Bourse: ne vous faites pas piéger par les grandes tendances

Publié le 27/03/2017 à 11:05

Bourse: ne vous faites pas piéger par les grandes tendances

Publié le 27/03/2017 à 11:05

Il arrive fréquemment que la base d’un investissement soit fondée sur une grande tendance révolutionnaire, comme la venue de l’Internet vers la fin des années 90, l’arrivée des baby-boomers à la retraite, ou encore, la grande croissance de la production d’énergie propre. Un investisseur qui attache de l’importance à ces scénarios risque de payer trop cher pour ses titres, puisqu’il n’est pas seul à s’y intéresser.

En fait, pour un promoteur d’une société bénéficiant d’une de ces tendances, le discours de vente s’avère particulièrement facilité. Pas besoin de fournir de données trop précises par rapport à l’entreprise concernée: il suffit d’utiliser de gros chiffres que l’on prend dans l’industrie, et on extrapole sur les possibilités infinies qui s’offrent à nous.

C’est comme pour la loterie. On rêve de tout ce que l’on pourrait accomplir avec 50 millions de dollars, sans trop s’attarder sur les chances extrêmement faibles de rafler le gros lot. Nous ne nions pas que le gros lot sera bel et bien distribué à quelqu’un. La difficulté est plutôt à savoir si vous avez la moindre chance d’être l’heureux gagnant.

Or, dans d’autres cas, ces grandes tendances seront parfois ignorées, particulièrement lorsqu’elles s’avèrent négatives. Actuellement, la migration des ventes au détail des magasins physiques vers les plates-formes en ligne s’accentue.

Nous connaissions bien l’existence de ce facteur il y a quelques années. Nous avons cependant été étonnés de constater que même les produits que nous croyions à l’abri sont également affectés par la tendance. Par exemple, Bed Bath & Beyond (Nasdaq, BBBY) vend des articles pour la literie et la cuisine. Nous avions l’impression que les clients exigeaient de toucher ou voir des près ce genre de marchandise avant de l'acheter. Les ventes comparables (ventes par magasin ouvert depuis au moins un an) nous ont démontré que nous avions peut-être tort.

Mais pourquoi le secteur attire-il autant d’investisseurs recherchant les aubaines, malgré la tendance négative? Nous devons regarder du côté de l’immobilier. Plusieurs détaillants possèdent les immeubles abritant leurs magasins, constituant un potentiel fabuleux de création de valeur en cas de vente de ceux-ci. C’est le cas notamment de Macy’s (N.Y., M), Dillard’s (N.Y., DDS) et Sears Holdings (Nasdaq, SHLD). S’agit-il d’une marge de sécurité suffisante lorsque la valeur de l’immobilier surpasse la valeur boursière de l’entreprise?

Premièrement, un dollar qui dort dans un compte de banque ne vaut pas un dollar si vous n’y avez jamais accès. Donc, pour pouvoir miser sur cette valeur, la direction doit avoir l’intention de la réaliser dans un avenir proche. 

Deuxièmement, le cas échéant, un investisseur doit tenir compte du loyer à payer dès la vente conclue. En effet, l’un des grands avantages de détenir de l’immobilier, c’est de ne pas être locataire. Oublier le loyer à venir dans son évaluation constituerait une erreur.

Troisièmement, tout le secteur connaît un bouleversement et Amazon (Nasdaq, AMZN) ne cesse de gruger des parts de marché.

À lire sur le sujet, la chronique de Yannick Clérouin Ce phénomène qui menace certains de vos placements

Combien valent les immeubles d’un détaillant dans un secteur en déclin? Peut-on vraiment utiliser la valeur marchande des dernières années? Lorsqu’une grande chaîne ferme l’un de ses magasins dans un centre commercial, ce dernier perd de l’achalandage. Cela affecte du même coup les autres détaillants qui restent.

La marge de sécurité

On doit donc porter attention à toute marge de sécurité provenant d’un élément qui s’avère également affecté par la même tendance. Si vous misez sur l’immobilier d’un détaillant, assurez-vous que les acheteurs potentiels auront la possibilité de changer la vocation de l’immeuble à peu de frais. Dans le cas contraire, plus le secteur souffre, plus cette valeur sera affectée.

Un autre exemple pertinent: le secteur pétrolier. Acheter une pétrolière en misant sur les réserves en cas de baisse du prix du baril risque d’être fortement décevant. Lorsque le secteur connaît une mauvaise passe, il n’y a pas que les ventes qui soient touchées: les réserves aussi.

Le secteur de la vente au détail serait-il sur le point de rebondir? Selon un haut dirigeant de Macy’s, M. Lundgren, il existerait trop d’espace de vente au détail par citoyen aux États-Unis. Ces surfaces surpasseraient celles du Royaume-Uni et de la France par un facteur de 5,6 fois et 4,3 fois respectivement. Il pense qu’un grand nombre de magasins doivent fermer au pays! Toutefois, nous acquiesçons en partie seulement, puisque nous soupçonnons que ces ratios ont longtemps été plus élevés aux États-Unis, même lorsque le secteur jouissait d’une belle croissance.

Pour conclure, nous ne prévoyons pas la disparition des magasins physiques, mais nous demeurons conscients de la transformation profonde que subit le secteur. Certains détaillants ont déjà une longueur d’avance concernant les ventes en ligne. Par exemple, plus de la moitié des ventes de Williams-Sonoma (N.Y., WSM) s’effectuent par l'entremise du Web. Nous continuons de surveiller la situation avec intérêt, alors que de nombreuses sociétés du secteur se transigent à des prix que l’on voit rarement.

P.S.: Nous avons entendu parler de jeunes de 30 ans qui achetaient leur papier de toilette sur Amazon, et le faisaient livrer au travail. Comme chaque employé bénéficiait d’un espace prévu pour les livraisons de jour, nous avons réalisé plus que jamais la force de la tendance chez les jeunes générations!

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com


À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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