Comparons le défi de Bernanke avec le jeu Monopoly

Publié le 15/11/2010 à 09:30, mis à jour le 15/11/2010 à 08:09

Comparons le défi de Bernanke avec le jeu Monopoly

Publié le 15/11/2010 à 09:30, mis à jour le 15/11/2010 à 08:09

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Le président de la Fed aux États-Unis tente par tous les moyens de faire monter les prix. Pour y arriver, il imprime de la monnaie, qui sert normalement à acheter de la dette américaine. Il en résulte une injection d'argent dans l'économie. Cette tactique pose certains problèmes d'interprétation chez les investisseurs. Certains confondent ''dépenses du gouvernement (qui est une dépense réelle)'' et ''impression d'argent''.

Pour mieux comprendre la stratégie de Bernanke, on peut établir un parallèle avec le jeu Monopoly. Admettons que le banquier du jeu décide du montant à allouer chaque fois qu'un joueur passe ''GO''. La version traditionnelle prévoit 200$, et le terrain le plus cher s'avère la Promenade, à 400$.

Or, laissons le droit aux joueurs de négocier le prix des terrains. Quant au banquier, il souhaite faire augmenter le prix de ces terrains afin de créer de l'inflation, mais personne n'achète. Tous les joueurs conservent leurs liquidités. Le banquier se dit alors que peut-être que les joueurs attendent d'avoir davantage d'argent avant d'acheter. Il élève donc le montant payé à ''GO'' à 500$. Verser plus d'argent est un jeu d'enfant pour le banquier : c'est lui-même qui fabrique ses propres billets!

Cependant, aucune réaction : les joueurs ne veulent pas risquer leur argent en achetant des terrains, puisqu'ils sont incertains de leurs valeurs futures.  Le banquier va donc plus loin en octroyant 5000$ pour tous les passages à ''GO''. Et les joueurs encaissent de gros montants. L'argent s'accumule. Ils ont des grosses piles de monnaie devant eux.

Que risque-t-il de se passer si les joueurs décident tout à coup d'acheter? Ils auront tellement d'argent que les enchères seront énormes. Peut-être que La Promenade sera acquise au coût de 100 000$, alors que le prix initial était fixé à 400$. Si tout le monde détient 1 million de dollars, une surenchère de tous les terrains s'avère inévitable, puisque le prix de ceux-ci doit augmenter afin d'équilibrer l'offre et la demande.

Lorsque Bernanke décide d'acheter de la dette américaine en imprimant des billets, le pays se retrouve avec davantage de liquidités. Tant et aussi longtemps que les investisseurs détenant ces masses colossales de liquidités ne bougent point, l'effet demeure bénin. Cependant, la confiance envers les marchés reviendra tôt ou tard. Un problème tout aussi grave pourrait alors survenir : une inflation difficile à contrôler.

C'est pourquoi le président de la fed doit demeurer prudent, en tentant de contenir la déflation en utilisant le moins de liquidités possibles. Il ne sait pas quand la tendance se renversera.

Le jeu de Monopoly possède un avantage par rapport à la Fed : le salaire gagné au passage à ''GO'' est fixé par le banquier (dans notre version flexible du jeu). Or, dans la réalité, les salariés demanderont toujours plus d'argent si l'inflation grimpe, ce qui pourrait créer ce que l'on appelle une ''spirale inflationniste", ou encore, une ''inflation galopante''. C'est donc tout un défi pour M. Bernanke!

P.S.: dans l'exemple de la Promenade, M. Bernanke souhaiterait probablement qu'elle se transige à 500$ au lieu de 400$, mais certainement pas à 100 000$. S'il existait un remède miracle pour créer de l'inflation modérée, il l'utiliserait sur-le-champ.

 

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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