Pour une élection au Barreau et un Code des professions renforcé


Édition du 27 Août 2015

Pour une élection au Barreau et un Code des professions renforcé


Édition du 27 Août 2015

Le système professionnel québécois traverse une période trouble qui mine sa crédibilité au regard de sa raison d'être : protéger le public.

Les ordres des avocats et des ingénieurs sont en crise ouverte. Il y aurait aussi des problèmes - sans doute moins importants - dans d'autres ordres, mais on n'en parle pas publiquement. Ces enjeux minent la confiance du public dans le système d'encadrement de la pratique des professions, qui repose sur le principe de l'autorégulation par les professionnels eux-mêmes.

On compte au Québec 46 ordres regroupant 378 000 membres répartis dans deux types de professions : celles d'exercice exclusif, qui ont une loi et dont les membres portent un titre légal (par exemple, médecin, avocat et ingénieur) ; et celles à titre réservé, qui peuvent utiliser un titre professionnel, comme administrateur agréé, traducteur agréé, etc., mais qui n'ont pas l'exclusivité de leur activité.

Quarante ans après la sanction du Code des professions et la création de l'Office des professions, une consultation est en cours pour permettre à ce dernier de mieux encadrer l'exercice des professions, de façon à s'assurer que les ordres protègent bien le public. Le besoin est évident, surtout depuis la tenue de la commission Charbonneau qui a éclaboussé les ingénieurs. De plus, beaucoup de fautes professionnelles graves mériteraient à leurs auteurs des pénalités plus sévères. Et que dire des conseils de discipline, qui prennent des années à rendre leurs décisions ? Toutefois, le gouvernement du Québec est en train de mettre en place un nouveau dispositif afin de corriger leurs lacunes.

Perception erronée de la population

Les Québécois ont généralement confiance aux professionnels, mais ils comprennent mal le rôle des ordres. Lors d'un sondage CROP réalisé en ligne auprès de 1 000 personnes en septembre 2014, la moitié des répondants estimaient que les ordres servaient à protéger leurs membres, tandis que seulement 10 % environ croyaient qu'ils avaient pour mission de protéger le public.

Les crises subies par le Barreau et l'Ordre des ingénieurs renforceront la perception négative des gens à l'égard du système professionnel.

Gouvernance déficiente au Barreau

Au Barreau du Québec, la bâtonnière Lu Chan Khuong, élue avec 63 % des votes en mai dernier, a été suspendue le 1er juillet par le conseil d'administration à la suite de la publication d'un article sur un vol de pantalons qu'elle aurait fait dans un magasin en avril 2014. Le journaliste qui a écrit l'article avait été informé que Mme Khuong avait bénéficié du programme de déjudiciarisation des personnes qui ont prétendument commis un délit mineur. Ce programme a pour but d'éviter à celles-ci un dossier criminel et de désengorger les tribunaux ; 100 000 personnes en ont déjà profité. Puisque la liste de ces personnes est confidentielle, la bâtonnière a peut-être été victime d'un coup monté par des gens qui ne voulaient pas d'elle à la tête du Barreau.

Sans surprise, Mme Khuong a refusé sa suspension et a demandé d'être réintégrée dans ses fonctions. Une médiation a été tentée en vain. Après quoi les parties ont choisi de se battre devant les tribunaux, chacune ayant déposé une poursuite en dommages d'un montant frisant les 100 000 $ contre sa vis-à-vis.

Les opinions sont partagées quant à savoir si le CA avait le droit de la suspendre. Les tribunaux trancheront ce différend si aucune solution n'est trouvée. L'Office des professions a délégué un observateur qui vérifiera si le Barreau continue d'accomplir ses tâches : émission des permis, inspection, enquêtes, sanctions, etc.). Une leçon à retenir pour le Barreau : revoir sa gouvernance pour prévoir une procédure de règlement d'un incident comme celui qui vient de le frapper.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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