L'avenir du produit touristique québécois

Publié le 20/06/2014 à 11:36

L'avenir du produit touristique québécois

Publié le 20/06/2014 à 11:36

Que seront les effets sur le produit touristique québécois de l’équation du nouveau budget Laitao et des attentes de l’«industrie» touristique?

Belle question, n’est-ce pas? Le Québec n’est pas – officiellement – en mode austérité... mais le mot d’ordre est donné: il faudra se serrer la ceinture. Aux Assises du tourisme québécois tenues à Laval le 13 mai dernier, 300 participants ont pressé le gouvernement de donner au Québec les moyens de «compétitionner» les quelque 500 destinations qui lui font concurrence dans le monde.

Ils ont, entre autres, déploré le fait que la dernière décennie ait été «perdue», que la croissance touristique d’ici n’ait pas suivi le rythme mondial, que les visiteurs des États-Unis (ils étaient 900 000 chaque année voici dix ans) aient depuis largement déserté nos terres. Il faut «reconquérir le marché américain», ont-ils affirmé haut et fort. Parmi les raisons évoquées: la parité du dollar canadien, le coût de l’essence, la question de la sécurité. Facteurs qui sont intervenus partout au Canada et pas seulement chez nous...

«On est capable de renverser la vapeur», ont-ils soutenu en disant du même souffle qu’il faudra «changer de stratégie» pour profiter de la reprise économique chez nos voisins du Sud. «Notre balance touristique a atteint 3,13 milliards $ en 2012. Le tourisme est un investissement, a souligné Yan Hamel, président de l’Association québécoise de l’industrie touristique. Il génère 12 milliards de recettes dont trois vont directement dans les coffres de l’État.» En d’autres mots, le tourisme n’est pas une dépense mais un investissement.

Sur place, Dominique Vien, députée de Bellechasse et nouvelle ministre du Tourisme, en a pris bonne note... tout en tempérant les ardeurs. En rappelant que l’atteinte de l’équilibre budgétaire en 2015-16 n’est pas une option pour son gouvernement, mais une obligation: «Ça va demander des efforts.» Comprendre: des sacrifices. On sait qu’une nouvelle campagne publicitaire aux États-Unis mise cet été sur le caractère distinctif du Québec (festivals extérieurs, gastronomie, fait français, tutti quanti). Tourisme Québec envisage également d’unir, en certains cas, ses efforts de promotion à ceux de l’Ontario pour une meilleure synergie.

Fort bien, mais tout cela relève d’une démarche de marketing. Or, en tourisme, tout n’est pas que marketing. Il est bien beau de vouloir satisfaire le vieux rêve de toujours aller chercher davantage de touristes outre-frontière, de faire sonner les caisses enregistreuses, encore faut-il avoir une vision d’ensemble. Je n’ose parler d’une politique...

Pourtant, il y aura lieu de réfléchir en ce sens.Le tourisme est un tout qui demande une intégration harmonieuse, équilibrée, de ses diverses parties. Pensons à certains éléments.

• Le Saint-Laurent: le gouvernement a annoncé la mise en place d’incitations fiscales (environ 1,3 million $ sur trois ans) pour encourager les armateurs et croisiéristes à renouveler ou améliorer leur flotte (âge moyen: entre 35 et 40 ans). Convenons que cela ne constitue pas en soi une stratégie maritime à articuler avec d’autres interventions en divers domaines (accueil, développement de forfaits et de circuits, etc.).

• Le Nord: comment le tourisme va-t-il s’arrimer au Plan Nord qu’on vient de relancer? Hydro-Québec, lasse de porter toute seule le fardeau de l’entretien de la route de Radisson (620 kilomètres, ce n’est pas rien) qui s’élève à près de cinq millions $ annuellement, a décidé de ramener sa contribution à 2,7 millions $ en souhaitant que d’autres utilisateurs majeurs (ex. forestières, minières) fassent leur part. Notons que la Société de développement de la Baie-James, chargée des travaux, aimerait porter ce budget global d’entretien à plus de huit millions. Ce n’est pas un très bon départ... D’autre part, comment voit-on, en haut-lieu, une collaboration avec les nations autochtones sur le territoire? Et ce n’est qu’une infime partie des questions à poser...

• L’environnement: lier environnement et tourisme, ce n’est pas qu’encourager l’écotourisme, le tourisme «vert». Le tourisme est un grand bouffeur d’énergie et un terrible générateur de déchets de toutes sortes. Sa trace écologique est importante. Comment le développer sans entacher irrémédiablement le milieu naturel?

• La culture: insister sur nos «traits distinctifs» est presque devenu du folklore. Voyager est un acte culturel, accueillir également. Le tourisme dit «culturel» dépasse amplement la fréquentation des festivals et des musées. Comment développer un tourisme qui nous ressemble? Comment gérer le tourisme sans que notre culture en vienne à perdre son âme? Comment le gérer de façon à ce que les populations et les régions d’accueil ne se sentent pas infériorisées ou dépossédées? Non, ce n’est pas pelleter des nuages.

• Sur quels foyers et sur quels thèmes mettre l’accent? Dans quel ordre dans le temps et dans l’espace? C’est la base même d’une politique intégrée...

Souvenons-nous enfin que l’économie du tourisme est fragile. Un géant aux pieds d’argile. Bien des phénomènes peuvent intervenir pour détourner des visiteurs d’une destination, si populaire ou attrayante soit-elle: crises financières, troubles politiques, rareté ou coût du pétrole, perturbations climatiques, éruptions volcaniques et j’en passe. Oui, la part du tourisme peut être significative dans la santé générale d’une économie. Mais cette part ne doit pas occuper le premier plan ni en constituer l’assise essentielle. C’est un appoint.

D’où la nécessité de penser globalement pour mieux intervenir localement. Y compris pour attirer des touristes des États-Unis...