Contrat social

Offert par Les Affaires

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Contrat social

Offert par Les Affaires

Publié le 07/02/2018 à 06:00

[Photo: 123rf]

Le transport routier vous a coûté 5 271 $ en 2015. Que vous ayez une auto ou pas, que vous conduisiez ou non, c’est une moyenne. Et il y a fort à parier que la facture sera encore plus salée cette année. Les coûts liés au transport par automobile au Québec ont augmenté de 33 % de 1995 à 2015 (en dollars constants). La population, elle, de 15% seulement.

Cette hausse est pour la première fois documentée dans le détail avec la publication, la semaine dernière, d’un rapport de la Fondation David Suzuki et de Trajectoire Québec. J’avais accepté d’animer le lancement de cette étude, le 30 janvier, parce qu’elle constitue à mon sens un outil essentiel pour éclairer les dirigeants sur les choix à venir en matière de transport. Pour qu’on commence à investir dans les solutions plutôt que dans le problème, pour reprendre les mots de Pierre-Olivier Pineau, d’HEC Montréal, en préface du rapport.

C’est un enjeu de société et par conséquent, un enjeu économique. Les signataires de l’étude soulignent qu’elle arrive dans un climat favorable : le gouvernement du Québec prévoit déposer une Politique de mobilité durable en avril, les entreprises dénoncent les pertes de productivité causées quand leurs employés ou leurs marchandises sont «pris dans le trafic», et la population en général est excédée d’être l’otage de la circulation. «L’arrivée de la Caisse [de dépôt et placement] dans le secteur du transport, avec le REM, a aussi opéré un changement, a souligné Karel Mayrand, directeur pour le Québec de la Fondation David Suzuki. Avant, on parlait du transport en commun comme du transport des communs. Maintenant, on trouve ça beau, un tramway, le transport collectif est perçu comme l’avenir.» La Caisse contribue à structurer l’économie du Québec, il est vrai, et c’est d’ailleurs le sujet de notre manchette dans ce numéro.

Les solutions ne seront pas pour autant simples à mettre en oeuvre. Au chapitre du financement, les revenus de la taxe sur l’essence sont au mieux stables, sinon en décroissance. «Ça va prendre autre chose, et pas simplement le Fonds vert», a noté Florence Junca-Adenot, professeur en urbanisme à l’UQÀM et panéliste lors du lancement. Une taxe au kilomètre, une taxation progressive selon le nombre de véhicules par ménage, etc.

Karel Mayrand estime que l’escalade des coûts impose un nouveau contrat social : cesser de promettre un réseau routier gratuit et accessible, mais plutôt des moyens de se rendre d’un point A à un point B en un certain temps. Une promesse séduisante, mais irréalisable avec le réseau actuel du transport collectif. Il faudra que des entreprises saisissent l’occasion d’affaires pour la tenir.

Anecdote : le 1er février, j’ai pris l’autobus pour me rendre au travail. À un kilomètre de ma destination, la porte arrière refuse obstinément de rester fermée. Comme beaucoup d’autres passagers, je décide de continuer à pieds. Tout en marchant, j’entends la conversation d’une jeune femme derrière moi. «Depuis que je prends ma voiture pour venir travailler, ça me prend 30-45 minutes plutôt que 2h. J’ai tellement de temps en rentrant chez moi, je me peux plus !» Le nouveau contrat social, ce n’est pas gagné.

Julie Cailliau
Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.