La clé d'une relève réussie? Le capital émotionnel!

Publié le 23/10/2017 à 08:47, mis à jour le 10/06/2019 à 14:07

La clé d'une relève réussie? Le capital émotionnel!

Publié le 23/10/2017 à 08:47, mis à jour le 10/06/2019 à 14:07

Les émotions sont vives à ce moment-là. Reste à savoir en tirer parti... Photo: DR

Pourquoi certaines entreprises réussissent-elles tandis que d'autres se plantent royalement lorsqu'elles changent de mains? En grande partie en raison d'un actif encore méconnu, mais qui suscite aujourd'hui un vif intérêt auprès des économistes: le «capital émotionnel» (CÉ) de l'entreprise. Si le transfert permet de booster son CÉ, il sera fort probablement une réussite; inversement, s'il nuit à son CÉ, l'échec sera au rendez-vous. Explication.

Il n'existe pas encore de définition du CÉ qui fasse l'unanimité, mais on peut le présenter comme les actifs basés sur l'émotion que l'organisation a accumulés au fil du temps grâce à l'ensemble de ses employés. Concrètement, cela peut se traduire par, notamment : le degré de confiance (et donc, de transparence) qui règne au sein de l'organisation ; le taux d'engagement des employés ; la fierté que les uns et les autres ont à travailler pour leur employeur ; ou encore, le bien-être ressenti par chacun dans son quotidien au travail. Autrement dit, le CÉ représente le carburant de l'entreprise : plus elle en a, plus elle peut aller loin, et inversement.

C'est bien simple, la clé du succès, c'est aujourd'hui le CÉ. Et il semble que les entreprises familiales aient un atout considérable à ce sujet par rapport aux autres entreprises, comme le montre une récente étude signée par deux professeurs de management, Bart Debicki, de l'Université de Towson, et Robert Van de Graaff Randolph, de l'Université du Nevada à Las Vegas, aux États-Unis, ainsi que par Marcin Sobczak, partenaire de la firme technologique polonaise MSCG. Ensemble, ils ont considéré plusieurs entreprises polonaises sous les angles de la performance économique et du CÉ, l'idée étant de voir s'il y avait le moindre lien entre les deux.

Le résultat est clair et net : plus une entreprise a un CÉ élevé, plus elle a de chances d'afficher une bonne performance économique. Et ce, pour deux raisons principales :

1. Le rayonnement. Les entreprises au CÉ élevé rayonnent fortement dans leur environnement - elles jouissent d'une bonne réputation, elles cherchent à avoir un impact positif dans leur communauté, elles veillent à enrichir leurs partenaires -, si bien que cela bénéficie directement à leurs affaires.

2. La continuité. Les entreprises au CÉ élevé le doivent souvent au fait que celui-ci s'est accumulé dans le temps de manière continue, sans avoir été gravement endommagé lors des différents passages du flambeau.

D'où l'atout évident des entreprises familiales, selon les trois chercheurs : celles-ci attachent, en général, une grande importance à prospérer de manière harmonieuse, génération après génération, ce qui présente l'avantage de combiner de manière spontanée rayonnement et continuité. Leur secret pour y parvenir ? Jesus Barrena-Martinez, professeur de management à l'Université de Cadix, en Espagne, et son équipe ont tenu à le savoir et ont, pour ce faire, analysé l'évolution de plusieurs entreprises familiales espagnoles. Ils ont alors constaté que la passation des rênes au sein même de la famille garantissait le transfert de quatre éléments clés du CÉ au niveau de la direction : les valeurs, le sentiment d'appartenance, l'engagement et la bienveillance envers l'entreprise.

Il convient de voir le CÉ comme un flux d'énergie parcourant l'ensemble de l'organisation sous la forme d'une «spirale émotionnelle», selon Dean Shepherd, professeur d'entrepreneuriat à l'Université de Notre Dame, aux États-Unis. «Cette spirale-là peut avoir un effet positif, à condition de mettre sa propre énergie dans les stocks d'énergie présents ici et là [le stock de l'équipe du marketing, celui de l'équipe des ventes, etc.]. Elle peut tout aussi bien avoir un effet négatif, si elle tourne dans l'autre sens et aspire au passage l'énergie qui est stockée ici et là dans l'organisation», dit-il dans une étude, en ajoutant que «le sens dans lequel tourne la spirale du CÉ dépend surtout de l'impulsion donnée par la haute direction».

Un exemple lumineux est celui de la Santander, la première banque d'Espagne, considérée l'année dernière comme la 37e entreprise du monde par le magazine Forbes. Selon M. Barrena-Martinez, cette entreprise familiale doit son succès au fait que la direction n'a jamais dérogé à cinq règles managériales propices à l'appréciation continuelle de son CÉ : une main-d'oeuvre diversifiée, l'égalité entre les sexes, la promotion du bien-être au travail, un code de conduite aux valeurs universelles, une grande autonomie des employés.

Ces règles, appliquées à la lettre, permettent à la spirale émotionnelle de la Santander de tourner dans le bon sens depuis des décennies, et donc, à la banque de prospérer de façon spectaculaire dans un secteur d'activité pourtant ultra-compétitif. La haute direction de cette entreprise familiale a su faire fructifier son CÉ, et cela se révèle jour après jour on ne peut plus payant pour elle.

Que retenir de tout ça ? Une simple réflexion, me semble-t-il : si les dirigeants d'entreprise québécois intégraient à présent le terme «capital émotionnel» à leur vocabulaire courant, cela ne permettrait-il pas d'avoir sous peu un Québec en meilleure santé économique ?

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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