Wells Fargo: une sanction sévère, mais pleinement méritée

Publié le 31/10/2016 à 12:11

Wells Fargo: une sanction sévère, mais pleinement méritée

Publié le 31/10/2016 à 12:11

John Stumpf, ex-PDG de Wells Fargo, lors de son passage devant le Congrès. Photo: Bloomberg

Par Claude Garcia

Dans la chronique Le pire ennemi des titres bancaires publiée le 22 octobre, Yannick Clérouin soutient que le PDG de Wells Fargo, John Stumpf, a perdu son emploi à la suite du scandale des comptes fictifs ouverts au nom de clients à leur insu, pour apaiser certains politiciens à Washington. Compte tenu de la bonne performance boursière de la Banque sous son leadership, le chroniqueur estime que le châtiment reçu était exagéré.

Je ne partage pas son opinion en raison de l’ampleur du scandale et de la façon dont le conseil d’administration, également présidé par monsieur Stumpf, a géré cette crise.

La création de plus de deux millions de faux comptes pour les clients existants de la Banque aurait débuté en 2011 pour se poursuivre jusqu’à tout récemment. Est-il possible que les dirigeants de l'institution n’aient pas été au courant de cette pratique?

Bien entendu, on ne peut exiger d’un dirigeant d’une entreprise importante comme Wells Fargo qu’il soit responsable de tous les gestes posés au quotidien par les employés ou les clients. On s’attend toutefois à ce qu’il s’assure que la banque mette en place des contrôles qui découragent les pratiques frauduleuses et permettent de les détecter, le cas échéant.

À consulter également: Vidéo: Wells Fargo, une réaction exagérée des marchés, dit François Rochon

Les bonnes pratiques suggèrent quatre niveaux de contrôle pour une institution de la taille de Wells Fargo:

- des contrôles internes sous la responsabilité du chef de la direction financière;

- une équipe d’audit interne dont le plan de travail est soumis pour approbation au comité d’audit du conseil d’administration;

- une firme d’audit externe qui fait le travail nécessaire pour certifier que les états financiers sont dressés en respectant les règles comptables;

- un mécanisme anonyme qui permet à un employé, à un client ou à un fournisseur de dénoncer une pratique répréhensible.

Est-il possible que l’ouverture frauduleuse de plus de deux millions de nouveaux comptes sur une période de cinq ans pour les clients de la banque ait échappé à tous ces contrôles?

Aucun des clients visés par cette fraude n’aurait jugé bon de se plaindre? Aucun des employés forcés d’ouvrir ces comptes frauduleux ne se serait plaint à un employé de la direction des ressources humaines?

Comment explique-t-on alors la déclaration de la banque à l’effet que plus de 5300 employés ont été remerciés au cours de cette période de cinq ans pour s’être adonnés à cette pratique frauduleuse? Comment explique-t-on que d’anciens employés de Wells Fargo aient entrepris un recours collectif en alléguant qu’ils ont été congédiés pour avoir refusé de se prêter à ces tactiques abusives de vente?

Toutes ces questions soulèvent des doutes sur la vigilance des dirigeants de Wells Fargo.

Ce n’est pas leur seule faute toutefois. Lors de la crise financière de 2008, les grandes banques américaines, y compris Wells Fargo, ont promis que leurs dirigeants ne pourraient garder leurs bonis substantiels s’ils résultaient de pratiques répréhensibles.

Or, le conseil d’administration de Wells Fargo a permis à la dirigeante de la division responsable de la création des comptes fictifs de prendre sa retraite sans prélever quoi que ce soit du magot de 125 millions en actions et en options de Wells Fargo qu’elle avait accumulé jusque-là.

On l’avait récompensée, dans le passé, pour son habilité à convaincre les clients d’ouvrir de nombreux comptes auprès de la banque. On lui a permis de bénéficier personnellement de la création, sous sa gouverne, de ces comptes fictifs en dépit de la promesse solennelle faite huit années plus tôt de sanctionner tout geste répréhensible d’un dirigeant.

Monsieur Stumpf, en tant que principal gestionnaire, ne s’est pas assuré de mettre en place les contrôles nécessaires pour décourager les pratiques frauduleuses et n’a pas respecté, en tant que premier responsable, la promesse solennelle faite au Congrès lors de la crise financière. Selon moi, la sanction est certes sévère, mais pleinement méritée.

Claude Garcia est administrateur de sociétés. De juin 1993 à décembre 2004, il a été président, opérations canadiennes de la Compagnie d’Assurance Standard Life.

À propos de ce blogue

La rédaction de Les Affaires réserve cet espace aux lecteurs qui voudraient réagir aux textes d’opinions et d’analyse publiés sur son site internet par ses chroniqueurs et ses experts invités. Seuls les textes respectueux et clairement argumentées seront considérés. Les propos tenus dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Les personnes souhaitant publier une lettre d’opinion dans la rubrique Forum sont invitées à soumettre leur texte à redactionlesaffaires@groupecontex.ca