Comment séduire les nouveaux robots recruteurs?

Publié le 28/03/2018 à 06:06

Comment séduire les nouveaux robots recruteurs?

Publié le 28/03/2018 à 06:06

Les robots établissent, entre autres, la liste des candidats les plus intéressants. Photo: DR

Marie-Ève Bernard est chef du talent chez Diagram, une firme canadienne vouée au soutien des entreprises technologiques évoluant dans les domaines de l'assurance, des services financiers ou des soins de santé. Férue elle-même de technologie, elle a récemment eu l'idée de recourir à un robot recruteur pour combler un poste. Son choix s'est porté sur Koru, qui fonctionne comme suit:

– Il analyse en détail la description du poste à combler, histoire d'en dégager non seulement les compétences techniques exigées, mais aussi le profil psycholgique du candidat idéal.

– Il analyse en détail le CV et la lettre de motivation de chacun des candidats afin d'une part de vérifier si leurs compétences techniques répondent bel et bien aux attentes et d'autre part de dresser ce qu'on appelle leur 'Big Five', à savoir leur profil psychologique.

– Il dresse le palmarès des candidats a priori les plus intéressants, en ce sens qu'ils ont les compétences requises ainsi qu'une personnalité correspondant à la culture de l'entreprise. Du coup, les premiers de la liste devraient être les meilleurs recrues possible, celles qui s'épanouiront dans leur nouvel emploi, et par suite, permettront à l'entreprise de progresser.

«J'ai joué le jeu et fait confiance à Koru : nous avons reçu en entretien les trois premiers de la liste. Eh bien, si cela avait été possible, nous les aurions recruté tous les trois, tellement le match était parfait!», a-t-elle dit lors d'une conférence donnée à l'occasion d'une Journée Infopresse.

Et de souligner : «J'ai été totalement bluffée. Je ne m'attendais vraiment pas à un tel résultat. Me voilà maintenant convaincue que les robots recruteurs sont aujourd'hui devenus incontournables».

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De fait, les robots recruteurs sont de plus en plus utilisés ces temps-ci; et ce, même si les candidats n'en ont aucunement conscience. Ils interviennent surtout à deux moments précis du processus d'embauche : en amont, lorsqu'il s'agit de trier les CV pour ne retenir que les plus pertinents; et en aval, lorsqu'il est question de prédire la performance future des meilleurs candidats, si jamais chacun d'eux décrochait le poste ouvert.

> Trier les CV

De récentes études ont montré que les personnes chargées du recrutement ne passaient, en moyenne, que 11 secondes pour lire un CV. Oui, vous avez bien lu : 11 secondes. Autrement dit, elles le scannent du regard pour vérifier que certains mots clés se trouvent bel et bien à certains précis, et c'est tout. Disons-le clairement : aujourd'hui, un CV n'est jamais lu!

D'où l'intérêt de confier cette tâche à quelqu'un qui, lui, peut faire ce travail mille fois mieux, en l'espace d'un clin d'oeil. Quelqu'un comme un robot recruteur, dont la première version est ce qu'on appelle un ATS (pour Applicant Tracking System), dont il existe à présent de nombreuses versions, comme Taleo (Oracle), Kenexa BrassRing (IBM) et Jobvite. Le principe est basique : le logiciel casse la mise en forme du CV et de la lettre de motivation pour en extraire des mots clés, ceux qui sont attendus par rapport au poste à combler; puis, il désigne les candidatures les plus intéressantes à cet égard. Ce qui permet de faire un premier tri efficient, surtout lorsqu'on doit traiter un grand nombre de candidatures.

Google est récemment allé plus loin en ce sens. Il a créé Cloud Jobs, qui, lui, fait appel à l'intelligence artificielle (IA) et à l'apprentissage profond (deep learning, en anglais). Pour mettre au point son robot recruteur, Google a scanné des millions et des millions d'annonces d'emplois ainsi que l'évolution de carrière de ceux qui les avaient décrochés. Cela lui a permis d'établir sa propre recette secrète d'un recrutement réussi, c'est-à-dire ce dont doit impérativement tenir compte un employeur pour dénicher la perle rare. D'ores et déjà, de grandes entreprises comme Johnson & Johnson et FedEx ne jurent plus que par le robot recruteur de Google...

> Prédire la performance future

Les nouveaux robots recruteurs vont encore plus loin! Outre Koru dont se sert notamment Citigroup, en voici deux exemples frappants:

– HireVue propose aux candidats une série de questions en lien avec le poste. Chacun d'eux y répond en se filmant avec son cellulaire ou la webcam de son laptop. Une fois le vidéo enregistré, l'IA de HireVue analyse l'ensemble des données s'en dégageant : les mots choisis, le ton de la voix, les microgestes (ex.: la mâchoire qui se contracte, le grattement nerveux du nez,...). Ce qui lui permet, dans un premier temps, d'indiquer à l'employeur les meilleurs candidats, en fonction de leurs traits professionnels et psychologiques, et dans un second temps, de prédire la performance de chacun lors des premiers mois d'emploi.

Unilever chérit HireVue. Le géant de l'agroalimentaire s'en est déjà servi dans 68 pays, en 15 langues différentes. Plus de 250.000 candidats ont d'ores et déjà été évalués par le robot recruteur. C'est que les retombées sont on ne peut plus positives, à commencer par le simple fait que le temps nécessaire pour combler un poste a chuté d'en moyenne... 75%!

