Il n'est pas nécessaire d'avoir «réponse à tout»

Publié le 01/11/2018 à 11:27

Il n'est pas nécessaire d'avoir «réponse à tout»

Publié le 01/11/2018 à 11:27

David Eidelman. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Pour David Eidelman, vice-principal (santé et affaires médicales) et doyen de la Faculté de médecine de l’Université McGill, un bon dirigeant et un bon médecin ont un point en commun : ils ont tous deux l’impression qu’ils doivent «avoir réponse à tout». En fait, rien n’est plus faux.

C’est en travaillant sur le terrain que David Eidelman, qui ne possède pas de formation en gestion, a découvert ce qu’il considère être la façon la plus efficace de diriger.

«Au début, j’ai souvent eu recours au leadership héroïque, ce que je déconseille maintenant à mon équipe de faire, sauf en cas d’urgence. Lorsqu’un problème survenait dans l’une des unités que je dirigeais, j’estimais que je devais le régler personnellement. J’ai mis un certain temps à comprendre que mon travail consistait à choisir les bonnes personnes et à leur donner les moyens de trouver des solutions.»

Le rôle du médecin est en constante évolution. David Eidelman croit que les médecins n’ont plus besoin d’être de simples mines de connaissances médicales poussées, mais qu’ils doivent plutôt agir comme de fins analystes qui cherchent toujours à mieux appuyer leurs opinions professionnelles. 

«Les médecins, historiquement, étaient vus comme l’unique source du savoir médical. À une époque où les faits sont à la portée de tous les utilisateurs de téléphones intelligents ou d’appareils similaires, le médecin n’a pas à détenir toutes les connaissances. Comme nous l’enseignons à nos étudiants en médecine, le véritable rôle d’un médecin est d’interpréter les connaissances en fonction de la situation de la personne qui se trouve devant lui. Il doit donc s’efforcer de privilégier l’écoute plutôt que la parole et l’observation plutôt que l’action.»

David Eidelman a fait ses études de premier cycle à McGill, où il est revenu plus tard pour suivre une formation spécialisée et se joindre au personnel enseignant. Son «penchant avoué pour les sciences» l’a d’abord dirigé vers la médecine interne, puis vers une spécialisation en pneumologie. 

«En médecine interne, surtout à l’époque où je pratiquais, on utilisait essentiellement la science pour comprendre pourquoi les personnes étaient malades. Je trouvais fascinant qu’on puisse vraiment comprendre le fonctionnement de chaque organe – les poumons, le cœur, les reins ou le foie – et l’interpréter en fonction de l’état de santé général du patient.» 

David Eidelman estime qu’il y a eu de nettes améliorations dans le domaine de la médecine depuis l’époque où il était étudiant, notamment en raison des découvertes scientifiques, mais aussi parce que l’on se préoccupe davantage de l’environnement de travail exigeant.

«Pendant nos études, nous étions de garde des jours durant, et en déficit de sommeil. Nous avions du mal à réfléchir, mais tous considéraient que c’était normal, alors que c’est totalement inacceptable. Heureusement, les nouvelles générations insistent sur le maintien d’un meilleur équilibre.»

David Eidelman est enthousiaste de voir l’orientation que prendra la profession médicale. Il croit que dans l’avenir, le personnel médical travaillera principalement en équipes et se concentrera sur les patients aux prises avec des problèmes chroniques plutôt que sur ceux qui ont des problèmes de santé plus simples. Il pense également que certains sous-domaines gagneront en importance.

«La recherche s’articule de plus en plus autour des données et de l’informatique. Notre faculté accorde beaucoup d’importance à la médecine informatique et à la neuroinformatique. Les autres domaines qui prendront de plus en plus de place sont la neuroscience, qui a toujours été une force à McGill, la recherche sur le cancer et les maladies infectieuses et immunitaires.» 

David Eidelman voit également un grand potentiel pour l’intelligence artificielle dans la profession médicale.

«Les patients se présenteront avec leur appareil mobile qui aura déjà enregistré et analysé toutes les données importantes, comme la tension artérielle et la glycémie, lesquelles seront ensuite interprétées par le médecin. Données en main, le médecin pourra écouter le patient, examiner sa situation personnelle, sa réalité sociale et familiale et ses désirs, puis rassembler toute cette information pour trouver des façons d’améliorer réellement sa vie.»

Pour l’instant, David Eidelman se concentre sur l’administration de la faculté. Il accomplit son deuxième mandat à titre de vice-principal et de doyen, et il considère que son principal défi est de tenir compte des priorités d’une multitude d’intervenants dans son processus décisionnel. 

«Nous entretenons des liens très étroits avec le secteur hospitalier, ainsi qu’avec la haute direction de l’Université, évidemment. Ces relations créent de belles occasions de faire preuve de leadership, mais elles compliquent aussi les choses. L’Université et le système de santé ne fonctionnent pas de la même façon. Mon rôle est complexe parce que je dois diriger mon organisation, tout en conservant d’excellentes relations avec ses organisations sœurs.»

David Eidelman prévoit de retourner à l’enseignement à la fin de son mandat, en 2022. Mais malgré ses fonctions administratives, il arrive à trouver du temps chaque semaine pour superviser des étudiants aux cycles supérieurs au laboratoire. 

«Passer du temps avec les étudiants est sans contredit la partie la plus amusante de mon travail. J’adore discuter avec les étudiants, et j’ai encore des connaissances à leur transmettre avant ma retraite.»

Lien vers le podcast (en anglais seulement)

Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agréé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD. L’article a été rédigé en collaboration avec Dan Schechner, étudiant au baccalauréat en commerce à l’Université McGill. L’entrevue intégrale sera disponible en baladodiffusion Apple cet automne.

À propos de ce blogue

Chaque semaine, Karl Moore, professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, s’entretient avec des dirigeants d’entreprise de calibre mondiale au sujet de leur parcours, les dernières tendances dans le monde des affaires et l’équilibre travail-famille, notamment.

Karl Moore
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