Le gouvernement américain souhaite-t-il une autre crise «subprime»?

Publié le 01/10/2016 à 11:27

Le gouvernement américain souhaite-t-il une autre crise «subprime»?

Publié le 01/10/2016 à 11:27

On croit toujours à tort que les grandes banques constituent les principales responsables de la crise financière. En fait, elles n’ont fait que participer à un mouvement qui était déjà bien enclenché dans le secteur des prêts hypothécaires. En 1995, à l’époque du président Bill Clinton, la HUD (U.S. Department of Housing and Urban Development) décida d’encourager les deux institutions Fannie Mae et Freddie Mac à accroître le marché des prêts subprimes. La but consistait à aider les familles qui ne pouvaient pas effectuer les mises de fonds minimums exigées.

En 2004, la HUD révisait à nouveau les standards, toujours avec l’objectif d’inciter plus de familles à faibles revenus à acheter des maisons. Or, lorsque le gouvernement contribue à une tendance, le secteur privé prend pour acquis que c’est moralement acceptable. Par conséquent, un grand nombre d’institutions financières privées ont participé à la création de la bulle immobilière, sans poser trop de questions.

Après le carnage de 2008-2009, on s’attendrait à ce que la leçon ait été apprise. Voilà que tout récemment, nous apprenons que Freddie Mac a entrepris un projet pilote afin d’encourager les gens à faibles revenus à acquérir une propriété (cliquer ici pour l’article qui traite du sujet). 

On souhaite également offrir des conditions d’emprunt plus faciles dans les régions jugées «mal desservies». Autrement dit, si les banques préfèrent éviter une région ou un secteur parce qu’elles croient que le risque de non remboursement des prêts atteint des proportions trop élevées, le secteur public prendra le relais directement ou indirectement.

Des conditions ridicules

Quelles sont les nouvelles conditions d’emprunt offertes? Pour qualifier plus de gens, on considèrera les seconds emplois détenus pour une courte période de temps. Ainsi, si vous avez de la difficulté à vous qualifier pour une certaine maison, vous pourriez maintenant trouver temporairement un deuxième emploi uniquement dans le but d’aller revoir votre banquier par la suite. En outre, on n’exigera plus de montrer un relevé bancaire afin de démontrer comment vous avez réussi à économiser de l’argent pour la mise de fonds.

Cependant, le changement le plus intéressant s’avère celui-ci : on considèrera les revenus des autres individus qui vivent dans la maison pendant au moins un an! Cette mesure plaira beaucoup aux familles qui souhaitent dépenser toute la plus-value de la maison. Ainsi, si votre demeure s’est appréciée de 50 000$, mais que vous vous ne qualifiez pas pour augmenter votre hypothèque, invitez un oncle ou un cousin pendant un an officiellement (dans la réalité, on peut imaginer que certains «arrangements» seront entrepris). Vous pourrez joindre leur salaire au vôtre pour justifier votre demande, même si en cas de repossession de la maison, vous êtes le seul responsable!

Ignorer sélectivement Warren Buffett?

Le gouvernement avait été prompt à épouser la «Buffett Rule» pour imposer un minimum d’impôts en 2011. Il devrait également prendre en compte les opinions de Warren Buffett concernant le secteur hypothécaire. Dans la lettre annuelle de 2008 de Berkshire Hathaway, on peut lire :

«La plupart des reprises de finances sont survenues parce que l’emprunteur ne pouvait plus effectuer les paiements hypothécaires tel qu’entendu au début de son contrat, et non parce que la valeur des maisons s’est effondrée. (…) L’achat d’une propriété devrait nécessiter une réelle mise de fonds d’au moins 10% du prix, ainsi que des paiements mensuels qui peuvent être effectués confortablement en fonction des revenus de l’emprunteur. Ces revenus devraient être soigneusement vérifiés.»

Peut-on se prononcer contre un minimum de prudence? Est-ce rendre service à un ménage en l’incitant à devenir propriétaire avant qu’il en détienne les moyens? Si les acheteurs arrivent à peine à se qualifier pour un prêt aux critères peu rigoureux, comment peut-on espérer qu’ils puissent faire face à un imprévu, comme un bris soudain dans la demeure?

Si on leur permet d’augmenter l’hypothèque en incluant le revenus d’autres personnes dans les calculs de la capacité de remboursement, les invite-t-on à dilapider leur valeur nette? Poser la question, c’est y répondre.

P.S. : «Les bulles immobilières à la grandeur du pays sont difficiles à créer. Le marché immobilier américain n’a jamais connu les sommets et les crash que l’on retrouve dans le prix des actions ou des matières premières. En réalité, le prix des maisons n’a jamais décliné dans tout le pays depuis la Grande Dépression des années 30.» - Commentaire du chef de la direction de Fannie Mae, rapport annuel de 2004.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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