Olivier Schmouker - À quoi sert de recruter un prodige ?

Publié le 10/03/2011 à 10:19, mis à jour le 11/03/2011 à 12:35

Olivier Schmouker - À quoi sert de recruter un prodige ?

Publié le 10/03/2011 à 10:19, mis à jour le 11/03/2011 à 12:35

Cette pièce rouge était-elle vraiment celle qui manquait ? Photo : DR.

BLOGUE. A priori, une entreprise à tout intérêt à débaucher le type génial qui fait des étincelles chez son concurrent. Cela privera ce dernier d’une ressource vitale. Et cela lui permettra d’accentuer son avance, ou bien de reprendre la tête de la course. Mais voilà, tout cela n’est que théorique…

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J’ai mis la main sur une étude de Jasjit Singh, professeur de stratégie à l’Insead, et d’Ajay K. Agrawal, chercheur en innovation à la Rotman School of Management de l’University of Toronto, laquelle indique qu’il y a un fossé sur ce plan entre la théorie et la pratique. La réalité est que les entreprises, dans leur grande majorité, négligent complètement d’exploiter les connaissances des nouvelles recrues, y compris quand celles-ci sont des personnes très talentueuses!

Ainsi, personne ne doute du fait que pour briller, les entreprises ont besoin d’innover. Innover avec ses produits et services, avec son marketing, avec sa gestion du personnel, avec tout ce qu’on veut. Et une bonne façon d’y parvenir consiste à recruter des personnes qui bouillonnent d’idées, surtout lorsque celles-ci leur ont permis de dynamiser les affaires d’une autre entreprise. Ces personnes ont déjà fait leurs preuves, il n’y a donc pas de raison qu’elles ne continuent pas de performer chez leur nouvel employeur. D’autant plus que nombre d’études en économie attestent du fait que la mobilité deu personnel favorise le brassage des idées, à l’image de celle d’AnnaLee Saxenian, à l’époque de Harvard, qui a montré en 1994 que le débauchage des meilleurs employés par des concurrents était ce qui avait permis à la Silicon Valley de connaître un essor spectaculaire au début des années 1990.

Le hic? Les entreprises ne sont pas assez à l’écoute de leurs nouvelles recrues. MM. Singh et Agrawal ont, en effet, étudié de près des données intéressantes à cet égard. Par exemple, ils ont regardé les brevets déposés par un grand nombre d’entreprises et remonté à la source de ces inventions, en particulier les inventeurs et leur cursus professionnel. Puis, ils ont «mixé» ces données avec différents calculs économétriques pour estimer dans quelle mesure les inventions découlaient des connaissances préalables de l’inventeur. Ils ont alors découvert que le fait d’embaucher une personne de talent se traduisait en général par un bond du nombre de brevets déposés, un bond évalué à 202%. Impressionnant, non?

Mais attention, les deux chercheurs ont affiné leurs calculs pour découvrir qu’il fallait nuancer ce résultat brut. En réalité, le tiers seulement de ce bond résulte du travail des nouvelles recrues. Et la moitié des inventions de ces dernières découlent d’idées totalement nouvelles, venues après leur embauche, et donc sans lien direct avec leurs trouvailles faites chez leur précédent employeur.

Ils ont fouillé plus en profondeur, et en sont arrivés à une autre découverte, plus surprenante encore : ce sont les recrues qui tirent le plus de bénéfices de leur embauche, pas les entreprises elles-mêmes! Elles se mettent en effet à cotoyer de nouveaux collègues, et donc de nouvelles idées, à partir desquelles leur créativité s’oriente vers des voies inédites. L’inverse se produit plus rarement : les employés en place cherchent plus à faire l’étalage de leurs connaissances aux «petits nouveaux», tout brillants soient-ils, qu’à essayer d’apprendre des choses d’eux.

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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