Quelle conséquence pour la notion de libre arbitre? Si l’on considère l’hypothèse d’Everett comme exacte, alors, dans la mesure où tous les futurs possibles (possibles selon les lois de la physique quantique, ce qui ne signifie pas tous les futurs imaginables) se produisent et où chaque observateur situé dans l’un de ces univers improprement nommés «parallèles» a l’impression d’être le seul, il n’y a plus de libre arbitre envisageable. Chaque observateur se trompe du fait qu’il se croit seul : il ignore qu’un autre événement se produit simultanément ailleurs, de manière contraire ou complémentaire.
Maintenant, certains traiteront cette hypothèse de farfelue. Mais, une telle approche n’est pas unique, loin de là. On la retrouve chez plusieurs philosophes contemporains, à l’image de l’Américain Daniel Dennett. Ce dernier, dans son ouvrage intitué La Conscience expliquée (Odile Jacob, 1993), propose une théorie de la conscience qu'il baptise «modèle des versions multiples» (multiple draft model). Des actions simples comme «élaborer la prochaine phrase que l'on va énoncer» ou «faire un choix» ne sont en réalité, selon lui, qu'un résultat obtenu au terme d'une «compétition darwinienne», soit d’une chaude lutte entre plusieurs cheminements d’informations rivales de laquelle il ne ressort qu’un gagnant, le plus fort. Il s'oppose en cela à ce qu'il appelle le «théâtre cartésien», qui est l'idée largement répandue qu'il y aurait un endroit dans le cerveau qui correspondrait au siège de la pensée où une sorte d’homoncule — le fameux démon qui susurrait à l’oreille de Socrate — recevrait les informations issues de nos cinq sens, prendrait une décision et déclencherait une action.
Mais voilà, si nous ne sommes pas si libres que cela de nos faits et gestes, si nous sommes aussi beaucoup plus prévisibles que ce qu’on croit, qu’en est-il de nos décisions prises au travail? Ne faisons-nous, en bout de ligne, que semblant de choisir, alors que nos options sont en réalité nulles, ou réduites à peu de choses?
Tenez-vous bien, des chercheurs se sont justement penchés sur cette interrogation existentielle. Ils ont regardé quel était l’impact sur nous lorsque nous réalisons que le libre arbitre n’est vraisemblablement qu’une illusion.