Miami, ses ouragans et sa toute première boutique Marie Saint Pierre

Publié le 16/11/2015 à 06:09

Miami, ses ouragans et sa toute première boutique Marie Saint Pierre

Publié le 16/11/2015 à 06:09

Samedi soir, une pluie torrentielle a inondé les rues de Miami... Photo: DR

Je vous avais annoncé des surprises dans ce carnet de route à Miami, en Floride, n’est-ce pas? Eh bien, vous allez être servi. Car il faut croire que les dieux se sont bien ris de moi en ce début de reportage…

Ça a commencé dès mon départ de Montréal. Levé à 3h du matin pour être sûr d’attraper mon vol à 6h40, je peinais à ouvrir les paupières, affalé dans la salle d’attente, lorsqu’un message a annoncé à la poignée de passagers que nous étions qu’un bris technique empêchait l’avion de décoller. Cette annonce m’a réveillé d’un coup sec : j’allais rater ma correspondance à New York! Et donc, ne pas pouvoir être présent à l’événement VIP auquel je comptais participer le soir-même, à savoir l’ouverture de la toute première boutique Marie Saint Pierre sur le sol américain, au coeur de Wynwood, le quartier in de Miami, là où les façades d’entrepôts désaffectés servent de toile aux meilleurs graffiteurs de la planète. Une soirée qui s’annonçait être du tonnerre, avec sa faune branchée, sa musique étourdissante et ses cocktails rafraîchissants.

C’est alors que les dieux ont dû bien rigoler, parce qu’ils m’ont donné un faux espoir qui, l’espace d’un instant, m’a fait croire qu’au contraire j’étais chéri d’eux. Car l’agente qui s’est occupée de moi avait réussi le tour de force de me placer sur un vol direct, qui m’amènerait à Miami à midi et demi, soit nettement plus tôt que prévu. Bref, tout semblait aller on ne peut plus mieux pour moi.

Le vol a été agréable. J’ai trouvé sans difficulté le bus qui m’a amené de l’aéroport à deux coins de rues de l’adresse de mon studio réservé sur AirBnB, à South Beach. J’ai même eu le temps de faire quelques courses au supermarché voisin - comme vous le voyez, je tiens toujours, en reportage, à vivre comme les gens du coin, et non pas à passer le plus clair de mon temps dans un hôtel et au restaurant ; car cela me semble crucial pour saisir la réalité du quotidien de ceux qui vivent là où je ne fais que passer. Et j’ai savouré une bonne douche.

J’étais fin prêt pour une soirée sensationnelle. Du moins, je le croyais.

Mon erreur a été de vouloir prendre un bus pour me rendre de South Beach à Wynwood. Ajoutée à celle d’avoir sous-estimé la gravité des nuages noirs qui venaient du large lorsque j’avais pris possession du studio. Pourquoi? Parce qu’une fois à bord du 120, des trombes d’eau se sont mises à déferler de la nuit noire. De vraies trombes d’eau. Comme si une piscine entière vous tombait sur la tête sans prévenir : il était clair que mon petit parapluie serait pulvérisé en deux secondes, sous la force de l’eau et du vent.

Quand je suis descendu, je me suis retrouvé dans un univers d’apocalypse. Je n’exagère pas. Le Biscayne Boulevard était inondé, recouvert sur la chaussée comme sur le trottoir d’environ 10 centimètres d’eau! Des lumières de voitures de police clignotaient à tous les carrefours, et des policiers protégés de cirés jaunes et de bottes tentaient de décongestionner la circulation, en vain, puisque les voitures étaient bloquées dans toutes le directions! Et les rues sans lumière étaient désertes!

J’étais là, au milieu de tout ça, complètement éberlué. Soudain, un cri. Un couple chic tentait de rejoindre l’opéra, non loin de là, et avait manqué de se faire renverser par une voiture en traversant à un endroit où l’eau était un peu moins profonde qu’ailleurs. J’ai suivi leur trace, et tenté de rejoindre une rue plus calme, dans l’espoir d’attraper un taxi.

Mais voilà, à force d’avancer n’importe où, dans des rues désertes, recroquevillé sous mon parapluie dont les petites branches métalliques lâchaient les unes après les autres, j’ai fini par me perdre.

