L'évaluation de performance, revue et corrigée par Element AI

Publié le 05/11/2018 à 10:30

L'évaluation de performance, revue et corrigée par Element AI

Publié le 05/11/2018 à 10:30

Des discussions où il n'est jamais question de chiffres... Photo: DR

La fin de 2018 approche à grands pas, et chacun de nous pense d’ores et déjà à son évaluation de performance annuelle. Sera-t-elle bonne, avec à la clé une hausse salariale qui sera on ne peut plus appréciée, voire une promotion ? Sera-t-elle mauvaise, avec à la clé l’obligation de redoubler d’efforts au début de 2019, histoire de ne pas perdre sa job ? Allez savoir…

Quoi qu’il en soit, cette évaluation annuelle est indubitablement une source de stress. Tant pour l’employé que pour son manager. Ce qui est, au fond, on ne peut plus dommage : pourquoi ne serait-ce pas là l’occasion d’identifier les mesures à prendre pour favoriser l’épanouissement de l’employé, au lieu d’en faire une sorte de Jugement Dernier, sanctionné par une carotte ou un coup de bâton ? Hein ? Pourquoi ?

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C’est justement la réflexion que s’est faite Marianne Lalonde lorsqu’on lui a confié en janvier 2017 le poste de directrice, talent & culture, d’Element AI, une start-up québécoise spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA) qui compte aujourd’hui 400 employés implantés dans cinq pays. «Mon idée, c’était qu’il ne soit plus question de chiffres lors des rencontres entre manager et employé, a-t-elle expliqué à l’occasion du Congrès RH 2018. Je souhaitais que ça devienne un bon moyen de glaner du data à propos de l’employé, du data qui nous permettrait de booster son épanouissement au sein d’Element AI, et par voie de conséquence, de décupler les chances de le retenir chez nous, en cette période de guerre des talents.»

Mme Lalonde a fait appel aux services de Boostalab, un cabinet-conseil en management établi à Montréal, pour mettre en place une telle innovation. Le défi était le suivant :

– Mettre l’humain à l’avant-plan, et donc contrebalancer l’«extrêmisme technologique» d’Element AI, l’essentiel de ses employés étant des scientifiques de haut vol (programmeurs, analystes de données, etc.).

– Encourager l’autonomie et la responsabilisation, et ce, sans mettre en place le moindre système d’évaluation chiffrée de la performance.

– Favoriser la réflexion personnelle sur son propre développement professionnel, de telle sorte que chacun puisse non seulement retirer une certaine fierté de ses contributions et de ses apprentissages, mais aussi identifier le meilleur moyen de s’épanouir davantage au travail à l’avenir.

La solution ? Element AI a totalement revu et corrigé le concept-même d’évaluation de performance, et a adopté à la place ce qu’elle appelle le processus de Growth Meditation. Oui, vous avez bien lu : Growth Meditation, qu’on peut traduire à peu près par Méditation fortifiante, le but visé étant de «rendre les gens impressionnants».

«La Growth Meditation est un processus qui débute par une séance de «méditation professionnelle», en ce sens que chaque employé est appelé à s’isoler pendant une heure, le temps de remplir un questionnaire», a dit Mme Lalonde, en soulignant que cela devait se faire «sans l’assistance de qui que ce soit».

Ce questionnaire repose sur quatre thèmes principaux, lesquels sont subdivisés en plusieurs points :

> Comment ça va ?

– Je sens que j’ai tout ce qu’il me faut pour contribuer aux objectifs de mon équipe [noter de «fortement en désaccord» à «fortement en accord»]. Explique ta réponse.

– Mes relations au travail sont importantes pour moi [de «fortement en désaccord» à «fortement en accord»]. Explique ta réponse.

– Je peux démontrer mes vulnérabilités au travail [noter de «fortement en désaccord» à «fortement en accord»]. Explique ta réponse.

– Je sens que je peux grandir personnellement au travail [noter de «fortement en désaccord» à «fortement en accord»]. Explique ta réponse.

> Et si on approndissait ? Dans les 100 derniers jours…

– Quelles ont été tes plus grandes contributions pour l’équipe/la compagnie ou autre ?

– Quels ont été tes plus grands défis ? Avec quoiéprouves-tu des difficultés ?

– À laquelle des cinq valeurs de l’entreprise t’identifies-tu le plus ?

