Comment trouver à coup sûr un meilleur emploi?

Publié le 02/09/2016 à 07:36

Comment trouver à coup sûr un meilleur emploi?

Publié le 02/09/2016 à 07:36

Avoir un travail passionnant, on en rêve tous... Photo: DR

C'est la rentrée et vous vous demandez déjà si vous êtes à la bonne place. En réunion ou à votre bureau, il vous arrive de lever les yeux au ciel et de soupirer. Et si l'herbe était un peu plus verte ailleurs...

Mais voilà, la crise économique sévit, les temps sont durs, le chômage serre de plus en plus fort son noeud coulant autour du cou de la société. Et vous en venez toujours à la conclusion que, finalement, vous êtes pas si mal que ça là où vous êtes (même si vous jetez un oeil, de temps à autres, sur ce que vous propose LinkedIn comme postes). Pas vrai?

Alors? Renoncer est-il le meilleur choix? Non, mille fois non. J'en veux pour preuve une étude fabuleuse intitulée Social networks and labor markets: How strong ties relate to job transmission using Facebook's social network et signée par : Laura Gee, professeure d'économie à l'Université Tufts à Medford/Somerville (États-Unis); Jason Jones, professeur de sociologie à l'Université Stony-Brook à New York (États-Unis); et Moira Burke, scientifique de données (data scientist, en anglais) à Facebook. De quoi s'agit-il? Eh bien, d'une petite révolution dans la recherche d'emploi et le recrutement. Oui, une petite révolution susceptible d'embellir votre vie professionnelle! Je pèse mes mots. Explication.

Pour commencer, une petite mise en contexte s'impose... Il y a une quarantaine d'années, le sociologue américain Mark Granovetter avait fait sensation en publiant une étude intitulée Strenght of weak ties, qui présentait sa théorie connue sous le nom de "La force des liens faibles". À noter que celle-ci est toujours de nos jours l'une des plus citées de la littérature sociologique : on dénombre aujourd'hui près de 40.000 citations de l'étude rien que dans Google Scholar.

Cette théorie considère que les êtres humains évoluent dans un vaste réseau de connexions, tant au travail que dans leur vie privée. Ce réseau est composé de liens forts — relations soutenues et fréquentes — et de liens faibles — relations distantes et occasionnelles —, auxquels s'ajoutent des liens "vides", qui correspondent à une absence d'interaction véritable (c'est l'épicier du coin qu'on croise le soir en rentrant du travail, ou c'est encore le collègue à qui l'on dit simplement "bonjour" et "bonsoir").

Autrement dit, la force d'un lien est caractérisée par la combinaison du temps passé ensemble, de l'intensité des émotions partagées, de la réciprocité des échanges et de la proximité des deux êtres.

Mark Granovetter a appuyé sa démonstration sur le cas d'une personne cherchant un emploi. Il a rencontré 54 personnes ayant récemment changé d'emploi et a analysé la manière dont elles s'étaient servi, consciemment ou pas, de leur réseau de connexions pour parvenir à leurs fins. Il avait ainsi découvert qu'en général celui qui cherchait un emploi uniquement à partir de ses liens forts avait moins de chances de trouver un emploi que celui qui se servait de ses liens forts et de ses liens faibles.

Pourquoi ça? Parce que celui qui recourt aux liens faibles dispose de davantage d'informations que celui qui ne s'appuie que sur ses liens forts, et ces informations-là peuvent faire toute la différence! Par exemple, c'est en discutant avec une connaissance du gym (lien faible) qu'on peut apprendre qu'un poste intéressant vient de se libérer dans sa boîte, ce que nos meilleurs chums (liens forts) ne nous auront jamais appris, ne sachant peut-être même pas que cette boîte-là existait. Vous voyez?

C'est ainsi que Mark Granovetter en est arrivé à la conclusion que, somme toute, les liens faibles étaient plus cruciaux que les liens forts pour le chercheur d'emploi. Et cette conclusion a clairement influencé le secteur du recrutement, ces dernières décennies. Un exemple parmi tant d'autres : quel n'est pas le chercheur de têtes qui n'a pas aujourd'hui le réflexe de sonder les liens faibles de la personne qui libère un poste dans l'espoir de trouver ainsi la perle rare pour la remplacer?

Le hic? C'est que M. Granovetter s'est trompé! Oui, vous avez bien lu, il s'est trompé. L'étude de Mmes Gee et Burke et de M. Jones vient en effet bousculer ses conclusions, de fond en comble. Regardons ça ensemble...

Mark Zuckerberg ayant décidé de donner libre accès aux données de Facebook aux scientifiques qui le souhaitent, les trois chercheurs américains en ont profité pour regarder si les résultats de l'étude de Mark Granovetter — qui ne portait, je le rappelle, que sur 54 personnes — se vérifiait à l'échelle du milliard d'utilisateurs actifs du média social. Ils se sont concentré sur les profils de 400.000 Américains issus de tous les horizons, qui ont changé d'emploi au cours de la dernière année, et ont regardé si cela avait été le fruit de l'usage de leurs seuls liens forts ou bien de celui de leurs liens forts et de leurs liens faibles.

