Comment combattre les incessantes distractions au bureau?

Publié le 02/05/2018 à 06:06

Comment combattre les incessantes distractions au bureau?

Publié le 02/05/2018 à 06:06

Pour certains, consulter souvent leur compte Instagram est irrésistible... Photo: DR

J'ai une petite question à vous poser : «À votre avis, combien de temps arrivez-vous à travailler sur une tâche précise sans être distrait (par la vibration de votre cellulaire, par une notification de votre boîte de courriels,...)?» S'il-vous-plaît, prenez vraiment le temps d'y réfléchir.

Ça y est? Parfait. Alors, quelle est votre réponse? Si c'est une heure, je ne vais pas vous croire. Une demi-heure? Hum... Plutôt 20 minutes? C'est plausible. Seulement 15 ou 10 minutes? Là, on approche de la vérité, je pense.

Vous venez de le constater par vous-mêmes, les distractions sont incessantes dans notre quotidien au travail. Oui, incessantes. Et ce, en grande partie à cause de notre connexion permanente aux autres via nos gadgets électroniques, ceux-là-mêmes qui sont supposés nous rendre plus productifs.

Ce qu'il serait bon de savoir, c'est dans quelle mesure ces distractions-là nuisent à notre travail. Pas vrai? Eh bien, la bonne nouvelle, c'est que j'ai justement la réponse à cette interrogation. Si, si... Elle m'a été fournie par une étude à ce sujet présentée lors de l'événement CHI 2018, qui a réuni la semaine dernière à Montréal plus de 3 300 chercheurs et entrepreneurs intéressés par les interactions entre les êtres humains et la technologie.

Cette étude est intitulée Effects of individual differences in blocking workplace distractions. Elle est signée par Gloria Mark, professeure d'informatique à l'Université de Californie à Irvine (États-Unis), assistée de deux chercheuses de Microsoft, Mary Czerwinski et Shamsi Iqbal. Regardons ensemble de quoi il retourne...

Les trois chercheuses ont demandé à 31 employés d'une entreprise technologique californienne de bien vouloir se prêter à une petite expérience. Une semaine durant, il leur fallait se priver volontairement de l'accès à certains sites web et applications qui ne font que les distraire de leur travail : fini dès lors les fameux petits moments récurrents où ils consultaient, en douce, parfois même sans vraiment le réaliser, Amazon, Facebook, Instagram, Netflix, OkCupid, eBay, Tinder et autres Whatsapp!

Après ça, ils ont dû indiquer aux trois chercheuses ce que cette abstinence numérique avait provoqué chez eux : avaient-ils été en état de manque? avaient-ils davantage travaillé? avaient-ils mieux travaillé? avaient-ils ressenti moins de stress? Etc.

Intéressant, n'est-ce pas? Sachez maintenant que les résultats le sont encore plus :

> Globalement plus concentrés et plus productifs. En général, les participants se sont sentis plus concentrés et même plus productifs dans leur travail. Ce que les trois chercheuses ont pu vérifier, en analysant les données issues du matériel informatique de chacun d'eux (ex.: le temps passé à taper sur le clavier, le nombre de documents consultés en profondeur, etc.).

Ils ont gagné en concentration pour deux raisons essentielles : d'une part, parce qu'ils ne tombaient plus dans le piège des chaînes de distraction (ex.: un lien Facebook qui mène à un article intéressant, lequel mène à encore un autre article d'un autre site web qu'il est impossible de ne pas cliquer, etc.); d'autre part, parce qu'ils ne perdaient plus des minutes entières à devoir se reconcentrer après une distraction (ex.: lorsqu'un consulte au bureau un billet sur Facebook qui nous a intéressé, on continue d'y penser des minutes durant, même si l'on a décidé de se remettre au travail).

Et ils ont gagné en productivité pour une raison principale, à savoir que le travail est devenu pour eux moins fragmenté. Le simple fait de pouvoir travailler plus longtemps que d'habitude sur une même tâche sans être distrait a fait toute la différence.

> Surtout ceux qui peinent à se contrôler. Une partie des participants a plus bénéficié des aspects positifs de l'expérience que les autres, à savoir ceux qui ont du mal à se contrôler. Pourquoi? Parce que cela les a forcé à arrêter de consulter compulsivement les sites web et les apps qui ne font que parasiter leurs journées de travail.

