Le leadership de René Angélil enfin décortiqué!

Publié le 19/09/2017 à 06:09

Le leadership de René Angélil enfin décortiqué!

Publié le 19/09/2017 à 06:09

René Angélil a été au coeur du succès planétaire de Céline Dion... Photo: DR

René Angélil. L'homme qui a découvert Céline Dion et qui a géré sa carrière phénoménale avant de devenir son mari, en 1994. L'impresario de Garou, de Ginette Reno, ou encore de René Simard. Oui, cet incroyable leader qui a volé de succès en succès en se mettant au service d'autrui, en portant aux nues les artistes les plus hétéroclites. Quel était le secret de sa réussite?

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Eh bien, il tenait en cinq clés. C'est du moins ce qui ressort de l'ouvrage intitulé Cinq clés du leadership appliquées à cinq leaders internationaux (Presses de l'Université du Québec, 2017) signé par Jacqueline Cardinal, chercheuse associée à la Chaire de leadership Pierre-Péladeau de HEC Montréal. Regardons ensemble de quoi il s'agit, à partir d'extraits du livre...

Clé 1: «Je sais où je m'en vais et j'y arriverai»

«Très jeune, René Angélil a défini le territoire dans lequel il voulait faire sa marque : le show-business. Il s'essaya d'abord comme chanteur. Malgré un succès respectable obtenu au Québec par les Baronets dont il faisait partie, il ne mit pas de temps à comprendre, à la lumière du peu de résultats obtenus par leur agent aux États-Unis, que son avenir était ailleurs.

«D'abord tenté par le jeu, il avait élaboré une formule mathématique supposée lui permettre de gagner le gros lot, croyait-il. Après quelques tentatives malheureuses dans des casinos américains, il se rendit à l'évidence : la formule de battre la banque n'existait pas. Sa foi dans sa réussite resta toutefois inébranlable. Il reviendra au show-business, non plus comme chanteur, car il avait accepté le fait qu'il n'en avait pas le talent, mais comme agent d'artistes. Pour réussir dans la vie, il misera sur une autre magie que celle du jeu. Ce sera celle de la voix humaine, capable de toucher les coeurs et les âmes. Désormais, il viserait la conquête du monde du spectacle par artistes interposés.

«Après un bref passage à HEC Montréal où il apprit les rudiments de la comptabilité, il s'orienta vers la production de disques pour l'agent d'artistes Guy Cloutier, qui trouva en lui l'associé bilingue dont il avait besoin, car il visait le marché américain pour son artiste vedette, le petit René Simard. La première étape de cette stratégie de mise en marché, lui suggéra René Angélil, était de l'inscrire au festival de Tokyo : en 1974, le jeune chanteur québécois y remporta le premier prix, remis par nul autre que Frank Sinatra!» (...)

Clé 2: «Je sais qui je suis et ce que je ne suis pas»

«Une des grandes qualités de gestionnaire de René Angélil a été d'apprendre à se connaître lui-même et à tirer des leçons personnelles de ses erreurs. Habité par une confiance inébranlable en ses capacités de réussir, il savait néanmoins faire preuve de lucidité. De l'aventure des Baronets, il retint rapidement qu'il n'avait pas de talent comme chanteur. Il n'allait donc pas s'obstiner à monter sur scène avec ses acolytes.

«Il apprit également de son expérience ratée de joueur. Alors qu'il avait entraîné à sa suite ses meilleurs amis dans une tournée de casinos américains, il mordit la poussière et la leur fit mordre avec lui, une humiliation qui le marqua du sceau de la culpabilité. Il demeura un adepte du jeu, mais il sut juguler sa passion en se fixant un budget à ne pas dépasser et surtout, il se prémunit de lui-même par une mesure de contrôle mise en place par son comptable et ami André Delambre : il ne pouvait signer seul les chèques de l'entreprise.

«Le désir de réaliser sa vaste ambition comme agent d'artistes valait le renoncement à une passion dévorante, le jeu, fondée sur un goût de puissance illusoire qui mettait en péril la seule façon de mettre en oeuvre sa véritable raison de vivre. La lucidité et le réalisme ont été plus forts que la griserie à court terme d'un gros lot aléatoire sitôt gagné, sitôt perdu.»

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Clé 3: «Je sais qui tu es et ce que tu peux faire pour moi»

«La perspicacité de René Angélil était légendaire. Ce qui tombait en premier lieu sous le sens, c'était son habileté à dénicher des talents de chanteur ayant le potentiel d'atteindre les sommets. On songe à René Simard, l'enfant prodige, tout comme Ginette Reno, toujours adulée des Québécois. (...)

