Fonds équilibrés: le risque n'est pas là où vous croyez

Publié le 25/09/2016 à 11:26, mis à jour le 25/09/2016 à 13:49

Fonds équilibrés: le risque n'est pas là où vous croyez

Publié le 25/09/2016 à 11:26, mis à jour le 25/09/2016 à 13:49

Photo: Shutterstock

Peu de gens aiment les fortes variations en Bourse. Or, une façon bien subtile de faire avaler la pilule de la volatilité consiste à combiner actions et obligations, de sorte que l’investisseur ne puisse voir que le résultat global dans une période donnée.

Ainsi, si un fonds est composé de 50% d'actions et 50% d'obligations, nonobstant ce qu’engendre la partie obligataire, le rendement et la volatilité seront coupés de moitié. Cela crée l’illusion qu’on a affaire à un produit plus stable et moins risqué (plus raisonnable, plus sage, plus zen, etc.). Ce blogue constitue le 3e de notre série portant sur les risques cachés en portefeuille (cliquer ici pour accéder aux deux précédents: 1er blogue, 2e blogue).

Nous n’avons personnellement rien contre les fonds équilibrés. Ils permettent d’accéder rapidement à un portefeuille balancé à peu de frais. Cependant, ils ont tendance à être considérés comme un tout, et non comme un fonds d’actions jumelé à un fonds d’obligations, rendant l’analyse de la partie «actions» plus difficile.  

Lorsqu’ils sont intégrés à un ensemble de fonds variés (actions, obligations, immobilier, etc), on obtient une belle salade, dont la grande diversification apporte réconfort et paix d’esprit. Quand on jette un coup d’œil aux résultats obtenus sur une longue période de temps, on pourrait en conclure que le rendement s’avère «raisonnable et prudent» s’il n’est pas trop élevé!

Or, imaginez qu’on vous bâtisse un portefeuille comprenant tous vos avoirs de cette façon afin de freiner les fluctuations: 90% en encaisse, et seulement 10% en actions. Allez-vous évaluer le risque globalement? De toute évidence, la volatilité sera réduite de 90%. En contrepartie, vous laissez une importante part de rendement sur la table, puisque seulement 10% de votre argent s’avère réellement investi en actions.

Comme le «10%» en actions constitue une petite partie de vos économies, il pourrait être constitué de titres très risqués, sans éveiller vos soupçons. Cependant, si cette partie était isolée, elle serait plutôt évaluée séparément. On ne considérerait plus l’ensemble du portefeuille. Tout repose alors sur les éléments que l’on décide de regarder.

Prenons l’exemple suivant. Un couple «A» possède une maison de 200000$, une hypothèque de 150000$, et un portefeuille de placement équilibré 50%-50% s’élevant à 300000$. Ce couple s’estime prudent. Dans ses investissements, il ne détient qu’environ la moitié en actions.

Le couple «B» quant à lui n'a point d’hypothèque. Il possède 150000$ dans ses investissements (un fonds d’actions 100%), et décide tout à coup d’emprunter pour investir, à l’aide d’une hypothèque de 150000$. Nous vous épargnerons les détails fiscaux, afin d’éviter de compliquer la situation. Avec son portefeuille qui atteint maintenant 300000$, il investit la totalité dans un fonds équilibré 50%-50%. Est-ce logique?

Le couple «B» emprunte et paiera des intérêts, afin d’investir cet argent dans un fonds pour lequel il recevra des intérêts à peu près équivalents à ceux qu’il déboursera pour l’hypothèque. En effet, la partie obligataire du fonds correspondra plus ou moins au montant de l’hypothèque. Vaudrait peut-être mieux alors investir le tout en actions, mais le couple estime qu’il devrait demeurer prudent étant donné qu’il s’agit d’effet de levier. Donc, après réflexion, il décide de ne rien faire et de conserver son fonds d’action de 150000$ tel quel.

Cependant, si le couple «B» en viendrait à cette réflexion, alors le couple «A» se trouve déjà dans cette situation un peu absurde, mais sans en avoir conscience! Que votre hypothèque ait servi à acheter une maison ou des actions en Bourse, le résultat est le même. Lorsque vous faites vos calculs de la volatilité de votre valeur nette globale, le profil de risque demeure identique.

Allons plus loin. Pour calculer la volatilité de vos placements, devrait-on inclure la valeur de la maison? La plupart des gens ridiculiseraient l’idée. Pourtant, évaluer un fonds contenant des actions sans retrancher la partie obligataire ne fait guère plus de sens à notre avis.

Revenons aux fonds équilibrés.

Nous doutons qu’un gestionnaire de portefeuille puisse apporter de la valeur ajoutée en décidant quand surpondérer une catégorie d’actif plus que l’autre. Bien au contraire, l’optimisme atteint souvent son comble pour les actions aux sommets des marchés, alors que le pessimisme tend à régner lorsque les actions représentent des aubaines extraordinaires.

Nous prônons donc plutôt une approche séparée: choisir soi-même la pondération souhaitée, et investir dans le meilleur portefeuille d’actions que l’on puisse dénicher, et investir le reste dans un fonds d’obligations pures (ou rembourser l’hypothèque le cas échéant). De cette façon, on peut mieux évaluer la partie «actions», et mieux juger du risque lié à celle-ci.

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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