L'ahurissante raison du peu de motivation de vos employés

Publié le 12/05/2017 à 09:08

L'ahurissante raison du peu de motivation de vos employés

Publié le 12/05/2017 à 09:08

Parfois, le moral a vite fait de tomber à zéro... Photo: DR

Soupirs, râlements, palabres sans fin... Les manifestations d'un certain découragement sont fréquents au travail, pour ne pas dire quotidiens : un jour, c'est une collègue qui s'énerve à voix haute contre son ordinateur qui ne fonctionne jamais comme elle le voudrait, alors qu'en vérité c'est le projet qu'on lui a confié qui ne tourne pas rond; un autre encore, c'est votre boss immédiat qui déambule entre les bureaux avec un sourire crispé, feignant que tout va bien alors que tout va mal, très mal, parce qu'il sent que les membres de son équipe n'embarquent pas franchement dans son nouveau projet.

Plus que du découragement, tout cela trahit, en fait, une véritable démotivation, un moral à zéro, une crise larvée. C'est qu'on ne prête pas assez attention à tous ces petits voyants rouges qui se mettent à clignoter avec insistance, ici et là. Et on se dirige ainsi droit dans le mur, parfois même sans en avoir conscience.

Comment une telle catastrophe annoncée est-elle possible? Et surtout, comment parvenir à l'éviter, y compris à la dernière minute? Tenez-vous bien, car je crois avoir trouvé une réponse fascinante à ces graves interrogations. Une réponse dénichée dans une étude intitulée Social rank and social cooperation: Impact of social comparison processes on cooperative decision-making, laquelle est le fruit du travail d'Alan Sanfey, professeur de psychologie cognitive à l'Université Radboud à Nimègue (Pays-Bas), assisté de son étudiante Xu Gong. Oui, une réponse qui pourrait avoir d'énormes répercussions dans votre bureau...

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Les deux chercheurs ont noté que, dans le cadre de notre connexions quotidiennes avec les autres, nous ne pouvons pas nous empêcher d'effectuer des comparaisons sociales. À l'échelle du travail, cela se traduit, par exemple, par le fait qu'on ne dit pas «bonjour» de la même manière à notre boss – en l'occurence, un «bonjour» empreint de servilité – et à la personne qui nettoie les toilettes plusieurs fois par jour – certains l'ignorent carrément, ne lui disant pas même un «bonjour». C'est plus fort que nous, nous tenons compte du statut social d'autrui chaque fois que nous interagissons avec lui.

Ce constat les a amenés à se demander si, par hasard, ces comparaisons constantes ne freinaient pas l'envie de chacun de coopérer avec les autres, et donc, ne nuisaient pas à l'efficacité du travail effectué en équipe. Intéressante question, n'est-ce pas?

Pour s'en faire une idée, ils ont procédé à une expérience on ne peut plus simple... Il a été ainsi demandé à une quarantaine de volontaires de bien vouloir jouer à deux jeux différents :

1. Simon, le jeu. Il s'agissait pour chacun de jouer à Simon, un jeu électronique doté de quatre boutons de couleurs. L'ordinateur présente une série de couleurs que le joueur doit reproduire dans la foulée, sans erreur; et ce, sachant que les séries vont en se complexifiant à mesure que le temps passe.

À l'issue de ce jeu, on indiquait à chaque participant son classement final au sein d'un groupe de 5 participants. En vérité, ce classement était fictif, mais les participants ne le savaient pas :

– Certains étaient classés numéro 1, et considéraient donc qu'ils avaient un statut social élevé au sein de ce groupe;

– D'autres, numéro 3, si bien qu'ils se considéraient comme moyens au sein du groupe;

– Les derniers, numéro 5, et se percevaient, par conséquent, comme figurant tout en bas de l'échelle d'un groupe d'excellents joueurs de Simon.

