Le design du bureau nuit-il à vos employés?

Publié le 16/08/2017 à 06:11

Le design du bureau nuit-il à vos employés?

Publié le 16/08/2017 à 06:11

C'est que certains types de bureau ne conviennent pas à tout le monde... Photo: DR

Aujourd'hui, j'ai une question à vous poser, une question qui tue : «Pensez-vous que vos employés sont franchement heureux au travail? Et par suite, ultraperformants dans leur quotidien au travail?» Hum... Si vous êtes honnête, je suis sûr que vous répondrez qu'il y a certainement moyen de faire mieux.

Mais comment, au juste? Par où commencer? Convient-il, comme c'est la grande mode ces temps-ci, de revoir de fond en comble le design du bureau? D'abattre une bonne fois pour toutes les cloisons des cubicules pour installer des îlots de bureaux modernes et, dans un coin, une table de ping-pong ou de babyfoot? Bref, la solution passe-t-elle vraiment par une mini-révolution de l'agencement du mobilier?

Eh bien, imaginez-vous que je crois avoir la réponse à cette interrogation. Si, si... Je l'ai dénichée dans une étude intitulée Does personality have a different impact on self-rated distraction, job satisfaction, and job performance in different office types? Celle-ci est signée par trois chercheurs de l'Institut de recherche sur le stress de l'Université de Stockholm (Suède) – Aram Seddigh, Loretta Platts et Hugo Westerlund – ainsi que par Erik Berntson, professeur de psychologie à la même université. Regardons ensemble de quoi il retourne...

Mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement

Les quatre chercheurs se sont demandé si certaines configurations de bureaux – cubicules, espaces à aire ouverte,... – convenaient davantage à certains employés qu'à d'autres. En ce sens que certains, par exemple, se montraient heureux, et donc efficaces – de par leur personnalité –, dans un bureau fermé (où ils sont au calme, capables de rester concentrés des heures durant) et souffraient le martyr dès lors qu'on les installait au sein d'un îlot de deux au trois bureaux individuels (où les discussions fusent à l'improviste et où chacun entend tout ce que disent les autres au téléphone).

Pour s'en faire une idée, ils ont invité 996 employés oeuvrant dans cinq configurations de bureaux distinctes de bien vouloir remplir plusieurs questionnaires. L'idée était d'acquérir assez de données sur le niveau de satisfaction, le niveau de distraction et le niveau de performance de chaque participant au travail pour pouvoir ensuite les croiser avec leurs traits de personnalité, histoire de voir s'il y avait la moindre corrélation entre elles. Par exemple, cela leur permettrait de voir si les gens qui sont naturellement ouverts à de nouvelles expériences tripent au travail dès lors qu'ils travaillent dans un espace à aire ouverte, ou pas. Ou encore, si c'est une bonne idée, ou pas, d'installer à proximité de grandes baies vitrées les gens qui sont sujets au névrotisme.

Pour que vous saisissiez bien les résultats de cette étude, je vais vous détailler les différents types de bureau, puis les traits de personnalité considérés par les quatre chercheurs:

> Quatre types de bureau

– Cubicules. Un espace individuel entouré de cloisons arrivant à mi-hauteur par rapport au plafond. À noter que certains postes de travail sont, ici, entièrement fermés (et sont souvent réservés aux bosses).

– Îlot de bureaux. Regroupement de deux ou trois bureaux individuels, sous forme d'îlot. Parfois, l'îlot est fermé (et doté d'une porte d'entrée), parfois, il est complètement décloisonné.

– Espace à aire ouverte. Espace de travail dénué de cloisons, dans lequel se trouvent au moins îlots de bureaux.

– Espace flexible. Espace de travail composé d'îlots de bureaux où aucun poste de travail n'est attitré. La règle du «premier arrivé, premier installé» est en vigueur.

> Cinq traits de personnalité

(À noter qu'ils correspondent au modèle Big Five – ou «modèle Océan», en français.)

– Ouverture à l'expérience. Curiosité, imagination, originalité, etc.

– Contrôle. Autodiscipline, sens de l'organisation, etc.

– Extraversion. Altruisme, caractère fonceur, énergie, etc.

– Agréabilité. Coopération, compassion, etc.

– Névrotisme. Vulnérabilité, fragilité psychique, tendance à la dépression, etc.

Bon. Maintenant, qu'est-il ressorti de l'ensemble de ces données? Eh bien, asseyez-vous bien avant de le découvrir, car des surprises vous attendent:

> Aucun impact sur la satisfaction au travail. Peu importe le profil psychologique d'un employé, la configuration du bureau n'a aucun impact significatif sur son niveau de satisfaction au travail. Par exemple, ce n'est pas parce qu'un extraverti oeuvre quotidiennement dans un espace à aire ouverte ou dans un bureau individuel complètement fermé qu'il sera plus ou moins heureux au travail.

