Les pauvres, plus intelligents que les riches ?


Édition du 09 Mars 2016

Les pauvres, plus intelligents que les riches ?


Édition du 09 Mars 2016

Ce sont à présent 30% des Québécois qui souffrent de la pauvreté. Photo: DR

La pauvreté est souvent déterminée à partir du revenu. Mais cela reflète-t-il vraiment la réalité ? Il semble que non : nous savons tous aujourd'hui que nombre de salariés fréquentent régulièrement les banques alimentaires...

D'où l'idée de considérer la pauvreté plutôt comme la difficulté à satisfaire un besoin essentiel (ne pas réussir à payer une facture à temps, ne pas pouvoir manger au moins un fruit frais par jour, etc.). Que constate-t-on dès lors ? Tenez-vous bien, une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) montre que... 30 % des Québécois en sont réduits à se serrer la ceinture!

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Les pauvres sont surtout incapables de régler une dépense imprévue de 500 $ (18%), de remplacer un meuble désuet (18%) et d'aller chez le dentiste (12%). Il leur est également difficile de disposer d'une petite somme d'argent à dépenser pour se faire plaisir, ou encore de faire réparer un appareil ménager brisé.

Qui sont-ils, au juste ? Les profils sont variés, bien entendu, néanmoins certains traits sont plus fréquents que d'autres : leur portrait-robot correspond à une femme célibataire dans la trentaine sans diplôme universitaire ni emploi stable. Pour pallier leur manque chronique d'argent, les pauvres recourent à trois stratégies mutuellement exclusives, d'après une autre étude de l'ISQ :

> ils demandent de l'argent à un ami ou à leur famille (35%) ;

> ils vendent un bien ou s'endettent (28%) ;

> ils font appel aux services d'un organisme de bienfaisance (14%).

Autrement dit, leur premier réflexe est de solliciter l'aide de leurs proches et, si cela ne fonctionne pas, de recourir à celle de vagues connaissances disposées à faire affaire avec eux.

Un simple calcul logique

On pourrait croire qu'en être réduit à de telles extrémités fragilise une personne : il suffit d'avoir le malheur de demander de l'aide à une personne peu fréquentable pour se retrouver dans le pétrin. C'est ce que je croyais jusqu'à ce que je tombe sur une étude signée par Anuj Shah, professeur de science du comportement de la Chicago Booth Business School. Bien au contraire, le fait de souffrir de privations affûte l'intelligence en matière de finance...

Surpris ? Parfait, je vous invite à faire un petit test pour constater combien c'est vrai!

Imaginez qu'un vendeur vous propose une tablette numérique à 300 $, et qu'il vous indique - par gentillesse - que vous pourriez l'obtenir avec un rabais de 50 $ dans un autre magasin de la même chaîne qui se trouve à 10 minutes de marche de là. Iriez-vous à l'autre magasin ? Il y a de fortes probabilités que vous répondiez oui.

Maintenant, imaginez que la tablette coûte 1 000 $. Marcheriez-vous 10 minutes pour économiser 50 $ ? Vous hésitez, n'est-ce pas?

Rassurez-vous, c'est normal. M. Shah soumet souvent ses étudiants du MBA à ce test, et ils disent non la seconde fois. Pourtant, c'est là une réponse irrationnelle. Car, si vous avez estimé les 10 minutes à 50 $ la première fois, il est absurde de ne pas le faire la seconde fois aussi.

Votre erreur vient du fait que vous avez réfléchi en fonction de la valeur de la tablette, qui n'a rien à voir dans le calcul. Une bévue que ne commettent pas les pauvres, qui comparent plutôt les 50 $ à un panier d'épicerie ou à un plein d'essence.

D'où l'idée de M. Shah de venir en aide aux pauvres en faisant appel à leur intelligence financière. Exemple : pour leur éviter de sombrer dans la spirale de l'endettement, il faudrait rendre obligatoire l'indication du montant auquel s'élève, mois après mois, un prêt, plutôt que celle d'un vague pourcentage qui ne signifie rien de concret. Une idée qui gagnerait à germer sur la Colline parlementaire...

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire, en alternance dans Les Affaires et sur lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

À propos de ce blogue

ESPRESSONOMIE est le blogue économique d'Olivier Schmouker. Sa mission : éclairer l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui. Ce blogue hebdomadaire présente la particularité d'être publié en alternance dans le journal Les affaires (papier/iPad) et sur Lesaffaires.com. Olivier Schmouker est chroniqueur pour Les affaires et conférencier.

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