2. Le Jeu du bien public. Les participants étaient placés au sein d'un groupe de cinq personnes et se voyaient confiés 10 jetons. À chaque tour de jeu, chacun devait décider de soit conserver ses jetons, soit contribuer à une cagnotte collective. Et ce, sachant que le gain de chaque joueur résultait, à chaque tour de jeu, du calcul suivant :

gain individuel = nombre de jetons conservés par le joueur + (1,6 x nombre total de jetons placés par tous les joueurs dans la cagnotte)/5

À noter que le nombre de jetons final de chacun, à l'issue d'une trentaine de tours de jeu, était converti en espèces sonnantes et trébuchantes.

À quoi rimait ce jeu, au juste? Eh bien, il faut savoir que celui-ci est courant lors des expériences visant à évaluer le degré de coopération des gens. Car le Jeu du bien public devient vraiment payant à partir du moment où chacun se met à collaborer avec les autres, et s'enraye vite fait dès lors qu'un ou plusieurs joueurs n'embarquent pas.

Résultats? Tenez-vous bien :

> Avantage au statut social élevé. Plus un joueur avait un statut social élevé (numéro 1), plus il était prompt à collaborer avec les autres au Jeu du bien public. Autrement dit, être en haut de la pyramide hiérarchique favorise l'envie de collaborer avec autrui.

> Désavantage au statut social bas. Plus un joueur avait un statut social bas (numéro 5), plus il était prompt à refuser de collaborer avec les autres. Autrement dit, être en bas de la pyramide hiérarchique nuit à l'envie de collaborer avec autrui.

> Le facteur aggravant d'un environnement hiérarchisé. L'impact du statut social est décuplé dès lors que le joueur concerné a une habitude prononcée de systématiquement comparer son statut social à celui des autres. Autrement dit, plus on est habitué à évoluer dans un environnement hiérarchisé, plus on a le réflexe de collaborer avec les autres (numéro 1) ou, au contraire, de se désolidariser des autres (numéro 5).

Que signifient ces résultats? C'est clair : plus la hiérarchie se fait sentir au sein de votre équipe, voire de votre entreprise, plus les employés au bas de la pyramide hiérarchique rechignent à collaborer avec les autres. Cela leur coupe tout bonnement l'envie d'oeuvrer tous ensemble, pour le bien collectif. Leur premier réflexe va consister à se demander ce qu'ils ont personnellement à gagner dans un nouveau dossier, et comme cela ne leur paraîtra pas limpide – ex.: «Ben tiens, c'est encore les autres qui vont y gagner, et moi, nada...» –, ils vont se contenter de freiner des quatre fers, une fois de plus.

C'est ainsi qu'on se retrouve si souvent avec un boss qui tripe à l'idée de se lancer tous ensemble sur un tout nouveau projet et que les membres se mettent aussitôt à traîner des pieds, plus que d'habitude. Et qu'on se met à entendre jour après jour, ici et là, soupirs, râlements et autres palabres sans fin...

Comment corriger le tir, une bonne fois pour toutes? C'est évident, me semble-t-il :

> Qui entend motiver subtilement ses employés à donner leur 110% se doit lutter contre l'omniprésence de la hiérarchie au sein de son équipe ou de son entreprise. Il lui faut réfréner son propre réflexe de commander et de contrôler les autres pour, à la place, adopter un style de leadership plus propice à la collaboration. Ce qui peut concrètement se traduire par, entre autres, l'attribution de davantage de responsabilités aux autres, la délégation permanente de certaines de ses tâches, ou encore par de petits gestes comme celui d'arrêter de s'installer en bout de table lors des réunions pour se mettre au milieu d'un côté (certes, cela déstabilisera au début, mais les autres vont vite apprécier d'avoir ainsi davantage d'importance qu'à l'habitude, en occupant à tour de rôles la place classique du boss). Et le tour sera joué!

En passant, le sage chinois Lao Zi a dit dans son Tao Tö King : «Celui qui se conduit vraiment en chef ne prend pas part à l'action».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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