Ce Montréalais a trouvé la solution pour contourner les murs payants des revues universitaires

Publié le 27/10/2015 à 12:00

Ce Montréalais a trouvé la solution pour contourner les murs payants des revues universitaires

Publié le 27/10/2015 à 12:00

Éric Archambault, le pdg de 1science, a lui-même publié une vingtaine d’articles dans des revues universitaires. [Photo : courtoisie]

Pour Éric Archambault, pdg de 1science, les grands éditeurs de revues universitaires s’accaparent indûment d’un actif inestimable financé par des fonds publics. «Les gouvernements dans le monde investissent environ 450 milliards par année dans la recherche universitaire et l’industrie des revues universitaires s’élève à 10 à 12 milliards », fait valoir l’homme d’affaires qui, titulaire d’un doctorat, a lui-même publié une vingtaine d’articles dans des revues universitaires.

Dans ce contexte, Éric Archambault, qui célébrait le lancement officiel de 1science lundi, trouve difficilement justifiable que ces revues imposent des tarifs d’abonnement démesurés aux bibliothèques universitaires, elles aussi essentiellement financées par des fonds publics. « Les éditeurs de revue scientifique n’arrêtent pas d’augmenter le prix de leurs abonnements, qui augmente de 6 à 7 % par année, alors que le budget des bibliothèques fait du surplace », note le pdg de 1science.

En maintenant des murs autour d’une masse critique d’articles, les éditeurs de revues ralentissent le progrès scientifique, puisque ce ne sont pas toutes les bibliothèques universitaires dans le monde (et encore moins toutes les entreprises faisant de la R et D) qui ont le moyen de payer leurs frais d’abonnement. Ainsi, le coût macroéconomique des murs payants des éditeurs universitaires, s’il est difficile à chiffrer, serait beaucoup plus grand que la somme des frais d’abonnements qu’ils facturent.

Éric Archambault est loin d’être le premier à identifier l’inefficacité de ce modèle. Notamment, c’est un enjeu qui a attiré les foudres de l’activiste et co-fondateur de Reddit Aaron Swartz, qui dénonçait (avec ses co-auteurs) l’emprise de géants comme Reed Elsevier sur le savoir scientifique dans le texte Guerilla Open Access Manifesto. L’Américain s’est d’ailleurs suicidé en 2013, à l’âge de 26 ans, en attente de son procès pour fraude informatique. Son «crime»? Il avait téléchargé automatiquement, grâce à un ordinateur portable caché dans un garde-robe du MIT, quelque 4,8 millions d’articles universitaires tirés de la base de données JSTOR (à laquelle est abonnée l’université américaine).

Éric Archambault, pour sa part, a trouvé une solution légale au problème du libre accès aux articles scientifiques. Dans un contexte où la communauté universitaire est de plus en plus sensible aux enjeux du libre accès, Éric Archambault a eu le déclic lorsqu’il s’est rendu compte que plus de la moitié des articles universitaires publiés dans le monde était accessible sur le Web.

Alors à la tête de Science-Metrix, qui fait dans l’analyse des recherches scientifiques, Éric Archambault décide de fonder 1science en 2014, pour développer un moteur de recherche capable de chercher parmi l’ensemble des articles scientifiques répartis à travers quelque 100 000 sites Web. Le problème n’était pas évident à résoudre, puisque les articles en libre accès se retrouvent sur les sites du nombre grandissant de revues universitaires embrassant le libre accès, mais aussi, sur des entrepôts en ligne d’articles universitaires comme arXiv, où les chercheurs vont souvent eux même déposer une version préliminaire d’un article publié dans une revue ayant un mur payant.

Forte d’une équipe de 25 employés et contractuels, 1science compterait plus d’employés que l’équipe responsable de Google Scholar, selon Éric Archambault. Ce dernier ne s’inquiète ainsi pas beaucoup de la concurrence potentielle de Google, estimant que le créneau n’est pas une priorité pour le géant techno. Du reste, pour l’instant, Google Scholar répertorie autant des articles derrière un mur payant que des articles en libre accès ou même des articles qui ne peuvent pas être considérés comme universitaires, contrairement à l’outil de recherche de 1science, baptisé oaFindr.

Le modèle d’affaires du moteur de recherche, qui répertorie pour l’instant 10 millions d’articles, est de facturer des frais d’abonnement aux bibliothèques universitaires, un peu comme le fait JSTOR. La différence, c’est qu’oaFindr est beaucoup plus abordable, les universités de ne payant pas pour le contenu, mais bien pour utiliser le logiciel développé par 1science.

On parle donc d’une belle initiative montréalaise qui devrait contribuer à la démocratisation du savoir universitaire partout dans le monde. Malgré tout, difficile de ne pas faire remarquer que, pour aller encore plus loin dans la démocratisation de ce savoir, ce serait bien si le moteur de recherche de 1science était gratuit et accessible à tous.

Aussi, comme toute entreprise doit concilier sa mission à la rentabilité, il me semble que 1science ne serait, après tout, pas une mauvaise cible d’acquisition pour Google, qui fait assez d’argent pour offrir un service gratuit de plus. Après tout, la mission du géant techno est d’«organiser l’information à travers le monde et la rendre universellement accessible et utile ».

À propos de ce blogue

DE ZÉRO À UN MILLION est le blogue de Julien Brault, qui a fondé la start-up Hardbacon en juin 2016. L’ancien journaliste de Les Affaires relate ici chaque semaine comment il transforme une idée en entreprise. Dans ce blogue, Julien Brault dévoile notamment chaque semaine ses revenus. Une démarche sans précédent qui est cohérente avec les aspirations de Hardbacon, qui vise à aider les gens à investir intelligemment en faisant voler en éclat le tabou de l’argent. Ce blogue sera ainsi alimenté jusqu’à ce que Hardbacon, qui n’avait aucun revenu lors de la publication du premier billet, génère un million de dollars en revenu annuel.

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