L'art du feedback, revu et corrigé par Microsoft

Publié le 29/10/2018 à 06:09

L'art du feedback, revu et corrigé par Microsoft

Publié le 29/10/2018 à 06:09

Un nouveau paradigme a vu le jour grâce aux neurosciences... Photo: DR

J’ai eu le privilège d’assister à la conférence de David Rock, cofondateur et PDG du Neuroleadership Institute, lors du Congrès RH 2018 qui s’est tenu la semaine dernière à Montréal. Et d’ainsi découvrir que Microsoft avait revu de fond en comble, cette année même, la façon dont ses managers donnaient du feedback aux employés ; et ce, grâce aux neurosciences. Une découverte que je vais me faire un plaisir de partager avec vous...

Un peu plus tôt cette année, Microsoft a interrogé ses employés pour savoir ce qui fonctionnait, ou pas, dans la manière dont la performance de chacun était évaluée. Ce qui est une initiative louable. Mais ce à quoi la haute-direction ne s’attendait pas, ce fut la réponse des employés :

– Seulement 25% des employés ont dit recevoir «régulièrement» du feedback de la part de leur manager.

– Et seulement 7%, obtenir ainsi des informations concrètes leur permettant d’améliorer leurs points faibles.

C’était clair, il fallait que quelque chose change.

C’est là qu’est intervenu le Neuroleadership Institute de M. Rock, sa mission étant d’identifier un moyen de donner un meilleur feedback aux employés de Microsoft. Une mission qui s’est transformée en une interrogation générique : «Que se passe-t-il dans le cerveau d’un employé lorsqu’il reçoit du feedback?»

Pour s’en faire une idée, l’équipe de M. Rock s’est plongée dans les travaux scientifiques les plus récents en lien avec ce point, que ce soit en neuroscience, en psychologie, ou encore en management. Puis, elle a validé certaines données avec des sommités dans ces domaines-là. Enfin, elle a analysé 25 modèles standards de questionnaires utilisés pour donner du feedback en entreprise, histoire de voir si ceux-ci jouent, ou pas, sur nos bons leviers mentaux, à savoir nous incitent à identifier des moyens concrets, réalistes et motivants d’améliorer nos faiblesses.

Résultat ? Les chercheurs du Neuroleadership Institute sont tombés de leurs chaises : aucun modèle standard de feedback ne fait l’affaire ! Absolument aucun !

«Certes, nous avons noté que certains modèles permettent de faire jouer un ou deux bons leviers, mais c’est largement insuffisant, a dit David Rock. Car, en vérité, ils faisaient plus que saper la conversation entre le manager et l’employé qu’autre chose.»

Pourquoi saper, au juste ? Essentiellement parce que l’employé est d’emblée sur la défensive : il sait que son boss va dire du bien de lui, mais aussi qu’il est surtout là pour lui signaler ce qui fonctionne moins bien dans son travail, ce qu’il va donc lui falloir changer au plus vite, si jamais il ne veut pas en pâtir sur le plan professionnel. Ce qui nuit à toute discussion constructive.

La conclusion a sauté aux yeux des chercheurs du Neuroleadership Institute : rien ne servait de corriger les modèles existants, il fallait tout réinventer, oui, il fallait repartir de zéro et s’interroger sur la pertinence-même de tout feedback en entreprise. Ni plus ni moins.

C’est comme ça qu’est né un tout nouveau paradigme…

Il fallait identifier le moyen d’avoir un entretien entre le manager et l’employé qui ne déclenchait pas automatiquement le bouton «stress extrême» du dernier. D’éviter que le cerveau de l’employé se mette en mode «je fuis ou j’attaque», qu’il ne se mette plus à «éviter» la situation, mais bel et bien la chérisse de tout son cœur.

Mission : Impossible ? Eh bien non, les chercheurs ont trouvé !

Le secret, c’est de renverser la dynamique. Il suffit que ce soit l’employé qui sollicite du feedback de la part de son manager, et non l’inverse, comme nous le faisons tous traditionnellement. C’est aussi simple que ça.

«L’idée, c’est de permettre aux employés de demander du feedback plutôt que d’attendre d’en recevoir», a résumé M. Rock.

Qu’est-ce que cette inversion change dans notre cerveau ? Celle-ci crée en nous un état «vers» – nos pensées passent alors en mode «demande d’informations», elles nous ouvrent à la discussion constructive, au lieu de nous fermer au choix binaire «je fuis ou j’attaque». Une récente étude d’une chercheuse du Neuroleadership Institute, Tessa West, et d’une doctorante en psychologie de l’Université de New York, Kate Thorson, a d’ailleurs montré que lorsque l’employé est le premier à briser la glace, en demandant du feedback au lieu d’attendre qu’on lui en donne, il ressent nettement moins de stress : par exemple, ses battements de cœur sont alors inférieurs de 50%.

Un projet pilote a été mené dans un bureau de Microsoft. Il n’y avait désormais de feedback qu’à la demande des employés, et non plus à celle des managers. De surcroît, tous les points abordés devaient impérativement qualitatifs, et non plus quantitatifs. Bien entendu, les managers ont été formés en ce sens au préalable, histoire de bien comprendre qu’il ne fallait plus jamais se montrer menaçants, et se mettre plutôt à discuter avec les employés non seulement de ce qu’ils pouvaient faire différemment, mais aussi de ce qu’ils faisaient bien et ce sur quoi ils pouvaient bâtir.

Je vous le donne dans le mille : 80% des employés ayant participé au projet pilote ont «adoré» leur expérience ! Et tous ont demandé que ce soit désormais la norme. Ni une ni deux, Microsoft a déployé en avril la nouvelle méthode auprès de l’ensemble de ses employés dans le monde entier. Visiblement, à la satisfaction générale (ou presque) : nombre d’employés ont d’ores et déjà signalé que leurs conversations de feedback étaient à présent «plus ouvertes», «plus riches» et «plus intéressantes».

Voilà. Vous rêvez d’évaluations annuelles plus efficaces, ou encore de rapports plus sereins et plus constructifs avec les membres de votre équipe, eh bien il vous suffit de vous inspirer de la petite révolution managériale qui vient de se produire chez Microsoft. Là où l’art du feedback a été revu et corrigé grâce aux enseignements des neurosciences.

En passant, l’écrivain malien Massa Makan Diabaté a dit dans Le Coiffeur de Kouta : «La bonne parole a le mérite de mettre fin à la mésentente et de tracer le chemin qui mène à l’amitié».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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