Le danger des recommandations de titres

Publié le 28/01/2017 à 15:44

Le danger des recommandations de titres

Publié le 28/01/2017 à 15:44

Lorsque vous lisez des articles financiers sur le net, êtes-vous à la recherche de recommandations claires et précises? Par exemple, par rapport au titre de Bombardier (Tor; BBD.B), préférez-vous une analyse approfondie de l’entreprise ainsi que de ses concurrents, ou une indication claire quant au prix pour l’acheter et le revendre?

Si vous disposez de peu de temps pour effectuer vos recherches, vous désirerez probablement des indications plutôt que des explications détaillées. Or, une fois son titre acheté, l’entreprise doit être surveillée de près. Le monde des affaires constitue un marché dynamique, en perpétuel changement. Par exemple, nous aimions le secteur de la vente au détail il y a un an, plus particulièrement les grands magasins à rayons. Plusieurs d’entre eux possédaient des actifs immobiliers attrayants, ce qui nous conférait une certaine marge de sécurité. Nous étions conscients toutefois de la forte tendance des ventes en ligne, et du fait qu’aux États-Unis, la quantité de surface de vente par rapport à la population s’avérait importante. Ces deux éléments constituaient des risques non négligeables.

Quelques trimestres plus tard, nous éprouvions de plus en plus de doutes face à la solidité des entreprises que nous convoitions. Comme ce scénario survient fréquemment, il serait hasardeux pour nous de déclarer qu’acheter un tel titre s’avère un incontournable, comme si les risques étaient absents. Par conséquent, une recommandation d’achat requiert un grand suivi. Faut-il par la suite vendre tout, ajouter ou réduire? Parfois, le processus complet se fait en 5 étapes ou plus, et suit notre raisonnement tout au long de la détention du titre.

Savoir quand vendre est essentiel, et un gestionnaire qui s’était exprimé pour l’achat d’un titre aura rarement la chance de recommander sa vente à temps. Parfois, il ne s’agira que d’une réduction, de disons 11% à 8% du portefeuille, pour se poursuivre avec une pondération de 8% à 6%, et finalement la vente. Nous nous retrouvons ici avec 4 étapes au total. Si le gestionnaire passait une entrevue à la télévision au moment de sa recommandation d’achat, quelles sont les chances de le revoir en entrevue ou ailleurs, au bon moment, afin de suivre les modifications qu’il apporte à la pondération de ce titre en particulier? Vos chances d’obtenir les mêmes rendements que lui s’avèrent bien minces.

Certes, dans certains cas, les modifications peuvent être disponibles à travers un communiqué, s’il s’agit d’une lettre financière ou d’un service approprié sur le net. Dans ce cas, l’investisseur bénéficie d’un meilleur suivi. Cependant, un autre élément vient entraver le bon fonctionnement de ce processus selon nous. Il s’agit du biais de confirmation.

Ce biais amène une personne à donner davantage de poids aux arguments supportant son hypothèse de départ, au détriment des autres qui jouent en sa défaveur. Ainsi, si un gestionnaire très suivi recommande la société X avec conviction, et qu’un grand nombre de personnes l’imitent, il risque de souhaiter ardemment que son idée aboutisse à un succès. Autrement dit, si un certain doute s’installe dans son esprit suite à la découverte d’une certaine information sur la société en question, il lui sera plus difficile de changer d’avis. Sa recommandation pourrait être perçue comme un échec, surtout si le titre a cédé du terrain depuis l’achat initial.

Par conséquent, le biais de confirmation l’amènera à rechercher des éléments confirmant ses hypothèses de départ, afin de le rassurer.

Soulignons que cela se produit probablement inconsciemment. Étant donné que le coût d’avoir tort est devenu très élevé, il vaut mieux laisser de côté nos petits doutes et exprimer plutôt une attitude positive. Cela crée alors une réaction tardive, et dans certains cas, des pertes plus élevées qu’elles ne l’auraient été autrement.

Un gestionnaire qui ne fait point mention d’un achat dans son portefeuille ne subira pas ce genre de pression. Il n’aime plus le titre «X» qu’il avait acheté à 25$, et qu’il espérait voir à 50$? Il peut le liquider à 26$, ou même à perte, sans craindre d’avoir à expliquer pourquoi il ressent moins de convictions par rapport à ses hypothèses de départ. Il demeure moins vulnérable au biais de confirmation, puisqu’il a peu à perdre s’il change d’avis.

C’est un peu pourquoi nous nous efforçons de donner des pistes, mais pas des recommandations. Nous savons fort bien que la déclaration d’une recommandation sans hésitation et avec conviction inspire beaucoup de confiance et ajoute une bonne dose de crédibilité en cas de succès. Nous voyons régulièrement ce genre de scénario. Évitez toutefois de tomber dans ce piège. Un professeur d’histoire du secondaire raconta jadis cette histoire pour enseigner à ses élèves une maxime très connue d’un grand philosophe :

Socrate demanda à un jeune : «Que sais-tu?». Ce dernier répondit : «Je ne sais rien». Socrate rétorqua : «Alors, tu sais tout».

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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