Résultats? Accrochez-vous bien, car ils sont a priori paradoxaux :

> À l'échelle individuelle. Lorsqu'on considère un individu, il a nettement plus de chances de trouver un nouvel emploi grâce à ses liens forts que grâce à ses liens faibles. En fait, ses liens faibles ne lui servent quasiment à rien.

> À l'échelle collective. Lorsqu'on considère un grand groupe de personnes, l'inverse semble se produire : celles-ci ont globalement plus de chances de trouver un nouvel emploi grâce à leurs liens faibles que grâce à leurs liens forts.

Comment expliquer cet apparent paradoxe? C'est, en vérité, assez simple... Les utilisateurs actifs de Facebook comptent nettement plus de liens faibles que de liens forts, et ce, de manière écrasante. En conséquence, il suffit qu'ils signalent à tous leurs contacts qu'ils sont à la recherche d'un emploi pour qu'ils soient inondés d'informations sur des postes vacants, ici et là. L'ennui, c'est que rares sont les informations ainsi obtenues qui se révèlent pertinentes, et encore plus rares celles qui se révèlent fructueuses.

De fait, quand les trois chercheurs américains ont affiné les données jusqu'au niveau de l'individu — les données de Facebook sont si précises qu'ils ont pu déterminer, entre autres, le degré d'extraversion de chaque personne étudiée, et par suite, sa facilité, ou pas, à nouer des liens riches et fluides avec autrui —, ils ont découvert que ce qui semble valoir pour la globalité ne vaut pas pour l'individualité : le meilleur moyen pour quelqu'un de trouver un nouvel emploi qui l'intéresse franchement, c'est de recourir à ses liens forts; et surtout pas à ses liens faibles, qui, certes, lui procureront des informations inédites, mais des informations qui ne lui permettront pas de l'orienter vers un emploi réellement tripant pour lui.

Bref, ceux qui rêvent d'occuper un meilleur emploi mettront toutes les chances de leur côté en faisant entrer en action leurs liens forts. C'est-à-dire en parlant directement à leurs proches — au travail comme dans la vie privée — de leur espoir de trouver mieux que ce qu'ils ont déjà. Rien ne sert, par exemple, d'envoyer un coup de sonde à l'ensemble de leurs contacts sur LinkedIn : ils crouleront sous des informations neuves, c'est vrai, mais les chances seront minces qu'elles se révèlent vraiment intéressantes.

On le voit bien, Mark Granovetter n'avait pas vu juste dans la conclusion de son étude. Plus précisément, il avait presque vu juste, car il fallait nuancer — ce que son échantillon ne lui avait pas permis — entre les échelles individuelle et collective.

Pour terminer, un petit 'scoop' pour vous... Mark Granovetter a aujourd'hui 72 ans et il continue d'être actif à l'université où il a enseigné toute sa vie, Stanford. Et les trois chercheurs américains ont eu la délicatesse de lui présenter leur propre étude avant de la publier. Sa réaction? Il a été époustouflé, notamment par le fait que Facebook permette aux chercheurs de se servir de sa précieuse base de données, mais surtout par la découverte ainsi faite. Il a reconnu qu'il y avait là matière à réflexion, mais a refusé de reconnaître que les fondements de ses travaux venaient de s'effondrer : pour qu'il l'admette, il faudrait, d'après lui, que l'étude soit validée par la rencontre en personne des individus analysés, histoire de vérifier que c'est bel et bien grâce à leurs seuls liens forts qu'ils ont trouvé chaussure à leur pied dans leur vie professionnelle, a-t-il indiqué au magazine Forbes.

Voilà. Que retenir de tout cela? Ceci, je pense :

> Qui entend trouver un meilleur emploi se doit de recourir aux informations de ses seuls proches. Il lui faut parler ouvertement de ses intentions professionnelles à ceux avec qui il entretient des liens forts, et ce, tant au sein de sa famille que de ses amis et collègues. Il peut, bien entendu, envoyer aussi un coup de soude à plus large échelle, mais mieux vaut pour lui ne pas trop fonder d'espoirs là-dessus. D'ailleurs, une récente étude menée aux États-Unis a montré que plus de la moitié de ceux qui ont déniché l'an dernier un emploi intéressant à leurs yeux l'ont obtenu grâce à des informations données par «une connaissance proche».

En passant, l'artiste français Abd al Malik a dit lors d'une entrevue accordée au magazine Télérama : «La véritable irrévérence aujourd'hui, c'est de faire du lien dans une époque qui sépare les êtres».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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