> Aucun impact sur la performance au travail. Peu importe le profil psychologique d'un employé, la configuration du bureau n'a aucun impact significatif sur sa performance. Par exemple, ce n'est pas parce qu'un introverti travaille dans un espace flexible ou dans un cubicule qu'il sera plus ou moins efficace dans son travail.

> Gare aux espaces à aire ouverte. Les employés qui se distinguent par une haute agréabilité ou par une grande ouverture à l'expérience sont facilement distraits au travail dès lors qu'ils oeuvrent dans un espace à aire ouverte. Ce qui peut nuire à leur efficacité.

Pourquoi? Vraisemblablement parce que ces deux traits de personnalité voient dès lors mille occasions de satisfaire leur besoin viscéral de s'intéresser aux autres; et ce, au détriment de leurs obligations professionnelles (ex.: respecter un deadline,...), selon les auteurs de l'étude.

> Gare aussi aux espaces flexibles. Les employés qui se distinguent par une haute agréabilité ou par un grand contrôle d'eux-mêmes sont facilement distraits au travail dès lors qu'ils oeuvrent dans un espace flexible. Ce qui peut nuire à leur efficacité.

Pourquoi? Parce que, dans le cas d'une haute agréabilité, la liberté de mouvement et la facilité d'accéder aux autres qu'offre l'espace flexible sont une grande tentation pour qui aime s'intéresser à autrui. Et parce que, dans le cas du contrôle de soi-même, la "trop grande" liberté de mouvement et la "trop grande" facilité d'accéder aux autres qu'offre cet espace-là sont un cauchemar quotidien pour qui aime évoluer dans un univers stable et sans surprise.

> Gare encore aux espaces à aire ouverte et aux espaces flexibles. Les employés qui éprouvent un grand besoin de stabilité émotionnelle souffrent dès lors qu'on les installe dans un espace à aire ouverte ou dans un espace flexible. Et ce, en raison du simple fait que l'imprévu y est omniprésent.

Voilà. Étonnant, n'est-ce pas? J'imagine que peu d'entre vous imaginaient que le design d'un bureau n'avait, au fond, aucun impact significatif sur les niveaux de satisfaction et de performance des employés. Bien entendu, on est toujours content d'avoir un bureau qui nous plaît, dans lequel on se sent bien, mais ce n'est pas pour autant que cela va booster notre bonheur, ni même notre performance, au travail. Ce n'est pas si qui compte vraiment. Et ce, que l'on soit quelqu'un d'introverti ou d'extraverti, ou encore de discipliné ou de créatif.

Cela étant, le design du bureau peut... nuire au bonheur et à la performance des employés! Oui, nuire. Si jamais certains de vos employés doivent travailler dans des bureaux qui leur permettent d'exprimer, disons, certains de leurs travers. Par exemple, mieux vaut éviter d'installer dans des espaces à aire ouverte ceux qui brillent leur naturel empreint de coopération et de compassion ainsi que ceux qui se montrent particulièrement créatifs au travail. Car ils vont être sans cesse distraits, au point, parfois, de ne pas atteindre leurs objectifs professionnels.

La solution? L'idéal semble être de créer des espaces de travail hybrides. Où certains, facilement distraits de par leur profil psychologique, oeuvreraient dans des espaces relativement clos. Et où d'autres, par exemple, gagneraient, toujours en fonction de leur profil psychologique, à oeuvrer dans des espaces où ils seraient incités à papillonner d'un îlot à l'autre. Tout dépend, en vérité, de la diversité des profils présents au sein de vos équipes de travail; car de celle-ci dépend le degré d'hybridité à donner au design de votre espace de travail. Et ce, je le répète et le souligne, dans la seule optique d'éviter que le design du bureau ne nuise à l'efficacité de certains de vos employés.

Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :

> Qui entend booster les niveaux de satisfaction et de performance de ses employés en modifiant le design du bureau... se met le doigt dans l'oeil! Car il n'y a aucun lien significatif entre eux. En revanche, il y a moyen d'éviter que le design d'un bureau ne nuise à certains employés, ceux qui ont un profil psychologique tel que leurs travers sont constamment sollicités, à l'image de l'employé hypercommunicatif qui ne peut s'empêcher de profiter de l'espace à aire ouverte pour satisfaire son besoin viscéral de s'intéresser aux autres. L'idée est, dès lors, de se doter d'un bureau au design hybride, à même de contrer les travers psychologiques des uns et des autres. Et ce, sachant qu'au mieux le lieu de travail ne sera alors plus... une nuisance pour certains.

En passant, l'artiste français Abd al Malik a confié dans une entrevue accordée au magazine Télérama : «J'ai été reçu par des ministres de la Culture qui m'ont fait visiter leurs bureaux : leur fierté s'arrêtait au mobilier».

Découvrez mes précédents billets

Mon groupe LinkedIn

Ma page Facebook

Mon compte Twitter

Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement

 

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

Blogues similaires

L’exclusion des cadres des casinos du droit à la syndicalisation serait constitutionnelle

L’Association des cadres de la Société des casinos du Québec a déposé une requête en accréditation syndicale en 2009.

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...