– Souviens-toi d’un moment où tu as pleinement vécu cette valeur. Quels comportements as-tu démontré en soutien à cette valeur ?

> Qu’est-ce qui s’en vient ? Pour les 100 prochains jours…

– Quelles seront tes contributions (reliées aux objectifs de ton équipe, et plus) ?

– Comment comptes-tu t’investir dans tes relations ?

– Comment comptes-tu t’investir dans ton développement personnel et professionnel ?

> En résumé (les points à aborder lors de la rencontre)

– Parmi tes contributions, de laquelle es-tu le plus fier ?

– Quel est le défi ou l’échec qui t’a permis d’apprendre le plus ? Pourquoi ?

– Compte tenu de tout ce qui s’est dit, quels sont les trois points les plus importants sur lesquels on devrait faire un suivi lors de la prochaine rencontre ?

– Voudrais-tu approfondir et développer un plan de développement personnel ? (En répondant oui, une collègue de l’équipe Talent prendra contact avec toi.)

Voilà. Comme la plupart des questions sont ouvertes (en ce sens qu’on ne peut se contenter de répondre par «oui» ou par «non»), chacun est subtilement incité à réfléchir sur son travail, et mieux, sur la façon dont il pourrait davantage exprimer ses talents propres dans son quotidien au travail. Ce qui amène tout naturellement à une rencontre avec le manager qui sera orientée sur les bons coups et la façon d’en faire d’autres encore meilleurs à l’avenir, et non plus sur un jugement sans appel.

Cette rencontre a lieu tous les six mois. Elle est axée sur le futur, et non pas sur le passé, aussi immédiat soit-il. L’idée est de parler de développement professionnel, voire de carrière. Elle s’ajoute, en vérité, à d’autres rencontres plus fréquentes :

– La réunion 1:1, entre le manager et l’employé. Elle a lieu toutes les deux semaines et vise à parler de l’impact de l’employé sur les OKR de l’équipe, à savoir les Objectives and Key Results (comprendre la mission concrète qui doit être collectivement remplie).

– Le café, avec l’équipe Talent. Chaque employé est amené à rencontrer son partenaire de l’équipe Talent, une fois par trimestre. Il s’agit alors de parler de l’environnement de travail, de discuter de bien-être, ou encore d’aborder des préoccupations confidentielles et d’en profiter pour lever des drapeaux rouges sur certains sujets sensibles (ex. : la rémunération, les congés, etc.).

Enfin, une fois que l’ensemble des employés ont bouclé le processus, les managers sont invités à rencontrer l’équipe Talent afin de faire le point sur l’opération et discuter des besoins de développement de l’équipe. «Il s’agit d’un feedback constructif, qui n’a, je le souligne, aucun lien avec la rémunération ou le cheminement de carrière», a dit Mme Lalonde, en précisant qu’il arrivait que cette réunion débouche sur du concret, à l’image de l’adoption récente de «la règle du 20%», qui veut que tout employé peut disposer à sa guise du cinquième de son temps de travail pour mener à bien un projet personnel, quel qu’il soit.

Résultats ? Les employés d’Element AI sont enthousiasmés par cette nouvelle approche de l’évaluation de performance. Un sondage interne montre en effet que :

– Plus de 80% d’entre eux estiment qu’ils peuvent avoir de vraies discussions sur des sujets sensibles.

– Plus de 90% d’entre eux considèrent que le questionnaire et son utilisation sont pertinents pour leur développement professionnel.

– 90% d’entre eux pensent qu’ils ont maintenant tout ce qu’il leur faut pour contribuer activement au succès de leur équipe.

Bref, c’est un plébiscite. Bonjour la Méditation fortifiante, bye-bye l’évaluation annuelle de fin d’année ! Oui, fini les évaluations chiffrées et autres jugements partiaux, place à l’épanouissement personnel et même collectif !

Par conséquent, si jamais vous considérez que la fin d’année est décidemment trop stressante tant pour vos employés que pour vos managers, eh bien, que diriez-vous de vous inspirer de ce qui se produit chez Element AI ? Et d’ainsi entrer de plain-pied dans le 21e siècle ? Hein ?

En passant, l’écrivain américain originaire des Républiques centrafricaine et congolaise Emmanuel Boundzéki Dongala a dit dans Un Fusil dans la main, un poème dans la poche : «Juger, c’est déjà accuser».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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