Le truc fou du PDG de Zumba Fitness pour avoir du succès

Publié le 10/01/2018 à 06:06, mis à jour le 10/01/2018 à 06:21

Le truc fou du PDG de Zumba Fitness pour avoir du succès

Publié le 10/01/2018 à 06:06, mis à jour le 10/01/2018 à 06:21

Alberto Perlman est le cofondateur et PDG de Zumba Fitness. Photo: DR

La Zumba, tout le monde connaît ça. Mais ce qu'on sait moins, c'est l'ampleur du phénomène : aujourd'hui, quelque 15 millions de personnes pratiquent cet exercice de mise en forme sur une base régulière dans 18 pays; et ce, dans plus de 200.000 emplacements de cours répertoriés (pour donner un ordre de grandeur, Starbucks détient, elle, un peu plus de 27.000 cafés dans le monde). Bref, il s'agit là d'un succès renversant qui ne semble pas faiblir, même s'il est né il y a de cela une vingtaine d'années et s'il fait face maintenant à une rude concurrence, notamment celle du CrossFit.

Comment se fait-il que la Zumba plaise tant, et surtout depuis si longtemps? Eh bien, il y a un secret. Oui, un secret qui se dévoile peu à peu lorsqu'on se plonge, comme je l'ai fait, dans les rares entrevues qu'Alberto Perlman, le cofondateur et PDG de Zumba Fitness, a accordées ici et là, ces dernières années. Un secret que je vais me faire un plaisir de partager avec vous...

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Pour commencer, un petit retour en arrière dans le temps s'impose. Au début du millénaire, Alberto Perlman est un nerd de 23 ans qui est soudainement victime, comme des milliers d'autres nerds comme lui, de l'éclatement de la bulle techno : plus personne ne croit en l'avenir des start-ups technologiques, les fonds investis fondent comme neige au soleil et les jeunes prodiges se retrouvent au chômage. Que fait Alberto Perlman? Il retourne vivre chez ses parents à Miami, la mine basse, sans projet.

«C'est alors que ma mère m'a bassiné à propos de son cours de danse latino, et de son prof au "charisme fou", a-t-il raconté au magazine The Cut. Elle n'en revenait pas qu'il se contente de donner des cours dans son coin, que personne ne cherche à populariser ce qu'il faisait. Et elle m'a forcé à le rencontrer, histoire de voir ce qu'on pouvait faire ensemble en ce sens.»

Qu'avait de particulier ce prof, Alberto "Beto" Pérez, «un autre Alberto, Colombien d'origine comme moi»? Il avait inventé un nouveau cours de remise en forme, à la suite... d'un oubli! Un jour qu'il devait donner une heure d'entraînement intense, il a réalisé sur place qu'il avait oublié son CD de musique habituel. Ni une ni deux, il a branché le système de son sur une station de radio spécialisée dans la rumba et a improvisé des mouvements énergiques dessus avec son groupe. Résultat? Les participants ont tellement capoté ce jour-là qu'ils en ont redemandé.

Les deux Alberto se sont donc rencontré à un Starbucks de Miami et ont convenu des faire des vidéos ensemble, en nommant le concept non pas «Rumba» (comme l'avait fait, maladroitement, le prof de danse), mais «Zumba». Ce qu'ils ont fait.

Mais voilà, aucune chaîne de télévision n'en a voulu. D'où leur idée de commercialiser leur produit autrement : les vidéos seraient vendues en ligne directement à des instructeurs afin non seulement de les aider à concocter leurs propres cours de Zumba, mais aussi de leur permettre de devenir des membres ZIN (Zumba Instructor Network), c'est-à-dire des profs agréés par Zumba Fitness. Mieux, l'entreprise se contenterait, tout simplement, d'offrir ses services (marketing, musique, chorégraphie, etc.) à ces profs de danse, en échange d'une modeste redevance.

L'approche a indubitablement séduit les profs de danse, nombre d'entre eux se transformant avec succès en experts de Zumba : «Il y a aujourd'hui une instructrice à Santa Barbara, en Californie, qui gagne 24.000 $ US par mois grâce à ses cours de Zumba. Elle loue pour ça un terrain couvert de basketball pour recevoir, à chaque séance, entre 200 et 300 personnes. Et elle nous reverse mensuellement 30 $ US», a indiqué M. Perlman, convaincu qu'«en chacun de nous sommeille un entrepreneur potentiel».

