Leaders, voici ce que l'IA va changer pour vous!

Publié le 07/11/2018 à 10:30

Leaders, voici ce que l'IA va changer pour vous!

Publié le 07/11/2018 à 10:30

Il va falloir repenser le leadership de A à Z... Photo: DR

J’espère que je ne vous apprend rien en vous disant que l’intelligence artificielle (IA) façonne d’ores et déjà votre quotidien. Les recommandations qui vous sont faites sur Netflix, Spotify et autres Amazon, c’est l’IA. Les alertes de votre banque concernant la possibilité que quelqu’un vienne de faire une utilisation frauduleuse de votre carte bancaire, c’est encore l’IA. Vos interactions avec un centre d’appels, c’est encore et toujours l’IA.

Tout ça n’est qu’un début, j’imagine que vous en avez bien conscience. L’IA est clairement appelée à interférer dans tous nos contacts avec l’écosystème dans lequel nous évoluons, dans tous les domaines possibles et imaginables. Et ce, y compris au travail, pour ne pas dire surtout au travail.

«C’est bien simple, ceux qui veulent espérer avoir du travail demain doivent se faire à l’idée le plus vite possible que ça ne leur sera possible qu’à condition d’œuvrer avec l’IA. Sans quoi, ils sont voués au chômage plus tôt qu’ils ne croient…», a lancé John Boudreau, professeur de management à l’Université de Californie du Sud à Los Angeles (Etats-Unis), lors de l’événement Congrès RH 2018.

Et d’ajouter : «Ceux-là verront même leur productivité progresser de manière exponentielle, oui, exponentielle, je pèse mes mots. Contrairement aux autres qui, eux, se retrouveront sur le bas-côté…»

Autrement dit, le risque est grand de bientôt voir apparaître une classe ultra minoritaire de travailleurs dignes des stakhanovistes d’antan, qui iront de record en record en termes de production, et une classe ultra majoritaire de sans-emploi. «À moins, bien entendu, que les RH ne s’intéressent sans tarder à l’IA, et à travers elles, les dirigeants d’entreprise», a-t-il souligné.

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C’est que M. Boudreau vient tout juste de lancer un livre intitulé Reinventing jobs – A 4-step approach for applying automation to work (Harvard Business Review Press, 2018), cosigné avec Ravin Jesuthasan, directeur général, du cabinet-conseil Willis Towers Watson. Et celui-ci donne des pistes à explorer pour qui entend perdurer demain dans son milieu professionnel, en particulier pour les leaders, soit ceux et celles qui jouent un rôle pivot au sein de leur organisation. Regardons ça ensemble…

Sur le scène du Palais des Congrès de Montréal, MM. Boudreau et Jesuthasan ont expliqué que l’IA allait avant tout changer les tâches des leaders, à tel point qu’il leur fallait dès à présent repenser leur travail. Le professeur a pris les médecins en guise d’exemple :

«Un nombre croissant d’entre eux font appel aux services de Watson [une IA conçue par IBM qui est devenue célèbre en 2011 lorsqu’elle a pulvérisé les meilleurs champions du jeu télévisé Jeopardy! et qui, depuis, s’intéresse à de tout nouveaux champs d’expertise], a-t-il dit. Pour faire quoi? Pour les aider dans leurs diagnostics, vu que l’IA est toujours à la fine pointe de l’information dans le domaine qui les intéresse et qu’elle est capable de déceler des signaux faibles qui peuvent leur échapper dans, par exemple, la lecture des documents médicaux du patient considéré.»

Dans le même ordre d’idées, les leaders d’aujourd’hui et de demain vont devoir abandonner certaines tâches pour en adopter de nouvelles, qu’ils le veuillent ou non. D’après les deux auteurs, les changements qui vont s’imposer seront les suivants :

– De boss à coach. Jusqu’à présent, le leader devait planifier et répartir le travail ; bientôt, il lui faudra déconstruire, redéployer et reconstruire le travail. Ainsi, il est appelé à ne plus être l’organisateur en chef du travail, et à devenir le concepteur en chef du travail. Il va arrêter de commander et contrôler pour commencer à comprendre, conseiller et soutenir. Il ne sera plus un «boss», mais un «coach».

– De linéaire à circulaire. Jusqu’à présent, le leader était en mode «apprendre, faire, partir à la retraite» ; bientôt, il sera en mode «apprendre, faire, apprendre, faire, relaxer, apprendre,…» Ainsi, sa carrière ne sera plus linéaire et prévisible, mais circulaire et imprévisible, la clé du succès devenant la capacité à se ressourcer sans cesse sur le plan professionnel.

– Des compétences à l’intelligence. Jusqu’à présent, le leader ne jurait que par ses compétences propres pour remplir les missions qui lui était confiées ; bientôt, il devra plutôt miser sur son intelligence, à savoir – c’est là sa véritable définition – sa capacité d’adaptation à l’inconnu. À noter que cela va au-delà de l’agilité dont on parle tant, ces derniers temps : l’intelligence est plus que la souplesse mentale, c’est la faculté que chacun de nous a de s’adapter avec brio à une situation nouvelle, et donc, à trouver des solutions inédites au lieu de recourir à des solutions éprouvées – et fort souvent erronées – face à l’imprévu.

– Des salaires aux rémunérations hétéroclites. Jusqu’à présent, le leader payait et retenait à lui ses employés à l’aide de salaires adaptés à sa capacité de financement ; bientôt, il va lui falloir faire du sur-mesure en matière de rémunération. L’argent ne sera plus l’argument premier, mais seulement l’un des éléments permettant de motiver chacun à donner son 110% dans les tâches qu’il aura accepté d’assumer, parmi d’autres comme la flexibilité des horaires, les congés et les avantages sociaux.

– De la liste de tâches à la panoplie de talents. Jusqu’à présent, le leader confiait à chacun une liste de tâches à mener à bien dans son quotidien au travail ; bientôt, il devra veiller à ce que chacun puisse exprimer au mieux ses talents propres dans le cadre de la mission collective à remplir. Il devrait ainsi sans cesse reconfigurer le travail en fonction des gens, et non plus faire l’inverse, comme nous en avions pris l’habitude depuis le taylorisme du 20e siècle.

– De la carrière à l’épanouissement. Jusqu’à présent, le leader s’arrangeait pour que les meilleurs éléments de son équipe aient une carrière intéressante ; bientôt, il devra plutôt se soucier de l’efficacité et du bonheur de chacun au travail. Il devra arrêter de se servir des primes financières et de promesses de promotion en guise de carottes pour privilégier une toute autre approche de la motivation, basée, elle, sur ce qui pousse intrinsèquement l’être humain à fournir de vrais efforts (le sentiment d’œuvrer pour une grande cause, le plaisir d’exprimer un talent qui nous est cher, etc.).

Voilà. L’IA va carrément changer le leadership. Nombre de leaders d’aujourd’hui, arrêtés sur les idées du 20e siècle, seront les losers de demain. Quant aux autres, ceux qui auront saisi que l’IA est en train de nous forcer à entrer dans la toute nouvelle ère du 21e siècle, eh bien, l’avenir va leur sourire. Indubitablement.

Maintenant, à vous de voir si vous voulez embarquer, ou pas. Si tel est le cas, je vous invite fortement à méditer chacun des points relevés par MM. Boudreau et Jesuthasan, puis à les creuser autant que possible, par vous-même ou en vous plongeant dans leur livre.

En passant, c’est Étienne Daho qui chantait dans Des heures hindoues : «Je sais enfin que demain nous appartient».

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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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