– SkillSurvey invite chaque candidat à répondre en ligne à une série de questions en lien avec le poste. Ces questions sont loin d'être innocentes : elles visent à évaluer le comportement du candidat dans différents cas de figure pouvant réellement survenir lors du quotidien au travail. Résultat? L'IA du robot recruteur est alors à même de prédire la performance qu'affichera chaque candidat au poste en question, et, plus fort encore, le nombre de mois où il devrait rester en poste avant de soit démissionner, soit progresser dans l'organisation!

Adidas, Reebok, ou encore Keurig sont devenues accro à SkillSurvey. Et ce, essentiellement pour les mêmes raisons que HealthSouth : la firme américaine de soins de santé spécialisés, qui emploie quelque 36.000 personnes, a noté une chute de 92% du temps passé à recruter ainsi qu'un bond de la fidélité des nouveaux employés (ex.: une baisse de 17% des licenciements et de 10% des démissions).

D'autres sortes de robots recruteurs voient le jour, ces temps-ci. Il y a par exemple Mya, qui est un chatbot à même d'avoir une vraie discussion en ligne avec chacun des candidats : l'interaction est si criante de vérité qu'on peut avoir l'impression de chater avec un véritable être humain. Et mine de rien, le robot recruteur en profite pour dresser le profil psychologique de chacun de ses interlocuteurs, puis d'en informer l'employeur.

Les exemples sont, en vérité, à foison : Interviewed, Entelo, Talent Sonar, etc. Et témoignent de l'engouement des start-ups pour le marché émergent des robots recruteurs, lequel est appelé à bientôt peser quelque 100 milliards de dollars, selon Deloitte.

La question saute dès lors aux yeux : les employés d'aujourd'hui, comment doivent-ils s'y prendre à l'avenir pour décrocher un nouvel emploi? Oui, comment peuvent-ils parvenir à séduire les nouveaux robots recruteurs?

Fort heureusement, quelques astuces permettent de tirer son épingle du jeu...

> Mieux rédiger son CV. Auparavant, le diplôme était tout. Il suffisait d'afficher le nom d'une école prestigieuse pour voir toutes les portes s'ouvrir à soi. Tout cela est maintenant du passé, si l'on en croit Google qui, fort des enseignements de son propre robot recruteur, a vu diminuer dans ses rangs le nombre de diplômés de grandes écoles au profit des nouvelles recrues sans diplôme universitaire, mais au profil psychologique fitant parfaitement avec la culture d'entreprise.

Du coup, il convient de rédiger son CV autrement, en mettant davantage l'accent sur les traits psychologiques qui correspondent à ceux de la culture de l'entreprise visée. Ce qui peut notamment se faire grâce à l'emploi de mots clés judicieux, lesquels permettront de grimper subtilement dans le palmarès des candidatures établi par le robot recruteur.

> Maîtriser les médias sociaux. Il est devenu impératif d'être non seulement présent sur les médias sociaux, mais à l'aise dans les différents univers que les composent. Pourquoi? Parce que la dernière tendance des robots recruteurs concerne le scan des activités en ligne des candidats : le ton utilisé dans les commentaires rédigés en ligne, les sujets qui intéressent le plus le candidat, etc. Pas de panique, toutefois! Ce n'est pas parce qu'un ami Facebook vous a identifié sur une photo prise lors d'une soirée bien arosée que cela va vous empêcher de décrocher l'emploi de vos rêves. Car les robots recruteurs sont assez intelligents pour ne pas s'arrêter à ce genre de choses. En revanche, il convient désormais d'avoir conscience que rien de ce qu'on fait en ligne n'est innocent...

> Cultiver ses atouts. Chacun de nous dispose de trois sortes de talents professionnels:

– Les talents transférables, soit ceux qui correspondent au savoir-faire de base au travail (ex.: maîtriser correctement Outlook, histoire d'être en mesure de communiquer avec n'importe qui dans le cadre du travail). Il s'agit là de compétences basiques, que n'importe qui peut – et doit – avoir pour être fonctionnel au bureau.

– Les talents techniques, qui correspondent au savoir-faire requis pour l'emploi qu'on occupe (ex.: maîtriser à la perfection la toute dernière version de Python pour un programmeur). Ce sont les talents qui nous permettent de briller dans les tâches qu'il nous faut accomplir, seul ou en équipe.

– Les talents adaptables, à savoir ceux qui correspondent au savoir-être, à ce qui fait que l'on a la bonne attitude et les bons comportements dans notre quotidien au travail. Ce sont les talents qui nous permettent de nous adapter à n'importe quelle situation.

Or, pour être en mesure de séduire les nouveaux robots recruteurs, il convient de miser sans hésiter sur ce que sont nos propres atouts, sur ce qui fait notre véritable force. Et donc, de cultiver sans tarder les talents techniques et adaptables qui nous distinguent des autres. Pourquoi? Tout simplement parce que cela brillera comme des gemmes aux yeux des robots.

Voilà. Vous disposez maintenant de pistes à explorer pour trouver l'emploi dont vous avez toujours rêvé. De pistes qui reviennent à séduire en premier lieu l'IA des robots recruteurs d'aujourd'hui et de demain, avant de charmer l'être humain qui vous recevra pour un entretien final. À vous, par conséquent, de jouer!

En passant, l'actrice française Elsa Zylberstein aime à dire : «Séduire, c'est être soi-même».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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