«Une cassette, d'abord oubliée sur un coin de bureau, changea sa vie pour toujours lorsqu'il se décida à l'écouter. Cette voix juvénile et ample à la fois, dont les modulations et les trémolos contenus dénotaient une sensibilité à fleur de peau, était celle d'une petite fille, mais il reconnut immédiatement que c'était la voix qu'il attendait. Tout en regardant les bobines de l'enregistreuse, il décelait le potentiel énorme de cette voix d'enfant. La larme à l'oeil (René Angélil était on ne peut plus sensible à la beauté d'une voix), ému d'entrevoir pour lui la possibilité de réaliser son grand rêve, il savait avec certitude, lorsqu'il appuya fortement sur le bouton "stop", qu'il avait trouvé son diamant brut.» (...)

Clé 4: «Je sais quoi faire et quand»

«La construction de l'image d'un artiste passe inévitablement par les médias. Dans ce domaine, René Angélil mit à profit sa connaissance des journalistes et de ce qu'ils pouvaient faire pour lui, mais surtout quand et comment. Passé maître de la communication, il savait doser l'annonce de primeurs et distribuer les confidences en temps opportun, de façon à garder la loyauté des journalistes et à orienter leurs messages. Il ne tolérait aucune incursion hors des faits dont il traitait dans ses communiqués.

Quant à l'image de Céline Dion dans les médias, il se fiait à la spontanéité et au naturel de sa protégée, devenue sa femme, pour entretenir le personnage d'authenticité et de simplicité qu'elle projette toujours auprès de ses millions d'admirateurs du monde entier, tout en choisissant avec soin les tribunes où elle se produirait et les animateurs qui l'interviewraient. Citons Michel Jasmin au Québec et Michel Drucker en France qui, chacun à leur échelle, ont fait connaître le nom de Céline Dion du jour au lendemain.»

Clé 5: «Viens avec moi et tu verras»

«La dernière clé d'un bon gestionnaire a trait au charisme et à la capacité de convaincre son entourage à le suivre dans ses projets. René Angélil savait motiver les membres des équipes qu'il avait constituées de façon qu'ils soient fiers d'oeuvrer auprès de la célèbre chanteuse et qu'ils fassent en sorte que Céline Dion puisse donner le meilleur d'elle-même. (...)

«Dans son environnement professionnel, René Angélil reconstitua l'atmosphère rassurante dont Céline Dion avait besoin pour donner sa pleine mesure. Il veillait à ce que la chanteuse soit entourée d'une majorité de Québécois. Sorte de prolongement du cocon familial, l'équipe professionnelle devenait tissée serrée et contribuait à la cohésion culturelle sur laquelle Céline Dion semblait devoir s'appuyer pour atteindre les hauts standards de performance qu'il avait fixés. Dans l'entourage de la chanteuse, la fierté d'être Québécois représentait un élément de motivation non négligeable, sur lequel René Angélil savait miser.

«Par ailleurs, sur le plan physique, sa prestance, sa voix feutrée et son lent débit, reconnaissables entre mille, ses yeux cerclés de noir, son style vestimentaire et même sa calvitie assumée concouraient à en faire un personnage typé et imposant qu'on abordait avec admiration et déférence.»

Clé dominante: la clé numéro 1

«Cet homme plus complexe qu'il n'y paraissait au premier regard a fait preuve d'un leadership exceptionnel, en réinventant la gérance d'artistes, en misant sur ses forces et sur celles de son artiste et en gardant à l'oeil ses propres défauts, sans les brimer tout à fait. Il possédait chacune des clés du leadership, mais l'une d'elles ressort, de toute évidence...

«Toute sa vie, il s'en est tenu à son objectif unique : atteindre les sommets de l'univers musical. Dans toutes ses décisions, dans ses échecs comme dans ses réussites, dans la négociation de contrats, dans la mise en marché de son "étoile", il ne perdait jamais de vue où il voulait aller et ne baissait jamais les bras devant les difficultés qu'il éprouvait. Sa détermination à réussir resta toujours intacte jusqu'à la fin. En ce sens, le cas de René Angélil est une illustration probante de l'énoncé de la clé numéro 1, "Je sais où je m'en vais et j'y arriverai".»

Voilà. Le leadership de René Angélil se résumait, donc, à cinq clés:

1. Vision. C'est-à-dire détermination, sens de la direction, constance dans le temps.

2. Connaissance de soi. C'est-à-dire identité, lucidité, authenticité.

3. Connaissance d'autrui. C'est-à-dire perspicacité, intuition, empathie.

4. Action. C'est-à-dire esprit de décision, autonomie, confiance.

5. Charisme. C'est-à-dire crédibilité, séduction, incarnation d'une cause.

Et la clé numéro 1 était la principale de toutes, le concernant.

Inspirant, n'est-ce pas, que cette vision du leadership? Et vous? Quelles sont, à vos yeux, les clés de votre propre leadership? Et laquelle d'entre elles est votre principale clé? À vous de prendre maintenant le temps d'y songer comme il faut; puis, d'en tirer profit...

En passant, l'écrivain français André Suarès a dit dans ses Remarques : «La voix ne trompe point, même si les paroles trompent».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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