Personne dans les rues. Ce qui était tout à fait compréhensible. Si ce n’était deux hommes qui faisaient la manche à un carrefour et qui se sont mis à me regarder d’un drôle d’air…

Ça sentait le roussi pour moi. Touriste solitaire dans une ville inconnue, habillé pour une soirée VIP et visiblement perdu. Il me fallait agir vite. Et j’ai fait ce que je fais toujours dans une situation périlleuse : faire le contraire de ce qu’attendent ceux qui me cherchent des embêtements, histoire de les déstabiliser. J’ai donc foncé droit sur eux, d’un pas décidé. Et, les yeux ronds, ils m’ont laissé passer. Fiou!

Je suis arrivé à une rue passante, et j'ai fait signe aux taxis qui passaient, mais aucun ne s’arrêtait! J’ai même tenté d’en approcher un qui était à l’arrêt à une lumière, mais celui-ci a eu l’air inquiet et a vite déboîté pour changer de voie. Incroyable!

J’ai fini par trouver trois gardiens d’un stationnement, qui travaillaient fort en ce samedi soir. Je les ai abordé pour leur demander comment il fallait m’y prendre pour attraper un taxi au vol. Et c’est à cet instant précis que j’ai saisi que les dieux se riaient de moi : les trois étaient Cubains, aucun d’eux ne parlait anglais; et ils m’ont envoyé promener. Bref, ce qui était en train de m’arriver dépassait l’entendement, pour ne pas dire le possible.

Comme je me refusais encore à renoncer, même si j’avais déjà une heure de retard à l’événement, j’ai demandé conseil à un policier. Celui-ci a eu un sourire empreint de compassion et m’a dit : «Un taxi, un samedi soir, sous une pluie digne d’un ouragan, oublie ça, mec. Surtout que comme t’es, personne ne t’embarquera». Il avait raison : mes chaussures faisaient “flic-floc”, mon pantalon dégoulinait, ma chemise n’était guère mieux, quant à mes cheveux, hum, passons…

Et j’ai renoncé. Je me suis dit que je ne verrai pas les collections automne-hiver 2015 et printemps 2016 de Marie Saint Pierre, ni la toile de Marc Séguin réalisée pour l’occasion. Que je ne rencontrerai pas la designer qui habille des célébrités comme Mélanie Joly, Tyra Banks, Stacy London et Jessie J., ni ne l’entendrait me confier sa passion pour Miami, la seule ville américaine où elle s’est immédiatement sentie “chez nous” et dont elle s’ennuie dès qu’elle la quitte. Que je ne ressentirai pas par moi-même toute l’élégance de la boutique-galerie, empreinte de la dualité qui caractérise l’oeuvre de la designer québécoise : son savant mariage du style et de la sensualité, lequel se traduit notamment par des lignes simples et nobles.

Oui, j’ai renoncé. En me demandant bien pourquoi les dieux m’en voulaient tant. Et c’est sur le chemin du retour que j’ai eu de leur part, malgré tout, un sourire réconfortant. C’est qu’une voiture a filé dans l’obscurité, envoyant aux alentours des gerbes d’eau aussi hautes qu’une maison, et a complètement aspergé un couple de vielles personnes habillées pour une belle soirée. La dame s’est retrouvée trempée jusqu’aux os, sa belle robe s’est transformée en une serpillière et sa somptueuse coiffure ne lui faisait plus que deux oreilles de cocker. Elle et lui se sont regardés. Leur soirée était fichue, tout comme la mienne. Et ils ont éclaté de rire! Ils ont su voir ce que je n'avais pas vu, à savoir la futilité de nos petites ambitions.

Sans le savoir, ils venaient de faire un heureux sur Terre.

Découvrez mes précédents billets

Mon tout nouveau groupe LinkedIn

Mon groupe Facebook

Mon compte Twitter

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

Blogues similaires

L’exclusion des cadres des casinos du droit à la syndicalisation serait constitutionnelle

L’Association des cadres de la Société des casinos du Québec a déposé une requête en accréditation syndicale en 2009.

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...