Du coup, leur cerveau parvenait à mieux se concentrer sur les tâches à accomplir. Et lorsqu'ils ressentaient un manque numérique, ils étaient prompts à s'arrêter physiquement de travailler, par exemple en se levant de leur siège et même en quittant leur bureau, de temps à autres, pour aller prendre l'air dehors; ce qui, je le souligne, est toujours bénéfique pour la productivité, car on revient au travail avec le corps et l'esprit aérés.

> Mais pas vraiment ceux qui se contrôlent aisément. Une autre partie des participants a nettement moins bénéficié que les autres des aspects positifs de l'expérience. Laquelle? Ceux qui n'ont aucune difficulté à se contrôler, et donc à s'empêcher de se laisser distraire à l'idée de consulter, en douce, leur page Facebook ou cette réponse tant attendue sur Tinder.

C'est que l'abstinence numérique qui leur avait été imposée les a amenés à travailler plus longtemps que d'habitude, sans s'arrêter une minute, ou presque. Ils ont dès lors pris moins de pauses qu'auparavant, ce qui a contribué à saturer leur cerveau et à fatiguer leur corps, et par suite, à les épuiser physiquement et psychiquement. Certains ont même eu l'impression d'avoir du travail par-dessus la tête, ce qui ne leur était jamais arrivé avant ça.

Bref, ceux-là ont certes gagné en concentration et en productivité, mais au prix d'un stress pouvant mener jusqu'à l'épuisement.

Fascinant, n'est-ce pas? Je vous l'avais dit.

Maintenant, je vais partager avec vous ce que les trois chercheuses préconisent aux employeurs pour combattre les incessantes distractions au travail, sans pour autant nuire à qui que ce soit:

> Éduquez et aidez adéquatement. Les employeurs gagneraient à éveiller leurs employés quant aux sources de distraction que représentent nombre de sites web et d'apps, et surtout quant aux impacts négatifs de celles-ci (ex.: problèmes de concentration, de productivité,...). Cet éveil devrait surtout s'adresser à ceux qui ont du mal à résister aux charmes d'Amazon et autres eBay : des participants dans ce cas-là ont d'ailleurs indiqué qu'ils aimeraient bien avoir des statistiques sur le temps qu'ils consacrent vraiment à ces distractions-là dans une journée de travail, car «cela [leur] ferait prendre conscience du temps ainsi perdu»; puis, ils aimeraient se fixer des objectifs réalistes pour diminuer graduellement le temps passé sur ces sites-là, «avec l'aide de [leur] manager».

> Instaurez des pauses numériques. Les employeurs gagneraient à imposer des interruptions d'utilisation de gadgets électroniques lors de certains moments clés de la journée, histoire d'apprendre à chacun à décrocher peu à peu. Une idée peut être d'interdire tout cellulaire et laptop lors des réunions de travail (à l'exception, bien entendu, de celui qui accompagne sa présentation d'un PowerPoint). Une autre, d'inviter chacun à ranger son cellulaire dans un tiroir, tous les jours de 10h à 11h ainsi que de 15h à 16h.

> Invitez chacun à prendre une marche une fois par jour. Le midi, par exemple, chacun pourrait aller prendre l'air dehors pendant une vingtaine de minutes. Seul ou accompagné. En prenant soin de laisser son cellulaire au bureau.

> Préconisez les mini-pauses. Des études ont montré que des arrêts de travail de 30 secondes à une minute peuvent suffire à aérer le corps et l'esprit, à tout le moins assez pour poursuivre la tâche entreprise avec un nouvel élan. Par conséquent, dès lors qu'un employé ressent le besoin de consulter son fil Twitter ou son compte Instagram, il convient de lui apprendre tous les bienfaits de se retenir et d'à la place prendre le temps de s'étirer et de prendre de grandes respirations apaisantes; et de l'inciter à y recourir autant que nécessaire. À noter que le temps d'attention maximal de notre cerveau est de 18 minutes, si bien que ces mini-pauses gagneraient à survenir environ tous les quarts d'heure.

Voilà. Vous êtes à présent équipés pour combattre efficacement les incessantes distractions au travail. Je compte sur vous pour en faire un usage fréquent et assidu de ces trucs ultrasimples.

En passant, le philosophe et empereur romain Marc-Aurèle a dit dans ses Pensées pour moi-même : «Ne te laisse pas distraire par les événements extérieurs! Prends le temps d'apprendre quelque chose de bon et cesse de papillonner!»

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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