Ce n'est pas tout! En vérité, la clé du succès est ailleurs, et c'est justement là que je voulais en venir. Albero Perlman ne l'a saisi qu'en 2006, le jour où il est tombé sur l'affiche du film Rize de David LaChapelle. On y voyait deux jeunes danseurs musclés qui s'éclataient sur un air de musique déchaîné, et cela lui a fait réalisé qu'il s'était trompé depuis le début en vendant uniquement l'aspect fitness de la Zumba.

«J'ai revu comme dans un flash les cours auxquels j'avais déjà assisté, et j'ai visualisé le détail qui m'avait jusqu'alors toujours échappé : le sourire des participants. En cours, les gens sont heureux. Ils rayonnent de bonheur alors même qu'ils font un exercice physique exigeant. Et. au fond, c'est juste ça qu'ils viennent chercher», a-t-il confié au magazine Adage.

Du jour au lendemain, le slogan de Zumba Fitness a changé pour devenir «Ditch the workout; join the party!» («Oublie l'entraînement, viens faire la fête!», en français). Et les affaires se sont littéralement mises à décoller à partir de ce moment-là.

«Pour connaître un succès franc et durable, j'ai compris qu'il faut toujours commencer par le coeur, a-t-il dit au Miami Herald. Il faut être authentique dans ce qu'on entreprend et veiller à faire vibrer le coeur des gens. C'est aussi simple que ça.»

Et d'ajouter, en s'adressant au magazine Inc. : «Nous avons fini par réaliser que notre rôle n'était pas de vendre de la santé aux gens, mais du bonheur, et surtout, les moyens permettant d'y accéder. De leur faciliter le cheminement vers la joie. Et donc, de leur offrir la plus grande liberté qui soit pour y parvenir : chaque instructeur peut ainsi faire les chorégraphies qu'il veut, sur les musiques latines de son choix (salsa, merengue, cumbia, etc.), à l'endroit qui lui plaît (un gym, une plage, etc.). En fait, tout ce qui compte, c'est faire en sorte que chaque participant se mette spontanément à sourire en faisant de l'exercice», a-t-il expliqué.

Qu'est-ce que cette découverte a impliqué pour Zumba Fitness? Essentiellement, une toute nouvelle façon de faire des affaires : sa mission n'a plus été, comme au départ, d'engranger les millions, mais de contribuer au bonheur des gens; et ce, en se pliant en quatre pour qu'ils y parviennent. L'entreprise s'est par conséquent mise au service d'autrui, et a décidé de vraiment faire tout son possible pour que chacun flirte avec la joie durant les cours de Zumba. L'important, c'était désormais que chacun s'éclate. Point.


« L'ego n'est pas ton amigo. »

«Mine de rien, ça a nécessité un changement de mentalité dans les rangs de Zumba Fitness. Un virage qu'on a réussi à prendre en grande partie grâce à notre devise maison - «Ego is not your amigo» («L'ego n'est pas ton amigo», en français) -, qui a permis à chaque employé de saisir que ce qui comptait à présent ce n'était pas nous, mais autrui, que, de manière générale, c'est seulement lorsqu'on se soucie des autres qu'on peut grandir soi-même», a-t-il dit.

Zumba Fitness ne dévoile pas ses chiffres. Néanmoins, il est clair que ses affaires se portent bien : il vend chaque année des dizaines de millions de vidéos et de compilations de musiques, des tenues sportives griffées «Zumba» et même des compléments alimentaires protéinés, à l'image du «Zumba Shake Shake Shake». Ses revenus annuels ont été évalués en 2012 à quelque 500 M$ US par le magazine Inc. - qui sait si le milliard n'a pas été allègrement dépassé depuis?

Mais attention, il ne s'agit là que du fruit de l'approche originale de Zumba Fitness. C'est justement parce qu'elle a décidé de ne plus faire de l'argent une priorité qu'elle s'est mise à voler de succès en succès, à l'échelle de la planète.

Que retenir de tout ça? Ceci, à mon avis:

> Qui entend connaître le succès en affaires comme dans son quotidien au travail se doit de contribuer au bonheur d'autrui. Il lui faut veiller à ce que ses interlocuteurs (clients, partenaires, collègues,...) éprouvent une grande joie dans leurs propres initiatives, oui, il lui faut contribuer à leur satisfaction sans aucunement penser à ses propres intérêts. Car cela lui permettra de grandir, pour ne pas dire de connaître le succès à son tour. C'est que lorsqu'autrui connaît la réussite, cela rayonne tout autour de lui, et par suite, bénéficie à tous ceux qui ont contribué à ce succès. Ça ne loupe jamais, Zumba Fitness en est d'ailleurs la preuve vivante.

En passant, l'écrivain français Victor Hugo a dit dans Les Misérables : «Le bonheur veut tout le monde heureux».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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