Les entreprises les plus admirées payent-elles mieux que les autres?

Publié le 22/10/2018 à 06:06

Les entreprises les plus admirées payent-elles mieux que les autres?

Publié le 22/10/2018 à 06:06

Travailler pour l'entreprise de ses rêves. Oui, mais à quel prix? Photo: DR

Apple, Amazon, Walt Disney... Certaines entreprises font rêver, à tel point que nombre d’entre nous serions prêts à tout quitter du jour au lendemain pour avoir la possibilité de développer nos talents en leur sein. Pas vrai ?

Pourquoi font-elles tant rêver ? Parce que nous nous disons intuitivement qu’elles ont tout pour rendre heureux au travail :

– Où vont les plus grands talents d’aujourd’hui ? Chez elles.

– Où peut-on le mieux exprimer sa créativité ? Chez elles.

– Où peut-on avoir la chance de travailler sur un produit ou un service qui changera la donne ? Chez elles.

– Où gagne-t-on les salaires les plus intéressants ? Hum… Minute. Est-ce vraiment chez elles, d’après vous ? Vérifions ça ensemble avant de nous montrer affirmatifs sur ce point…

Le cabinet-conseil Korn Ferry fournit les données brutes qui permettent au magazine américain Fortune de dresser son palmarès annuel des entreprises les plus admirées dans le monde. Or, ses experts ont été récemment intrigués par l’une des catégories de données, celle des salaires. Ils ont en effet noté, à la volée, que les entreprises les moins admirées du palmarès de 2018 semblaient payer de plus hauts salaires que celles qui étaient les plus admirées !

Ni une ni deux, ils ont tenu à vérifier cette bizarrerie. Ce qui leur a permis de découvrir ceci, à propos des entreprises américaines :

>  D’emblée, 5% de moins. Les nouveaux diplômés qui sont recrutés à des postes juniors par les entreprises les plus admirées touchent un salaire annuel moyen de 41.771 $ US (54.424 $), lequel est 5% inférieur à ce que payent les entreprises les moins admirées.

> Aucune différence par la suite (à l’exception des managers séniors). Pour toutes les autres catégories d’emploi (professionnel junior, professionnel sénior,…), il n’y a quasiment pas de différence de salaires entre les entreprises les plus admirées et celles qui le sont le moins. Sauf pour les managers séniors qui, eux, touchent en général 6% de plus dans les entreprises les plus admirées.

Autrement dit, les entreprises les plus admirées ne payent pas plus que celles qui sont les moins admirées. Il leur arrive même de payer moins, en tous cas pour les jeunes en début de carrière.

«Quand on y pense, c’est logique, dit Mark Royal, directeur principal, du bureau de Korn Ferry établi à Chicago (Etats-Unis). Ceux qui entrent sur le marché de l’emploi sont moins regardants que d’autres en matière de salaire, se disant sûrement que l’important c’est non seulement d’œuvrer au sein d’une entreprise que tout le monde admire, y compris leurs proches, mais aussi d’être ainsi en mesure de mettre une référence en béton sur leur CV.»

«À cela s’ajoute le fait que ceux qui progressent au sein d’une même entreprise des plus admirées voient leur salaire rejoindre celui des autres entreprises, poursuit son collègue et associé Tom McMullen. En conséquence, il suffit de vite grimper dans la hiérarchie – ou plutôt, de vite assumer davantage de responsabilités – pour être payé tout autant qu’ailleurs ; avec ceci de plus qu’on a plus de chances de triper là au quotidien que dans d’autres entreprises.»

Il est vrai que de nos jours le salaire n’est plus aussi fondamental qu’auparavant. Ce qui attire vraiment les talents, c’est maintenant deux choses : la mission et la culture de l’entreprise. Du moins, si l’on en croit les travaux de Kathryn Shaw, professeure d’économie à l’Université Stanford : «Aux yeux des milléniaux [les 18-34 ans], la priorité des priorités au travail, c’est l’épanouissement personnel et collectif dans un écosystème bienveillant, note-t-elle. Voilà pourquoi le salaire est, pour nombre d’entre eux, un critère secondaire lors du choix d’un employeur. D’ailleurs, on voit de plus en plus de diplômés prêts à sabrer dans leurs prétentions salariales pour pouvoir œuvrer dans l’entreprise de leurs rêves.»

Bref, les entreprises les plus admirées peuvent se permettre de rémunérer moins que les autres. Car elles savent bien que le salaire n’est pas le secret qui permet de s’illustrer dans la guerre actuelle des talents. Non, la clé, c’est l’enthousiasme, leur capacité à faire preuve de ce que les Grecs appelaient ἐνθουσιασμός (enthousiasmós), c’est-à-dire à procurer à autrui la sensation de toucher le divin, de se sentir inspiré par les dieux, et donc, de tutoyer en permanence la félicité. Ni plus ni moins.

En passant, l’industriel américain Henry Ford aimait à dire : «L’enthousiasme est à la base de tout progrès».

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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