appels américain recrutait massivement pour mener une petite expérience. Le principe était on ne peut plus simple : il s'agissait de découvrir quel prix les gens étaient prêts à payer pour bénéficier de façons alternatives de travailler.

Une partie des 7 000 participants se sont ainsi vu proposer de travailler en semaine de 9@5, comme cela se fait classiquement dans les emplois de bureau en Amérique du Nord. Et une autre partie s'est vu proposer une forme alternative de travail parmi les quatre suivantes :

> L'horaire flexible. À savoir un total 40 heures de travail par semaine que l'employé répartit à sa guise.

> Le nombre d'heures flexible. L'employé fixe de lui-même le nombre d'heures travaillées durant la semaine (pourvu que cela ne dépasse pas 40 heures) ainsi que le moment où celles-ci sont effectuées.

> Le télétravail. L'employé doit travailler 40 heures par semaine, de 9@5, en étant libre de les effectuer où bon lui semble (parfois au bureau, parfois à la maison, c'est lui qui voit).

> La totale. L'employé décide absolument de tout concernant son travail, soit le nombre d'heures travaillées par semaine (avec un maximum de 40, tout de même), le moment où ces heures-là sont effectuées et le lieu où le travail est fait.

Enfin, pour d'autres, il leur a été demandé combien ils étaient prêts à payer pour éviter l'alternative suivante :

> La loi du boss. À savoir une semaine de travail de 40 heures où l'employeur décide seul de l'horaire de travail (comprenant les fins de semaine et les soirs, si cela lui chante), avec juste une semaine de préavis.

Pour se faire une idée du montant maximal que les participants étaient prêts à débourser pour bénéficier de la façon de travailler qui leur était proposée (ou pour rejeter le Loi du boss), les deux chercheurs ont présenté eux-mêmes un pourcentage non-négociable qui serait systématiquement prélevé sur chacune de leur paie. C'est que si beaucoup étaient prêts à voir leur salaire diminué de 2% pour ça, ils seraient sûrement moins nombreux à accepter le deal en échange d'une chute de 10% de leur salaire... À la fois simple et subtil, n'est-ce pas?

Résultats? Tenez-vous bien. Très bien même :

> Une incroyable prédilection pour le classique 9@5. La grande majorité des participants voulaient absolument travailler en semaine de 9@5, et ne rien entendre des façons alternatives de travailler. C'est bien simple, plus de la moitié de ceux à qui on avait proposé une façon alternative de travailler ont dit «non» même si on leur offrait en échange un salaire supérieur de... 25%! Ce qui, soulignons-le, était encore plus vrai auprès des participants dont le précédent job correspondait à une façon alternative de travailler : ils savaient ce que c'était pour l'avoir expérimenté, et n'en voulaient vraiment plus.

> Le télétravail en premier. De toutes les façons alternatives de travailler, c'est le télétravail qui est ressorti en tête des choix des participants. Ces derniers ont, d'ailleurs, été prêts à sacrifier en général 8% de leur salaire pour pouvoir travailler de chez eux, de temps à autres. À noter un point important : les femmes ont davantage prisé l'offre de télétravail que les hommes, a fortiori lorsqu'elles avaient un enfant en bas âge.

> Une véritable détestation de la loi du boss. Les participants à qui il a été proposé de se soumettre à la loi du boss ont fait le choix de s'y soustraire en sacrifiant, en général, jusqu'à 20% de leur salaire. À noter, de surcroît, que près de 40% des participants à qui cette offre avait été faite l'ont déclinée même si on leur proposait, en échange, un salaire supérieur de 25%. Autrement dit, la plupart d'entre eux étaient prêts à presque tout pour éviter de subir la loi du boss.

Fascinant, vous ne trouvez pas? Vous comme moi, nous avons donc un faible pour le classique 9@5, et avons le réflexe d'y penser à deux fois dès lors qu'émerge la possibilité de travailler autrement.

Comment cela se fait-il? Sommes-nous si peu ouverts à la nouveauté, même si cela a le potentiel d'améliorer notre quotidien au travail? Les deux chercheurs se sont, bien entendu, posé la question. Et il semble, d'après eux, que l'explication est on ne peut plus simple : le classique 9@5 présente l'avantage inestimable de «gérer nos temps libres à notre guise».

C'est que nos soirées et nos fins de semaine n'ont quasiment pas de prix pour nous. Nous pouvons alors passer du temps en famille. Nous pouvons également passer du bon temps avec nos proches et nos amis, puisqu'eux aussi travaillent de 9@5 et peuvent, donc, nous voir en soirée et en fin de semaine. Or, les études abondent pour indiquer que notre bonheur dépend grandement des interactions que nous avons avec ceux que nous aimons. Eh oui, ne l'oublions jamais, nous sommes avant tout des «animaux sociaux», comme le disait Aristote...

Que retenir de tout ça? Ceci, à mon avis :

> Qui entend satisfaire ses employés se doit de leur offrir un classique 9@5. Et ce, en se montrant tout de même ouvert d'esprit pour ceux qui souhaiteraient, malgré tout, travailler autrement, par exemple en travaillant une journée par semaine depuis chez eux. Parce que c'est là la façon rêvée de travailler de la plupart d'entre nous, soucieux que nous sommes d'avoir une certaine stabilité (pour ne pas dire routine) dans notre quotidien au travail et soucieux que nous sommes également de pouvoir passer du bon temps en famille ou avec nos proches et nos amis.

En passant, l'ex-président français Jacques Chirac a dit dans La France pour tous : «Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n'est stable sur sa bicyclette qu'en avançant».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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