Voici comment bien voter !


Édition du 08 Septembre 2018

Voici comment bien voter !


Édition du 08 Septembre 2018

Comment, donc, voter pour la bonne personne, celle qui adoptera une politique à la fois judicieuse et audacieuse, en droite ligne avec vos valeurs les plus profondes? [Photo : 123RF]

Jamais les Québécois n'ont été aussi incertains à l'amorce d'une campagne électorale : 45 % des électeurs admettent n'avoir qu'une « vague idée » du candidat pour lequel ils vont voter et jugent « probable » la possibilité de changer d'avis au cours des prochaines semaines, selon un récent sondage Léger-Le Journal de Montréal-LCN. Oui, vous avez bien lu : près de 1 Québécois sur 2 ne sait pas encore à qui il accordera son vote le 1er octobre !

Pas étonnant, dès lors, que la Boussole électorale de Radio-Canada connaisse un tel engouement : à peine 24 heures après le déclenchement de la campagne électorale, près de 45 000 personnes s'en étaient servie. C'est que celle-ci permet à chaque électeur indécis de voir dans quelle mesure ses idées correspondent à celles des différents partis politiques en lice, et par suite, d'identifier celui avec lequel il a le plus d'affinités idéologiques. Et ce, quitte à avoir un sacré choc en découvrant que ses valeurs correspondent, en fin de compte, à un autre parti que pour celui auquel il donne habituellement son vote, ce qui arrive, paraît-il, assez souvent...

Une vague d'indécis ? Une Boussole électorale qui déboussole plus qu'autre chose ? Comment, diable, s'y retrouver dans cette élection ? Comment, donc, voter pour la bonne personne, celle qui adoptera une politique à la fois judicieuse et audacieuse, en droite ligne avec vos valeurs les plus profondes ?

Tenez-vous bien, je vais vous le dire. Si, si... tout simplement grâce aux traits dominants de votre quotidien. Explication.

Christoph Arndt est professeur de science politique à l'Université d'Aarhus, au Danemark, tout comme l'est Line Rennwald, à l'Institut universitaire européen de Florence, en Italie. Ensemble, ils ont regardé si le lieu où l'on travaille avait la moindre incidence sur nos idées politiques. Ils ont fouillé dans une mine de données à ce sujet concernant 16 pays, et ont déniché une constante renversante : plus la taille de la PME dans laquelle on travaille est petite, plus les chances sont grandes qu'on soit de droite, et ce, sachant que l'absence de syndicat est un facteur amplificateur de ce phénomène.

Prenons des exemples purement fictifs. Vous travaillez dans la maçonnerie, au sein d'une firme d'une vingtaine d'employés. Les chances sont fortes que vous ayez déjà entendu des propos du genre « Les chômeurs ? Des parasites ! » et autres « Un bon boss, c'est un boss qui met ses culottes, qui commande et contrôle » - vous les avez peut-être même prononcés vous-même, à l'occasion. Ou encore, vous travaillez dans une chaîne de supermarchés santé de quelque 600 employés, et il vous est arrivé d'entendre des choses comme « Le chômage ? Quoi de pire à vivre comme expérience ? » ou « Un bon boss, c'est un boss à l'écoute de ses employés, qui n'a pas d'idées arrêtées », voire de les dire vous-même. Et tout ça, mine de rien, vous influence idéologiquement...

Autrement dit, regardez la taille de votre entreprise actuelle, et vous aurez d'ores et déjà une bonne idée du côté vers lequel vous penchez inconsciemment.

Allons plus loin, maintenant. Marianne Bertrand est professeure d'économie à l'École de commerce Booth de l'Université de Chicago. Avec son collègue Emir Kamenica, celle qui est régulièrement pressentie pour le « prix Nobel » d'économie a récemment découvert que « nous sommes ce que nous consommons » et, donc, qu'il suffit de scruter notre panier d'épicerie pour savoir si l'on est de droite ou de gauche.

Les deux chercheurs ont noté que la polarisation politique était plus forte que jamais aux États-Unis, et ont eu la drôle d'idée de regarder si celle-ci se retrouvait également dans les habitudes de consommation. C'est comme ça qu'ils ont vu que certains achats permettaient à l'algorithme qu'ils ont concocté de prédire, parfois avec une certitude de 90 %, le penchant idéologique de l'acheteur.

Par exemple, s'il vous arrive d'acheter du matériel de chasse et pêche, si vous vous servez systématiquement de vinaigrette achetée toute prête, si vous avez un faible pour le pain congelé et si vous ne jurez que par l'automobile pour vous déplacer, les chances sont très élevées que vous soyez franchement de droite. En revanche, si vous n'avez aucun véhicule motorisé, si vous aimez flâner dans les librairies, si vous vous passez aisément d'alcool et si vous ne vous servez jamais d'assiettes et d'ustensiles jetables, il est presque certain que vous êtes franchement de gauche.

Pareillement, vous adorez regarder les sports virils à la télévision, comme les courses automobiles et le hockey, et vous zappez les émissions humoristiques : vous pouvez gager sur le fait que vous penchez à droite. Inversement, vous n'arrivez pas à décrocher d'une série télévisée riche en psychologie et vous appréciez vous plonger dans des magazines qui amènent à réfléchir : ni une ni deux, vous êtes de gauche.

Criant de vérité, n'est-ce pas ? Analysez à présent vos propres habitudes de consommation, et vous verrez sûrement plus clair en vous-même : non seulement vous saurez si vous êtes plutôt d'un bord que l'autre, mais aussi vous retrouverez le bon cap, celui qui vous permettra de faire le bon choix, une fois dans l'isoloir. Et, surtout, vous ne voterez plus jamais en fonction de critères « niaiseux » comme la prestance du candidat, ou encore l'éclat de son sourire (ne rougissez pas, ça m'est arrivé à moi aussi, je l'avoue...).

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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