Le meilleur investissement qui soit: vous-même!

Publié le 25/09/2017 à 06:06, mis à jour le 25/09/2017 à 06:27

Le meilleur investissement qui soit: vous-même!

Publié le 25/09/2017 à 06:06, mis à jour le 25/09/2017 à 06:27

Georges St-Pierre est l'incarnation vivante de ce que soutenait Gary Becker... Photo: DR

«Quand j'ai commencé à avoir du succès, au lieu de dépenser mon argent dans des produits de luxe qui, au fond, ont un impact relativement faible sur la qualité de vie, j'ai pris cet argent et j'ai investi en moi.» Qui parle ainsi ? Georges St-Pierre (GSP), lors d'une entrevue accordée à l'animateur Justin Kingsley dans le cadre de l'événement C2 Montréal qui s'est tenu en mai dernier à l'Arsenal. L'ex-champion du monde UFC d'arts martiaux mixtes (MMA), quatre années après avoir décroché alors qu'il était au sommet de la gloire, va revenir dans l'octogone le 4 novembre au Madison Square Garden de New York pour affronter Michael Bisping, le champion actuel des poids moyens.

Autrement dit, dès qu'il a commencé à gagner de l'argent, GSP ne l'a pas dilapidé, mais placé... dans lui ! Il a estimé que l'investissement financier le plus payant pour lui était de miser sur sa propre personne (par exemple, en voyageant pour apprendre de maîtres à l'étranger). Un pari gagnant, puisqu'il est carrément devenu une légende vivante des MMA, mais un pari qui soulève l'interrogation suivante : ferions-nous bien, nous aussi, de miser à fond sur nous-mêmes ?

Gary Becker, le prix Nobel d'économie de 1992, a concocté la théorie du capital humain en 1964. Il définit celui-ci comme «l'ensemble des capacités productives qu'un individu acquiert par accumulation de connaissances générales et spécifiques, de savoir-faire, etc.». Ainsi, chacun de nous dispose d'un «capital» propre qu'il peut faire fructifier à condition d'investir régulièrement en lui, par exemple sous la forme d'un cours sur le branding ou d'un MBA en big data et intelligence d'affaires.

Une telle décision nécessite de faire un calcul économique par lequel nous évaluons le «rendement marginal» associé au programme de formation envisagé. Il s'agit de comparer le gain financier potentiel que peuvent procurer les nouvelles connaissances acquises aux coûts qui sont liés au programme directement (ex. : les frais d'inscription) et indirectement (ex. : le «coût d'opportunité», qui correspond ici aux longues heures passées à étudier sans être payé, souvent au détriment de la vie privée, comme peuvent en témoigner nombre de titulaires d'un MBA). Une fois toutes ces variables bien soupesées, il devient possible d'évaluer si le programme de formation considéré sera à même d'enrichir notre capital humain, ou au contraire, de lui nuire.

On le voit bien, ce calcul-là est loin d'être aisé. C'est qu'il repose sur deux postulats forts :

1. Rationalité. La personne concernée doit être capable d'effectuer un choix en s'appuyant sur une réflexion purement rationnelle. Ce qui, en vérité, n'est jamais évident, car il y a toujours une part d'irrationnalité dans nos décisions. Par exemple, l'individu qui rêve depuis des années de se lancer en quête d'un MBA aura tendance, le moment venu, à minimiser les répercussions immédiates sur sa vie privée, ce qui faussera son évaluation du coût d'opportunité.

2. Rentabilité. La décision en question doit procurer un réel enrichissement du capital humain, en ce sens qu'elle doit permettre à l'individu de gagner en productivité et, par suite, en rentabilité. Ce qui, une fois de plus, n'est jamais évident, car toute nouvelle connaissance n'a pas nécessairement un tel impact direct. Par exemple, il peut arriver qu'un employé apprenne l'espagnol sans en tirer le moindre profit tangible pour l'évolution à court terme de sa carrière.

Rationalité et rentabilité, donc. Les deux piliers fondamentaux du capital humain. Le hic, c'est que la plupart des gens nous n'ont aucune conscience de leur existence, si bien qu'ils en viennent à faire des choix désastreux pour eux-mêmes, voire pour toute la société, à leur insu...

Au Québec, la moitié de la population a pour habitude de boire régulièrement des boissons gazeuses, et la proportion va en s'accroissant dans les nouvelles générations : 80 % des 15-17 ans boivent régulièrement non seulement des boissons gazeuses, mais aussi d'autres boissons hyper sucrées, comme des boissons énergisantes, selon les données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Or, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise d'y mettre le holà puisque «leur consommation excessive est associée au diabète, aux maladies cardiovasculaires et à l'obésité».

De la même manière, l'OMS considère la sédentarité comme le quatrième facteur de risque de mortalité. Pourtant, le tiers des Québécois ne s'adonne à aucune activité physique digne de ce nom. Quant aux 15-17 ans, ils sont aujourd'hui moins de trois sur cinq à pratiquer un sport, une habitude qui se perd à la vitesse grand V à mesure qu'on prend de l'âge, d'après une étude de l'ISQ.

Bref, les Québécois, et en particulier les jeunes, sont en train de griller leur capital humain en ruinant leur santé et leur avenir. Et ce, faute d'avoir saisi que leur être - individuel comme collectif - ne demande qu'à croître et à s'épanouir en déployant tout son potentiel. Ce que GSP a compris très tôt, sans même connaître la pensée de l'économiste américain.

Le meilleur investissement qui soit n'est par conséquent nullement l'achat d'une copropriété neuve ou d'un fonds prometteur, mais bel et bien le développement de votre corps et de votre esprit. «Investir en soi tout au long de sa vie, tel est le secret de la véritable richesse», disait d'ailleurs Gary Becker.

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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