Élément à considérer dans l'évaluation de Valeant

Publié le 02/07/2016 à 11:39

Élément à considérer dans l'évaluation de Valeant

Publié le 02/07/2016 à 11:39

Lorsque l’on observe le comportement du prix d’un titre malmené en Bourse, on assiste parfois à des degrés de volatilité assez spectaculaire. Un jour, il chute de 15%. Le jour suivant, il peut rebondir à son prix précédent. Résultat? Si vous achetez au creux, vous raflez près de 18% de rendement en 24 heures. Bien des investisseurs sauteraient de joie à l’idée d’obtenir ce rendement sur une année!

Pourquoi cette volatilité devient-elle si grande pour certains titres? Est-ce uniquement dû aux changements importants dans les affaires courantes de l'entreprise? Pour répondre en bonne partie à la question, nous devons nous attarder au bilan.

Si vous suivez le titre Valeant (N.Y., VRX) depuis quelque temps (aux fins de simplification, nous utiliserons son prix à la Bourse de New York ainsi que tous les montants en dollars US), vous savez qu’il s'échange à moins de 10% de son sommet atteint sur les 52 dernières semaines. Étant donné ce qui se déroule présentement dans l’entreprise, le titre présente davantage de risques «connus» qu’il y a un an. Cependant, la valeur marchande s’est fortement effondrée, ce qui a peut-être créé une aubaine. Par conséquent, une nouvelle appréciation de l’équation risque/rendement doit être exécutée.

Suivre le titre de près au jour le jour peut facilement créer le mirage d’une aubaine extraordinaire. Lorsqu’un titre plonge de 30$ à 20$, l’envie de conclure à un rabais de 33% surgit dans notre esprit. Or, il s’agit d’une véritable aubaine ou d’une illusion?

Certes, si le titre ne fait que rebondir de 20$ à 30$, un gain de 50% est créé. Cette possibilité s’avère fort probable. Nous cherchons seulement à mettre la situation en perspective : la société présente un bilan lourdement endetté, à la hauteur de 30GUS$. C’est pourquoi nous utilisons fréquemment la valeur d’entreprise plutôt que la valeur boursière pour bien apprécier l’évaluation du titre.

Le prix réel à débourser

Actuellement, un gros acheteur qui désirerait s’emparer de la totalité de la société devrait débourser au moins 7G$US, soit la valeur présente en Bourse. Cependant, en sus de ce débours, l’acheteur s’engagerait à repayer les créanciers aux échéances prévues. Par conséquent, la facture totale s’élève plutôt à 37G$.

À 30$ par action, la valeur d’entreprise de Valeant atteignait 40,5G$. Après une dégringolade de 33% du titre, cette valeur céda moins de 9%. Comme on peut le constater, l’état du bilan influe significativement sur l’évaluation finale!

Un investisseur pourrait croire qu’il serait impensable de voir le titre aussi bas que 5$. Pourtant, à ce prix, la valeur d’entreprise ne baisserait qu’à 32G$, soit 14% plus bas. Peu importe l’importance de la chute, la dette de 30G$ ne s’effacera pas!

Rendus à ce point, la volatilité et le profil de risque du titre se comparent à ceux d’une option d’achat. Ce type de produit dérivé permet d’acheter un titre à un prix d’exercice fixé d’avance, jusqu’à la date d’échéance prévue.

Paieriez-vous 20$ pour avoir le droit d’acquérir les actions de Valeant à 0$, sans avoir à rembourser les 87$ de dette par action si cela tournait mal? Dans la présente situation, on pourrait considérer les actions de Valeant comme étant des options d’achat pour lesquels il faut payer une prime de 20$, avec un prix d’exercice de 0$ et sans date d’expiration. Comme il s’agit d’un droit d’acquisition, vous savez fort bien qu’il pourrait perdre facilement la totalité de sa valeur. Vous savez également qu’il détient un potentiel d’appréciation important en cas de scénario positif, puisque les options d’achat créent un effet levier. C’est pourquoi on retrouve une forte volatilité dans le prix de ce type de produit.

Cette comparaison avec les options est devenue possible, car la société est constituée en entité corporative : en cas de banqueroute, l’actionnaire n’est pas responsable de la dette. Si ce genre de comparaison vous semble obscure, ou même absurde, gardez simplement à l’esprit que pour toute société fortement endettée, la variation du prix en Bourse doit être mise dans son contexte. Ne vous laissez pas distraire par cette volatilité qui s’avère tout à fait normale lorsque l’on considère le bilan de l’entreprise.

Dans le cas de Valeant, nous nous retrouvons avec une dette par action qui s’élève à 87$. Par conséquent, en payant 20$ par action, un actionnaire estime que la société vaudra éventuellement plus de 107$ par action (valeur d’entreprise). Donc, il suffit que les investisseurs changent le moindrement leurs estimations pour soit faire exploser le titre, soit le faire dégringoler davantage.

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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