Le manque d'information coûte cher en rendements

Publié le 20/01/2018 à 12:00

Le manque d'information coûte cher en rendements

Publié le 20/01/2018 à 12:00

Parfois, il ne faut pas grand-chose pour prendre une mauvaise décision dans son portefeuille. La perception négative d’un titre, à tort, conduit à l’éviter ou le vendre trop rapidement. Dans le cas contraire, vous serez amené à acheter ou conserver des titres qui affecteront tôt ou tard vos rendements.

Effectuons un parallèle avec l’assurance. Beaucoup de grands investisseurs ont développé un intérêt particulier pour cette industrie. Il suffit de songer à Warren Buffett, David Einhorn chez Greenlight Capital (NASDAQ, GLRE) ou encore à Tom Gaynor chez Markel Corporation (N.Y., MKL). Pourquoi l’assurance? Elle requiert des connaissances souvent similaires à la gestion de portefeuille, notamment dans l’allocation de capital et l’analyse du risque.

Tombant du ciel

Dans cette discipline, on doit calculer combien devrait-on recevoir d’argent pour assumer un risque quelconque. Allons-y avec un exemple évident et un peu farfelu. Supposons que votre beau-frère entretient une fixation sur les météorites. Il vient vous voir et vous propose de vous donner un montant unique de 1000$. En échange, il veut que sa famille reçoive 1000000$ s’il meurt frappé par une de ces météorites.

Vous effectuez un peu de recherches, et découvrez qu’il existe une chance sur 1,6 million qu’un tel événement survienne au cours de sa vie. Vous acceptez son offre, sachant que les probabilités vous favorisent nettement. Toutefois, même avec un risque aussi peu élevé, vous vous dites que ce serait encore mieux d’avoir l’esprit tranquille, et de ne pas avoir à débourser un tel montant si jamais cela survenait.

Vous allez donc voir une société d’assurance, afin de lui faire la même offre, mais avec une prime de disons 200$ ou moins. Si les probabilités ont été bien calculées, cela ne devrait pas être trop difficile de convaincre quelqu’un. En effet, en divisant le million de dollars par 1,6 million, on obtient un montant de seulement 0,62$. Par conséquent, si votre offre était acceptée, vous garantiriez votre profit dès maintenant.

Votre connaissance des probabilités vous a permis dans ce cas d’accepter non seulement l’offre du beau-frère, mais aussi d’aller plus loin avec ce que l’on appelle dans l’industrie «la réassurance».

Cas pratique

Utilisons maintenant un exemple plus subtil avec le tableau qui suit. Il provient du site de la société publique Verisk Analytics (NASDAQ, VRSK). Cette compagnie fournit des données aidant à la prise de décision dans différents domaine pour ses clients, dont celui de l’assurance.

data quality table

Un tarificateur a émis trois contrats d’assurance avec une même prime, soit 1260$, croyant que les risques sont les mêmes pour chacun des contrats. Or, ce n’est pas le cas. Le premier coûte 1000$, le deuxième, 1200$, alors que le troisième revient à 1400$.

Il s’agit évidemment d’un exemple simplifié, puisque les coûts ne constituent en réalité que des projections. Prenons pour acquis cependant que ces projections s’avèrent exactes, et que notre tarificateur n’arrive tout simplement pas à distinguer la différence entre ces 3 contrats. Comment réagira-t-il dans le temps?

Au bout d’une année, il réalise un profit de 180$. Tout naturellement, il poursuit avec les mêmes primes pour l’année 2, en se disant que les polices «A» et «B» compensent pour la perte sur la «C». Cependant, un compétiteur plus avisé a flairé une opportunité avec la police «A», et offre au client une prime de 1050$. Le tarificateur perd donc une de ces 3 polices au renouvellement, et s'imagine que le compétiteur a mal fait ses devoirs.

Au bout de l’année 2, notre tarificateur se retrouve avec une perte de 80$. Il s’ensuivra une réaction typique et normale: on ajuste les primes à la hausse à la 3e année pour compenser. Pour les deux polices, il élève les primes à 1300$. Le problème réside dans le fait que la police «C» constituait la fautive, et non la «B». Le même compétiteur flaire une nouvelle opportunité. Il propose au client de la «B» une prime de 1260$, sachant que son coût sera de 1200$. Résultat? Notre tarificateur se retrouve avec une seule police d’assurance à l’année 3: celle qui est déficitaire! Il essuie donc une perte de 100$, même après avoir augmenté la prime. Il ne comprend plus rien et s’estime probablement malchanceux.

Dans la gestion de votre portefeuille, bien connaître et distinguer vos titres peut contribuer grandement à une meilleure performance, surtout dans le contexte actuel. Lorsque la crise financière avait éclaté en 2008, les aubaines étaient devenues si nombreuses que l’on disposait de l’embarras du choix.

Dans un marché où les évaluations sont plus élevées, bien cibler la valeur d’un titre peut faire la différence entre saisir ou laisser passer une opportunité, ou encore effectuer le mauvais choix parmi des titres qui semblent similaires.

Estimer un titre à 20 fois les profits alors qu’il vaut en réalité 25 fois vous empêchera peut-être de l’acquérir à 18 fois (dans l’optique où vous souhaitez une marge de sécurité plus grande). La même logique s’applique pour un titre dont on surestimerait la valeur.

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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